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Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Mustapha Kessous - 16/06/2021

Après quatre tentatives ratées pour rallier l’Europe, le jeune homme de 26 ans est enfin parvenu en France. Récit d’un voyage d’espoirs, de « terrible solitude » et de peurs.

Il a envoyé une photo de lui sur WhatsApp devant la tour Eiffel, accompagné d’un petit mot. « A Paris, depuis trois jours. » La dernière fois qu’on avait croisé Adem*, c’était l’été dernier, à la terrasse d’un fast-food de Mahdia, dans l’est de la Tunisie, par une nuit chaude et suffocante. Cet ancien employé de la base nautique d’un hôtel trois-étoiles avait raconté sa vie de « harrag », de « brûleur » de frontières en arabe. A l’époque, le jeune homme de 25 ans préparait son cinquième départ vers l’île italienne de Lampedusa. Avec six amis, il a finalement réussi à rejoindre, le 27 août 2020 vers 17 heures, sans passeport ni visa, ce bout de terre considéré comme la porte d’entrée de l’Europe.

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Depuis le début de l’année, près de 2 000 Tunisiens ont pris le large comme lui, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Et d’après le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), plus de 100 personnes sont mortes, entre janvier et avril. « Moi, j’ai brûlé sans me brûler », dit Adem.

Sur une terrasse qui domine les hauteurs de Paris, le jeune homme termine sa cigarette en contemplant une mer d’immeubles. Ce beau garçon à la bouille rieuse a toujours le ton et le regard déterminés, mais sa peau n’est plus noircie par le soleil.

« Comme un homme »

Qu’il semble loin le jour où le jeune Tunisien a mis les pieds à Lampedusa… Arrêté à son arrivée sur l’île, il a été placé avec ses compagnons en quarantaine dans un bateau, Covid oblige. Pour éviter une expulsion plus rapide, Adem ne dit pas à ceux qui l’interrogent qu’il était l’unique pilote du pneumatique, c’est l’une des leçons qu’il a retenues de ses précédentes tentatives.

Transféré dans un centre de rétention à Bari après l’isolement sanitaire, il pense reconnaître un visage familier, celui d’un officiel tunisien qu’il a croisé lors de sa première tentative, en 2014. « Je lui ai dit cash : “La dernière fois, vous m’avez expulsé, qu’est-ce que vous avez gagné ? Je veux simplement vivre. Je ne suis pas un voleur.” Il s’est comporté comme un homme. Il n’a pas signé mon avis d’expulsion. » Au terme d’un mois en rétention, Adem est relâché avec un laissez-passer par les autorités italiennes. Officiellement, il a quelques jours pour quitter le territoire.

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Le jeune homme a longtemps rêvé de ce précieux sésame. Certes, il entre en Europe par la plus petite des portes, mais l’essentiel est ailleurs : une nouvelle vie s’ouvre après des années d’incertitude. Une fois libéré, il rejoint Palerme où réside une de ses tantes et trouve un travail d’ouvrier agricole. Dans les serres, il arrache des mauvaises herbes, mange de la poussière en cueillant des tomates et des aubergines aux côtés d’autres sans-papiers. Après des semaines sans salaire, son patron consent à lui verser 10 euros par jour, le double de ce qu’il gagnait quand il conduisait des jet-skis pour les touristes à Mahdia. « Au bout de plusieurs mois, je touchais 35 euros parce que j’avais plus d’expérience. Ce travail m’a cassé le dos. Je ne peux plus voir une tomate et une aubergine », lâche-t-il dans un éclat de rire.

Avec l’argent accumulé, il a pu s’offrir quelques vêtements et financer le voyage jusqu’à Vintimille, dernier stop avant la France. Le reste, il l’a envoyé à ses parents. Mais avant d’arriver à la frontière, le jeune Tunisien a dû traverser la Botte en bus, plus discret que le train, en passant de grandes villes en grandes villes. Durant ce voyage, il lui faut éviter à tout prix le contrôle de police.

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Pour ne pas risquer d’être arrêté, Adem explique avoir pris soin de se fondre dans la foule : toujours bien s’habiller, payer son ticket de transport, rester poli… Bref, ne pas attirer l’attention. Et puis, il parle l’italien (pas le français), appris à force de côtoyer les touristes. « J’ai dormi dans des parcs, à la rue. Avec le froid et le Covid, ce n’était pas facile », raconte-t-il.

Une fois arrivée à Vintimille, début mai, une autre difficulté l’attend : traverser la frontière sans se faire repérer. Là-bas, il rencontre des passeurs. Tunisiens, Marocains, Français… le migrant a l’embarras du choix. « Il y a un vrai marché et des arnaques aussi. Tout le monde veut profiter de nous, surtout les Français », assure-t-il. Il rencontre deux frères tunisiens en qui il a très vite confiance. Prix réclamé ? 200 euros. Il part de nuit à travers les sentiers : 20 km à se cacher de la police, des voitures, parfois en traversant un tunnel… « J’ai eu peur », confie-t-il.

« Qu’on me donne ma chance »

Au lever du soleil, il aperçoit enfin la France. Menton. Nice. Un dernier bus pour rallier Paris. « Je suis arrivé à la gare de Bercy en pleine nuit. Pour la première fois en dix mois, j’étais enfin soulagé. Au matin, j’ai appelé ma mère », se rappelle-t-il. Les premiers jours, il dort dehors et en profite pour visiter la capitale. « Je suis allé voir les Champs-Elysées et la tour Eiffel. Je ne savais pas que dans la ville Lumière, il y avait des quartiers plus sales qu’à Tunis », s’étonne-t-il.

Aujourd’hui, Adem est hébergé chez des Tunisiens dans une lointaine banlieue. Ce sont des amis d’amis qui ont été, comme lui, sans-papiers avant d’être régularisés. Par solidarité, ils ont accepté de le loger sans contrepartie. Le jeune homme a déjà trouvé un emploi, au noir forcément : « Dès que je suis arrivé, j’ai cherché du travail. Je me suis rendu dans les quartiers arabes de la ville pour me renseigner et devant les chantiers. Aujourd’hui, je suis maçon. »

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Après plus de deux heures à raconter son histoire presque en apnée, il tient à préciser que « l’immigration, c’est psychologiquement difficile. La solitude est terrible. » De son périple, il retient une rencontre avec une femme, originaire de Sfax, une ville située non loin de la sienne. « Son mari vit en France, mais elle n’a pas pu obtenir de papiers pour le rejoindre. Alors, elle a pris le bateau avec ses deux bébés sous le bras. Ça m’a choqué, raconte-t-il ému. Tout le monde peut être un jour un migrant. »

Adem sait que la France n’est pas un eldorado. S’il avait eu le choix, il serait resté en Tunisie. « J’aime mon pays, je n’aurai jamais pensé le quitter. Je veux juste travailler quelques années, aider ma famille et y retourner un jour », se promet-il. Il a conscience aussi que les sans-papiers peuvent être mal vus. Alors, il ne demande qu’une chose : « Qu’on me donne ma chance. Je ne suis pas venu vendre de la drogue. Je vais tout faire pour être la meilleure personne possible. On se doit de présenter la meilleure image parce que d’autres vont venir derrière nous. »

 

 

 

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

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