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Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Libération - Dounia Hadni - 26/09/2017

Un agent administratif d'une préfecture revient pour «Libé» sur son expérience derrière un guichet en charge de l'accueil des étrangers.

Après avoir rapporté les déboires d'étrangers en séjour régulier en France avec la préfecture, Libé a voulu aller voir de l’autre côté des guichets. On est donc passé par des syndicats, notamment la CGT-USPATMI (1) pour entrer en contact avec les agents qui font office d'interlocuteurs directs pour les usagers, et d'intermédiaires entre eux et l'administration. Un seul nous a rappelé, en numéro masqué : une femme âgée de 40 ans qui a travaillé deux ans comme agent d'accueil en province avant d'exercer des fonctions de responsable (spécialisée dans le traitement du contentieux à la suite de refus de carte de séjour), pendant trois ans. Libé a fait le choix de retranscrire cette interview de façon directe, pour montrer la perception qui peut subsister dans les coulisses de l'administration française.

Quelle est l'ambiance au sein de votre équipe ?

Nous sommes très soudés et souvent sur la même longueur d’onde sur le traitement des dossiers : il n’y a pas d’écart dans notre façon de faire et de nous positionner. Je vis intensément ce que vivent mes collègues à l’accueil, parce que je suis aussi passée par là. Il faut recevoir les étrangers, vérifier leurs justificatifs (ressources, logement etc.), enregistrer leurs dossiers sur les applications informatiques… Quand on doute, on va voir le chef de bureau et on lui demande : t’en penses quoi ?

Y a-t-il des tensions récurrentes entre les usagers étrangers et vous ?

Il ne suffit pas d’être gentil et de bien parler français pour obtenir son titre de séjour, il faut avoir des ressources propres et remplir plein d’autres critères… C'est toujours la même chose : quand un agent d’accueil dit oui à une demande de titre de séjour, on le trouve sympathique, il est gentil. Quand c'est non, on gesticule, on crie au scandale, il devient méchant. Sinon on ramène père, mère, tontons, tatas… Oui, dans ces moments, il y a une vraie tension, surtout que nous sommes amenés à traiter les dossiers de personnes à la chaîne. Ça plus les soucis familiaux et les migraines… Nous avons le droit d'être des êtres humains.

Au fil de nos échanges avec les personnes qui viennent aux guichets de la préfecture, un sentiment revient : celui d'être suspecté en permanence…

Mais oui et c'est normal, la suspicion fait partie de notre travail, on a nos sens en alerte. Si on n'avait pas de raison d'être suspicieux, on ne le serait pas. Certains étrangers entrent dans les clous. D'autres voient le titre de séjour comme un eldorado qui donne accès à la sécurité sociale et croient qu’ils peuvent tout faire… On épingle souvent des gens qui fournissent de faux documents, de fausses fiches de paye, qui donnent de fausses domiciliations, qui mentent sur leur situation familiale. Quand on a le sentiment d’être mené en bateau, ça nous fait bouillir et là ça peut effectivement dégénérer rapidement. Bien sûr, on a une famille, on est content d’avoir la sécurité sociale… Et on comprend qu’un usager soit capable de tout pour rester en France, mais notre travail de fonctionnaire est de suivre à la lettre la réglementation des étrangers. De toute façon, on ne peut pas régler tous les problèmes de la planète.

Nombre de personnes étrangères ont l'impression d'être traitées différemment en fonction de leur nationalité… Que répondez-vous à cela ?

On remarque avec l’expérience les mêmes travers en fonction des nationalités… mais attention ce n’est pas du racisme, c’est la force de l’habitude. Il y a des comportements qui se répètent. Par exemple, tous les étés, leur maman tombe soi-disant malade… [un récépissé de titre de séjour permet de retourner dans le pays d'origine et donc de sortir de France et de revenir en France, ndlr] Sur le regroupement familial, le réflexe c'est de (se) dire : «Oh mais regardez, c’est un gentil conjoint de Français». Mais la réalité c'est qu'il y a des personnes françaises fragiles : des femmes, simples d’esprit, à qui le conjoint demande le divorce dès qu’il a ses papiers ou qu’il devient parent d’enfant français. Comme par hasard.

Mais les divorces, ça arrive même entre les Français… Ne pensez-vous pas qu'un divorce peut survenir entre un(e) Français(e) et un(e) étranger(e) sans que ce soit un mariage blanc ?

Là vous avez le réflexe de la personne de type française instruite, qui été élevée au biberon de la République à "Liberté, égalité, fraternité". On ne les catégorise pas parce qu’on est méchant mais parce que c’est notre travail d’avoir une vision fine des gens. Ce n’est pas raciste, j’adore les étrangers, c’est magnifique d’apprendre un deuxième alphabet, se jeter dans une autre culture, ça doit demander un effort incroyable.

Pouvez-vous nous citer des cas concrets ?

Il y a les mariages blancs mais aussi les mariages gris. Exemple : un étranger épouse une Française, il lui dit «Oh ma chérie, je t’aime» [elle précise : «J’ajoute des effets de scène pour que ce soit rigolo», ndlr]. Mais en même temps il entretient une correspondance avec la fille au pays qui lui est promise depuis toujours. Une fois les papiers dans la poche, il lui crache dessus, l’insulte de tous les noms en arabe. Il ramène via le regroupement familial celle qu’il a gardée sous le coude et après ? Eh ben ça fait des enfants. C'est le cas de beaucoup de ressortissants turcs qui se marient avec des Françaises avant de divorcer pour se remarier avec des Turques et refaire des bébés. Mais il ne faut pas le dire, ça pourrait donner des idées…

Pourquoi des procédures tel que le changement de statut d'étudiant à salarié sont si complexes ?

Normalement, un étudiant doit repartir dans son pays à la fin de ses études… Ce n’est pas bien de délaisser son pays, il faut y retourner pour faire évoluer les choses. On est preneur si l'étranger obtient un poste en CDI dans un secteur en pénurie pour rendre service à la France. 

Y a-t-il des quotas qui vous sont imposés ? Quelles sont vos conditions de travail ?

Nous n'avons pas de pression du tribunal administratif, pas de quotas officiellement institués. On applique des circulaires et des notes internes… Cela dit, on souffre d'une baisse des effectifs, de remaniements de mission, des économies sur les dépenses de l’Etat. Mais aussi de cadences infernales particulièrement en région parisienne. On travaille à la chaîne, c'est épuisant moralement et physiquement… Il faut voir l'état de fatigue des agents ! Le temps de traiter dix dossiers, quinze autres vous tombent dessus. C'est devenu quasi impossible de faire tenir toutes nos missions dans nos 35 heures. On a l'impression que notre travail est perdu d'avance. Résultat : on bosse avec toujours autant de respect et un peu moins de patience. Il y a un vrai mal-être, surtout que pour les chefs, ce n'est jamais assez.

Comment vous situez-vous politiquement ?

Comme la majorité des fonctionnaires, plutôt à gauche. Il faut une ouverture d’esprit pour travailler dans le service public.

 

 

Dounia Hadni @douniahadni

 

(1) Union des syndicats des personnels administratifs et techniques du ministère de l’Intérieur

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

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