Source : Télérama - Juliette Warlop - 28/11/2018

Le 13 décembre, Benoît Ducos et ses compagnons sauront s’ils écopent de prison avec sursis pour avoir secouru des migrants qui traversaient la frontière italo-française. Le très sensible documentaire “Au Pied du mur” fait le portrait de ses “secouristes” bénévoles. A voir ce 28 novembre sur France Ô.

Dans les Hautes-Alpes, de plus en plus de migrants tentent de franchir la frontière italo-française par les cols de l’Echelle et de Montgenèvre. Avec beaucoup de sensibilité, le documentaire Au pied du mur diffusé mercredi 28 novembre sur France Ô, se penche sur les bénévoles qui, de part et d’autre de la frontière, ont choisi de les secourir. Parmi eux, un montagnard briançonnais, Benoît Ducos, un citoyen ordinaire et discret, qui n’aime guère se mettre en avant, dont nous parle les deux réalisateurs, Peggy Bruguière et James Keogh.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à cette partie de la frontière franco-italienne ?
Les durcissements des contrôles policiers à la frontière franco-italienne de Vintimille l’ont rendue quasiment infranchissable. Les migrants tentent de passer plus au Nord, du côté briançonnais, et se voient contraints d’emprunter des itinéraires beaucoup plus dangereux. En moins de deux ans, plus de 4000 personnes sont ainsi passées par le Refuge Solidaire à Briançon, qui est devenu un lieu de transit.

“Pour que la mort ne résonne pas dans les cols.”

Comment se passe la traversée de la frontière par ces migrants ?
Ils partent sans le moindre équipement, ne connaissent pas la montagne qui, été comme hiver, est dangereuse. Beaucoup d’entre eux se perdent, parfois durant plusieurs jours. Traqués par la police, ils prennent de plus en plus de risques. Dans la région, les bénévoles se mobilisent donc « pour que la mort ne résonne pas dans les cols », selon leur expression.

  Dans la région, les bénévoles se mobilisent donc « pour que la mort ne résonne pas dans les cols », selon leur expression.  James Keogh / Hans Lucas

 

Pourquoi avez-vous choisi de bâtir votre film autour de Benoît Ducos ?
Nous avons rencontré Benoît parce qu’il était convoqué à la PAF [Police aux frontières, ndlr] de Montgenèvre après avoir secouru, dans la montagne, une famille Nigériane. Il nous a touchés par sa chaleur et son accueil. Benoît Ducos est une personne sensible, révoltée, et en même temps, d’une grande humilité. Nous avons tout de suite su qu’à travers lui, nous pouvions raconter la mobilisation de tout un réseau dans cette région. En même temps, nous devions respecter sa volonté de ne pas être mis en avant, d’être filmé avec d’autres militants. C’est quelqu’un de très discret, qui refuse de devenir une figure emblématique.

“A travers Benoît Ducos, le téléspectateur peut s’identifier : c’est un citoyen ordinaire, ce n’est pas un superhéros”

On sent qu’il évolue au fil de votre film…
Quand on a rencontré Benoît, il faisait quelques maraudes. Il partait dans la montagne, dans la nuit, à la recherche de migrants qui se seraient égarés. Puis il s’est mis à ne plus faire que cela. Nous l’avons vu se transformer, n’avoir plus que ça en tête. Son discours a changé, a pris une forme de radicalité après la mort de Blessing, cette jeune femme morte noyée dans la Durance en pleine nuit, après une course-poursuite avec la police, alors qu’elle tentait de passer la frontière. C’est quelque chose qui l’a profondément chamboulé. On sent à partir de là sa profonde désillusion envers les instances étatiques.

  Au pied du mur, de Peggy Bruguière et James Keogh (2018).  © James Keogh / Hans Lucas

 

Cette désillusion, mêlée de désespoir, nous la sentons très fort dans le passage de votre film où Benoît rédige un communiqué de presse, le lendemain du blocage du col de l’Echelle par le groupuscule d’extrême droite Génération Identitaire.
Nous sommes le soir du 22 avril. En réponse à cette opération spectaculaire (qui n’a entraîné aucune interpellation policière), des militants français, italiens et suisses viennent d’improviser une marche solidaire entre le refuge « Chez Jesus » de Clavière en Italie et « Le refuge solidaire » à Briançon. Il n’y avait que deux caméras pour en témoigner, dont la nôtre.
Cette marche vaudra à Benoît d’être inculpé, avec six autres militants, pour « aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national » et de l’avoir fait « en bande organisée » dans le procès des « Sept de Briançon » [qui s’est tenu le 7 novembre dernier, ndlr].

En quoi votre film peut-il concerner chacun d’entre nous ?
Nous pensons qu’à travers Benoît, le téléspectateur peut s’identifier : c’est un citoyen ordinaire, il pourrait être nous, il pourrait être vous. Ce n’est pas un superhéros. Comme de nombreux bénévoles qui se trouvent happés par leur engagement, il se sent totalement dépassé. C’est quelque chose qui absorbe son corps et son esprit, et cela devient très compliqué à gérer au quotidien. Mais il n’a pas pu faire autrement parce que tout ce qui se passe, se passe sous ses yeux, et qu’il a choisi de ne pas détourner son regard.

Regarder trois extraits du film :

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