Source : InfoMigrants - Charlotte Boitiaux - 5/11/2020

Le camp de Saint-Denis, en banlieue parisienne, compte près de 2 000 personnes, incapables de se confiner faute d’un dispositif généralisé de mise à l’abri. Inquiets par la situation sanitaire, Médecins du monde souligne toutefois que la maladie n'y sévit pas de manière dramatique : aucun cas grave n'a pour l'heure été détecté.

Impossible de savoir combien de malades sont actuellement atteints du Covid-19 parmi les quelque 2 000 personnes du camp informel de Saint-Denis, en banlieue parisienne.

"Il y a sûrement beaucoup de cas positifs, comme partout ailleurs", explique Louis Barda, coordinateur santé à Paris pour l’ONG Médecins du monde (MdM). "Je ne vois pas pourquoi le campement de Saint-Denis serait épargné". Mais faute de tests pratiqués à grande échelle, le nombre de personnes contaminées reste une inconnue.

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Pour l’ONG médicale - la seule présente dans le camp aujourd’hui -, réaliser des dépistages sur site n’est pourtant pas une priorité. D’abord parce qu’elle n’a ni les moyens, ni les capacités matérielles de le faire. "Notre ONG a un rôle de veille sanitaire. Nous n’avons pas de partenariat avec des labos, nous n’avons pas le matériel pour pratiquer des tests PCR. C’est au gouvernement de prendre les choses en main".

Ensuite, parce que les chiffres n’auraient aucune valeur en soi. "Entre le temps du test et le temps des résultats, l’impossibilité de retrouver les cas contacts, la difficulté à isoler les gens malades, quelle serait la valeur des résultats ? Les chiffres n’auraient pas de pertinence", souligne Louis Barda. 

"Nous leur donnons des masques mais ce n’est pas suffisant"

Malgré tout, les personnes souffrantes sont "évidemment" prises en charge, à condition qu’elles se fassent connaître. "Nous n’entrons pas dans le campement pour y repérer des gens qui seraient potentiellement malades du Covid. Les patients sont pris en charge quand ils se présentent d’eux-mêmes à la clinique mobile". 

En cas de suspicion, d’apparition de symptômes, une mise à l’abri se déclenche. "Nous les dirigeons vers ce qu’on appelle des 'centres Covid'", indique le coordinateur de MdM. Mais là encore, tout se complique : il y a ceux qui refusent de s’y rendre "parce qu’ils ne veulent pas s’éloigner de leurs proches" et ceux qui ne restent pas dans les centres et qui disparaissent au bout de quelques heures. "Nous faisons ce que nous pouvons. Nous leur rappelons les consignes : mettre des masques, respecter les gestes barrières, se laver fréquemment les mains. Mais comment voulez-vous qu’ils respectent ces règles quand ils n’ont rien. Ils font comme ils peuvent".

MdM rappelle que la distribution de masques dans le camp est impossible. "Pour protéger efficacement, il faudrait qu’ils changent de masque toutes les quatre heures". Face à une population de 2 000 personnes, il faudrait constituer des stocks de plus de 7 000 masques par jour. "Irréalisable", tranche Louis Barda.

"Public plutôt jeune et en relative bonne santé"

Pour l’heure, les cas médicaux relevant du Covid ne sont pas alarmants - mais jusqu'à quand ? "Le public est plutôt jeune et en relative bonne santé. Les malades ne sont pas, pour l’heure, des patients présentant des formes graves de la maladie. On pense qu’il y a sûrement des cas asymptomatiques". 

Jusqu’à présent, Médecins du Monde assure n’avoir envoyé personne à l’hôpital.

Faut-il alors s’inquiéter de la possibilité d’un camp-cluster ? Difficile à dire, selon l'ONG. "Le fait est que ces migrants vivent dans la rue, dans un espace aéré. C’est un facteur qui peut ralentir considérablement l’épidémie". La contagion pourrait donc y être moins alarmante qu’ailleurs.

Reste que la mise à l'abri des personnes à la rue reste une urgence, surtout à l'approche de l'hiver et de la baisse des température. Outre le Covid, d'autres maladies sévissent dans les camps de fortune (maladies infectieuses, parasitaires...)

Médecins du monde plaide pour une prise en charge adéquate de ces 2 000 personnes. "Comment est-ce possible qu’avec l’expérience du premier confinement, il n’y ait pas eu plus de réactivité du côté du gouvernement pour mettre à l’abri les migrants à la rue ?", s’agace Louis Barda qui souligne la vacance de nombreux lits dans la capitale. "Avec le confinement, il y a beaucoup d’hôtels vides. Il y a donc de nombreuses places disponibles".