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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Simon Rico - 16/07/2021

Pour contourner les barbelés posés par la Hongrie mais aussi pour éviter les violences de la police croate, de plus en plus d’exilés tentent d’entrer dans l’UE en faisant un détour par la Roumanie. Cette voie, plus longue et non moins risquée, symbolise l’échec des politiques sécuritaires de Bruxelles.

Majdan (Serbie).– Le 19 avril, un jeune Afghan a été tué d’un coup de couteau près de la gare de Timișoara, deuxième ville de Roumanie, à une trentaine de kilomètres de la frontière hongroise. Une altercation entre exilés qui a mal tourné, selon la police.

Ce fait divers a vite fait la une des médias roumains, jusque-là guère intéressés par la crise migratoire qui se joue depuis la fin 2020 dans le sud-ouest du pays. Les forces de l’ordre se sont alors mises à patrouiller ostensiblement dans les rues de Timișoara, pour montrer que les autorités avaient enfin pris la mesure de la situation. Cela faisait pourtant des mois que le maire appelait Bucarest à l’aide pour résoudre ce « problème national ».

En effet, le nombre d’arrivées a brutalement augmenté en Roumanie dès l’automne 2020. Les statistiques des passages illégaux étant impossibles à tenir, l’indicateur le plus parlant reste l’analyse des demandes d’asile, qui ont explosé (+137 %) dans le pays l’année dernière, passant de 2 626 à 6 156, avec un pic brutal à partir du mois d’octobre.

Selon les chiffres des services d’immigration roumains, 92 % de ces demandeurs d’asile étaient entrés depuis la Serbie. Et le flux ne semble pas vouloir se tarir.

Hakim, à gauche avec le keffieh, squatte une maison dans le nord de la Serbie avec huit compatriotes. Tous espèrent rejoindre l'Allemagne. © SR
Hakim, à gauche avec le keffieh, squatte une maison dans le nord de la Serbie avec huit compatriotes. Tous espèrent rejoindre l'Allemagne. © SR
 

Ce printemps, la même scène s’est répétée tous les soirs le long de la petite route de campagne qui relie les villages serbes de Majdan et de Rabe.

À quelques kilomètres de là, se trouvent deux frontières de l’Union européenne (UE) : celle de la Hongrie, barrée depuis la fin 2015 d’une immense clôture barbelée, et celle de la Roumanie, moins étroitement surveillée pour le moment. Sur le bas-côté, des groupes plus ou moins grands, composés essentiellement de jeunes hommes, marchent d’un pas décidé, sac sur le dos et duvet en bandoulière.

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© Mediapart
Un crochet par la Roumanie 

Tous s’apprêtent à tenter le « game », ce « jeu » qui consiste à échapper à la police et à pénétrer dans l’UE, en passant par « le triangle ». Le triangle, c’est le surnom de cette nouvelle route migratoire à trois côtés qui permet de rejoindre la Hongrie, l’entrée de l’espace Schengen, depuis la Serbie, en faisant un crochet par la Roumanie.

« Nous avons été contraints de prendre de nouvelles dispositions devant les signes clairs de l’augmentation du nombre de personnes traversant illégalement depuis la Serbie », confirme Frontex, l’Agence européenne de protection des frontières : 87 de ses fonctionnaires patrouillent désormais au côté de la police roumaine.

Beaucoup de ceux qui espèrent passer par le « triangle » ont d’abord tenté leur chance via la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, avant de rebrousser chemin, un détour de plus de 1 000 kilomètres.

« C’est difficile là-bas », raconte Ahmed, un Algérien d’une trentaine d’années, qui squatte une maison abandonnée de Majdan avec cinq compatriotes. « Il y a des policiers qui patrouillent cagoulés. Ils te frappent et te prennent tout : ton argent, ton téléphone et tes vêtements. Je connais des gens qui ont dû être emmenés à l’hôpital dans le coma. » Pour lui, pas de doute, « la Roumanie, c’est mieux ».

La route du « triangle » s’est mise en place à la fin de l’été 2020, au moment où la situation virait au chaos dans le canton bosnien d’Una Sana et où les violences de la police croate s’exacerbaient encore un peu plus. Fin décembre, l’incendie du camp de Lipa, près de Bihać, a encore aggravé la crise.

Pendant que les autorités bosniennes se renvoyaient la balle et que des centaines de personnes grelottaient sans toit sous la neige, les arrivées se sont multipliées dans le nord de la Serbie.

« Rien que dans les villages de Majdan et Rabe, il y avait en permanence plus de 300 personnes cet hiver », estime Jeremy Ristord, coordinateur de Médecins sans frontières (MSF) en Serbie.

La plupart squattent les nombreuses maisons abandonnées. Dans cette zone frontalière, beaucoup d’habitants appartiennent aux minorités hongroise et roumaine, et Budapest comme Bucarest leur ont généreusement délivré des passeports après leur intégration dans l’UE. Munis de ces précieux sésames européens, les plus jeunes sont massivement partis chercher fortune ailleurs dès la fin des années 2000.

Assistance juridique et soutien psychosocial

Hakim squatte une masure défoncée à l’entrée de Rabe. En tout, ils sont neuf, dont trois filles. Cela fait de longs mois que le jeune Palestinien de 27 ans est coincé en Serbie. Keffieh sur la tête, il tente de garder le sourire en racontant son interminable odyssée entamée voilà bientôt dix ans.

Quand les combats ont commencé, en 2011, ce petit-fils de réfugiés installés en Syrie dans les années 1960 a fui vers la Jordanie, puis le Liban, avant de se retrouver en Turquie. Finalement, il a pris la route des Balkans l’an dernier, avec l’espoir de rejoindre une partie des siens, installés près de Stuttgart (Allemagne).

Une maison squattée par des exilés dans le nord de la Serbie. © SR
Une maison squattée par des exilés dans le nord de la Serbie. © SR
 

Hakim a réussi à arriver jusqu’à Szeged, dans le sud de la Hongrie, via la Roumanie. « La police m’a arrêté, tabassé et on m’a renvoyé ici. Sans rien », souffle-t-il. À côté de lui, un téléphone crachote la mélodie de « Get up, Stand up », l’hymne reggae de Bob Marley appelant les opprimés à se battre pour leurs droits.

De rares organisations humanitaires viennent en aide à ces exilés massés aux portes de l’Union européennes. Basé à Belgrade, le petit collectif Klikaktiv y passe chaque semaine, pour de l’assistance juridique et du soutien psychosocial. 

« Ils préfèrent être ici, tout près de la frontière, plutôt que d’être enfermés dans les camps officiels », explique Milica Švabić, juriste de l’organisation. Malgré la précarité et l’hostilité grandissante des populations locales : « Le discours a changé ces dernières années en Serbie. On ne parle plus de “réfugiés”, mais de “migrants” venus islamiser la Serbie et l’Europe », regrette son collègue Vuk Vučković.

Depuis un peu plus d’un an, des milices d’extrême droite patrouillent même avec l’objectif de « nettoyer » le pays de ces « détritus ».

Si le « triangle » reste a priori moins dangereux que l’itinéraire via la Croatie, les violences policières contre les sans-papiers y sont pourtant monnaie courante. « Plus de 13 000 témoignages de refoulements irréguliers depuis la Roumanie ont été recueillis durant l’année 2020 », avance l’ONG Save the Children. Dont des femmes et des enfants.

Ces violences répétées ont d’ailleurs conduit MSF à réévaluer sa mission en Serbie et à la concentrer sur une assistance à ces victimes.

« Plus de 30 % de nos consultations concernent des traumatismes physiques, précise Jérémy Ristor. Une moitié [des traumatismes] [est] lié[e] à des violences intentionnelles, dont l’immense majorité sont perpétrées lors des refoulements. L’autre moitié [est] lié[e] à des accidents : fractures, entorses ou plaies ouvertes. Ce sont les conséquences directes de la sécurisation des frontières de l’UE. »
C’est dur, mais on n’a pas le choix : mon mari a déserté l’armée de Bachar avec son arme. S’il rentre, il sera condamné à mort.
Hanan, Syrienne de 33 ans

Hanan est tombée sur le dos en sautant de la clôture hongroise et n’a jamais été soignée. Depuis, cette Syrienne de 33 ans souffre dès qu’elle marche. Mais pas question pour elle de renoncer à son objectif : gagner l’Allemagne, avec son mari et leur neveu, dont les parents ont été tués dans les combats à Alep.

« On a essayé toutes les routes, raconte l’ancienne étudiante en littérature anglaise, dans un français impeccable. On a traversé deux fois le Danube vers la Roumanie. Ici, par le triangle, on a tenté douze fois et par les frontières de la Croatie et de la Hongrie, sept fois. »

Cette fois encore, la police roumaine les a expulsés vers le poste-frontière de Rabe, officiellement fermé à cause du Covid-19. « C’est dur mais on n’a pas le choix : mon mari a déserté l’armée de Bachar avec son arme. S’il rentre, il sera condamné à mort. »

Qu’importe la hauteur des murs placés sur leur route et la terrible répression policière, les exilés du nord de la Serbie finiront tôt ou tard par passer. Comme le déplorent les humanitaires, la politique ultra-sécuritaire de l’UE ne fait qu’exacerber leur vulnérabilité face aux trafiquants et à leur précarité, tant pécuniaire que sanitaire.

La seule question est celle du prix qu’ils auront à payer pour réussir le « game ». Ces derniers mois, les prix se sont remis à flamber : entrer dans l’Union européenne via la Serbie se monnaierait jusqu’à 2 000 euros.

 

 


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