Source : InfoMigrants - Maïa Courtois - 12/08/2022

Une petite-fille de cinq ans est décédée, jeudi, au milieu de l'Evros. Elle faisait partie d'un groupe de 40 personnes coincé depuis la semaine dernière sur un îlot de ce fleuve à la frontière gréco-turque. Trois membres de ce groupe étaient déjà morts suite aux violences et au refoulement des gardes-frontières grecs, selon les témoignages recueillis par les ONG et journalistes qui se sont saisis de l'affaire.

Une petite-fille de cinq ans est décédée, piquée par un scorpion, sur un îlot de l'Evros où un groupe de 40 personnes est bloqué depuis un refoulement par les gardes-frontières grecs. La morsure a eu lieu dans le nuit du 8 au 9 août.

"C'est vraiment l'enfer ici. Une petite-fille est morte aujourd'hui. Elle a été piquée par un scorpion. Nous n'avons rien pu faire", ont annoncé des membres du groupe au réseau d'activistes AlarmPhone, très actif dans le repérage des situations de détresse et dans la prise de contact avec les exilés passant par cette zone frontalière ultra-militarisée.

Une seconde fillette, sa grande sœur, est menacée. Celle-ci a également été piquée par le scorpion, et son état est grave. "Nous avons besoin d'un hôpital. Si personne n'agit pour l'aider, elle va mourir comme sa petite sœur", a également alerté le groupe.

Les témoins, dont un grand nombre de ressortissants syriens, font part de leur impuissance face à cette seconde petite fille "qui se bat contre la mort", et s'inquiètent du choc traumatique subi par la famille.

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"Où est l'humanité dans la mort d'une fille qui n'a pas atteint ses six ans, après avoir vécu la guerre et l'oppression en Syrie et en Turquie, et maintenant à la frontière grecque ?", s'indignent-ils, toujours relayés par Alarm Phone.

Trois personnes déjà décédées, dont deux par noyade

Samedi 6 août, les ONG avaient alerté sur ce groupe de 32 adultes et 8 enfants coincés sur l'îlot. Ces derniers rapportent avoir subi une série de violences de la part des garde-côtes grecs et turcs dans les quinze derniers jours.

D'abord, "la police grecque nous a battus et nous a ramenés en Turquie", ont témoigné les membres de ce premier groupe auprès d'Alarm Phone. Ensuite, les garde-frontières turcs "nous ont mis dans des casernes militaires, puis nous ont jetés sur l'une de ces îles grecques, pour la deuxième fois, sans nourriture ni eau".

 

Trois personnes seraient mortes des suites des violences et du refoulement. La première, un homme syrien, serait décédé suite aux blessures infligées par les coups des garde-frontières sur le sol grec, confirme le média grec Efimerida ton Syntakton qui s'est saisi de l'affaire.

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Les deux autres victimes auraient été forcées de nager jusqu'au rivage turc et se seraient noyées, poursuit le média, corroborant les dires du groupe. L'enquête menée par les journalistes leur a permis d'identifier les noms de ces deux personnes : il s'agirait de deux jeunes hommes de 17 et 23 ans, tous deux originaires d'Alep.

Ces cas de noyades forcées ont déjà été documentées. En 2021, Amnesty International avait recueilli des témoignages en ce sens. Les survivants d'un groupe racontaient qu'ils avaient été forcés "à descendre du bateau et à plonger dans l’eau à proximité d’un îlot situé au beau milieu de l’Evros, (...) Un autre homme, qui ne savait pas nager, a appelé au secours alors qu’il peinait à garder la tête hors de l’eau. Il a finalement été emporté par le courant", relaie le rapport de l'ONG.

Inaction des autorités malgré la décision de la CEDH

Les ONG HumanRights360 et Greek Council for Refugees ont saisi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur une demande urgente de mesures provisoires, la semaine dernière. Celle-ci l'a validée dans la foulée. Elle ordonne donc au gouvernement grec de veiller à ce que le groupe ait de l'eau, de la nourriture et des médicaments. Surtout, elle interdit tout refoulement et exige que leurs demandes d'asile soient enregistrées. 

Mais, pour l'heure, les ONG n'ont constaté aucune mobilisation des autorités. La Grèce renvoie la responsabilité à la Turquie : les autorités estiment que l'îlot ne se trouve pas sur le territoire grec, contrairement à ce que la géolocalisation relayée par les ONG et journalistes indique.

Depuis plusieurs mois, les saisines de la CEDH par les ONG sont quasi systématiques lorsque des personnes se retrouvent coincées sur des îlots de l'Evros. Cette stratégie judiciaire s'est révélée efficace pour plusieurs cas successifs. Mais elle semble avoir de moins en moins prise sur les autorités grecques.

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"On voit de plus en plus que, malgré ces décisions de la CEDH, les personnes ne sont pas secourues", alertait déjà mi-juin une membre d'AlarmPhone, auprès d'InfoMigrants. "La Grèce ne respecte pas la législation européenne. Et c'est très inquiétant".

Les équipes de Frontex ont également été contactées par Alarm Phone. En vain pour le moment.

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