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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Mediapart - Clément Luy - 16/10/2018

Ces derniers jours, la presse italienne fait grand cas de franchissements illégaux de la frontière franco-italienne par la gendarmerie française qui mène la chasse à l'immigration illégale. Ces événements sont une aubaine pour la communication du gouvernement italien et mettent à mal la vision européenne d'Emmanuel Macron « dernier rempart contre le populisme ». Petite revue de presse transalpine.

On en entend peu parler en France, mais cela constitue les grands titres de la presse transalpine : récemment, à plusieurs reprises, la Gendarmerie française aurait franchi illégalement la frontière franco-italienne pour expulser des immigrants illégaux en territoire italien. C'est l'édition turinoise de La Repubblica qui l'évoque le 15 octobre au soir : "Clavière, la police accuse : "Des migrants déchargés en Italie par un fourgon de la Gendarmerie". Les Français admettent leur erreur."

La Une de La Stampa - 16 octobre 2018

Clavière est moins connue que Vintimille, mais c'est un point de passage majeur entre la France et l'Italie : le versant italien du col de Montgenèvre, l’un des seuls cols alpins ouverts toute l'année. L'histoire serait presque ridicule si elle n'était pas si grave sur le plan diplomatique et dramatique sur le plan des droits humains des réfugiés. La Stampa du 16 octobre nous raconte ces faits qui ont eu lieu vendredi 12 octobre :

"Un fourgon immatriculé en France et sérigraphié Gendarmerie a parcouru près de quatre kilomètres en territoire italien, descendant les épingles de la haute vallée de Suse, jusqu'à ce que, à la hauteur d'une forêt près de Cesana Torinese, bien au-delà de la frontière, deux agents fassent descendre du fourgon deux jeunes migrants africains. (...) D'un signe de la main ils les ont invités à s'enfoncer dans la forêt, et ont fait demi-tour pour retourner en France. Il paraît que ce n’est pas la première fois que cela se produit. Cette fois, cependant, une brigade d'agents de police de la Digos de Turin étaient là à observer l'opération abusive des gendarmes" 

Les justifications de la préfecture des Hautes-Alpes, citée dans La Repubblica le 15 octobre 2018, font état du fait que le commissariat de police de Bardonnechia avait été prévenu préalablement. C'est une des obligations dans le cadre de la procédure de Dublin, explique Il Manifesto du 16 octobre : "La Gendarmerie française (...) a le devoir d'informer le commissariat de police ou de gendarmerie en cas de "restitution" (sic) : dans le cas de vendredi dernier il semble bien (...) que cela n'ait pas eu lieu". La préfette, Cécile Bigot Dekeyzer, admet l'erreur commise par les gendarmes, mais ajoute : "Les gendarmes travaillent dans notre département depuis peu de temps. C'est une erreur d'inexpérience" (La Stampa). Pourtant, il semble bien que les autorités françaises n'en soient pas à leur coup d'essai en ce qui concerne le franchissement illégal de la frontière.

En Une du site corriere.it le 16 octobre 2018


Sur le site du Corriere della Sera, on trouve en effet un article du 16 octobre 2018 : "le Parquet de Turin enquête sur un autre franchissement illégal. "Le 2 août il y avait d'autres militaires français en Italie"". Dans cet article sont relatés des contrôles illégaux de citoyens italiens, en territoire italien, par des militaires français armés et vêtus de gilets pare-balles, dont les autorités italiennes n'ont pas été informées. Le 2 août dernier, en effet, "deux personnes italiennes résidant à Clavière, (...) l'une promenant son chien, l'autre qui parcourait le chemin de terre en moto, ont été arrêtées dans le secteur de Gimont sur la commune de Cesana Torinese, par quatre hommes vraisemblablement français, sortis de la forêt où ils étaient cachés, en tenue militaire, avec le gilet pare-balles, armés, et qui leur ont demandé dans une langue étrangère leurs papiers d'identité". Il n'y a pas que cela : selon le témoignage recueilli par le Corriere, l'homme à moto "a été empêché de continuer son chemin et il lui a été demandé de ne raconter à personne qu'il avait vu des hommes armés". 

La Stampa du 16 octobre fait quant à elle état d'un autre cas au travers du témoignage du maire d'Oulx (commune située aux abords de l'autoroute qui mène de Bardonnechia à Turin, à 15km du Tunnel du Fréjus). Paolo de Marchis raconte : "Il y a quelques jours  j'ai trouvé trois migrants à Beaulard. C'était des jeunes : ils m'ont dit que la Gendarmerie les avait amenés jusqu'à l’autoroute et les avait abandonnés là. De Beaulard à la frontière il y a plus de trois kilomètres : il y en a bien une douzaine". L'article poursuit : "De Marchis n'a pas porté plainte. Mais maintenant il raconte tout ce qu'il sait, et qui se dit tout bas dans la vallée depuis longtemps : "les Français expulsent aussi les mineurs. Les accords internationaux disent qu'ils doivent au contraire les laisser passer. Alors qu'ils bloquent tout le monde." Vous avez des preuves ? "Les récits des expulsés"". Dans le Corriere della Sera on trouve même cette phrase : « le franchissement de la frontière n’est plus une exception mais une habitude. Le dépôt des deux migrants à la sortie du tunnel qui mène à l’autoroute vers Turin est perçu comme un geste de courtoisie. « Normalement ils les font descendre juste après leur poste frontière, à 1,5km de toute zone habitée » ». Description résignée et cynique d’un réalité bien éloignée des principes de la République française. 

Ces cas de franchissements illégaux de la frontière franco-italienne, au moins trois avérés si l'on compte l'affaire qui a défrayé la chronique en mars à Bardonnechia, lorsque la douane française avait fait irruption dans le local d'une ONG pour y arrêter un nigérian, posent des problèmes juridiques : la presse italienne fait état de procédures qui pourraient être entreprises par le parquet de Turin contre les autorités françaises. La Stampa parle du délit de "séquestration de personnes" ; Il Corriere della Sera évoque l'hypothèse du délit réservé aux passeurs en mer Méditerrannée, celui du "transport d'étrangers sur le territoire national, avec l'intention de provoquer leur entrée illégale sur le territoire". La difficulté étant naturellement l'identification des militaires et des gendarmes concernés. La préfette des Hautes-Alpes, quant à elle, affirme qu'une "enquête interne a été ouverte" (La Stampa). 

Sur le site Internet de La Repubblica

Mais le problème est aussi naturellement politique et diplomatique : d'une part, parce qu'il révèle la manière dont les autorités françaises traitent la question migratoire, aux marges de toute moralité et du droit international. D'autre part, parce qu'il est une aubaine pour le gouvernement italien, et son ministre de l'Intérieur d'extrême-droite Matteo Salvini, de se donner le beau rôle et de condamner les agissements de la France. Dans La Stampa du 16 octobre : "je n'ose croire que la France de Macron utilise sa police pour décharger en cachette des immigrés en Italie. Mais si quelqu'un pense vraiment pouvoir nous utiliser comme le camp de réfugiés de l'Europe, en violant les lois, les frontières et les accords, cette personne se trompe". Mais encore "Je n'ai pas l'habitude de me mêler des affaires d'un autre pays, mais la troisième fois qu'on m'a insulté j'ai demandé à obtenir les chiffres sur les refoulements à Vintimille : depuis janvier, il y en a eu 48 000". 

Ces deux citations mettent à mal la stratégie européenne d'Emmanuel Macron, qui se voit comme le rempart face au "populisme" dans un affrontement manichéen entre les "progressistes" libéraux dont il serait le symbole, et les forces réactionnaires d'extrême-droite incarnées par Salvini, Orban ou Marine Le Pen. Ces événements permettent à Matteo Salvini de mettre au jour l'hypocrisie d'Emmanuel Macron et des dirigeants français "donneurs de leçons" et ainsi de se renforcer en jouant sur un sentiment anti-Macron et anti-français présent en Italie. 

Sur sa page Facebook, le ministre de l'Intérieur ajoute : "Ce qui s'est passé à Clavière est un affront sans précédents fait à notre pays, et je me demande si les organisations internationales - de l'Onu à l'Europe - ne trouvent pas répugnant le fait de laisser des personnes dans un endroit isolé, sans aide, sans les signaler. (...) pour les parisiens, est-ce normal de décharger des personnes dans les forêts ?  pourquoi les français parlent-ils de "gendarmes qui ne connaissent pas la route" alors que le fourgon est juste après rentré en France à grande vitesse et sans hésitations ? (...) nous sommes face à une honte internationale, et M. Macron ne peut pas faire semblant. Nous n'acceptons pas les excuses." 

Ce communiqué doit bien sûr être considéré comme ce qu'il est : un élément de communication d'un ministre de l'Intérieur d'extrême-droite jouant sur une rhétorique anti-français. Il est néanmoins symbolique d'une situation qui entache gravement l'image de la France en Italie et en Europe. Difficile de ne pas en avoir honte. Le double discours d'Emmanuel Macron, souvent moqué avec le "en même temps" prend ici toute sa dimension tragique : en se prétendant rempart au "populisme" et à l'extrême-droite, le gouvernement français, par sa politique faite d'expulsions aux marges de la légalité, ne fait guère mieux que ceux qu'il prétend combattre à l'échelle européenne. Car, comme l'écrit cyniquement Il Manifesto  : "A la frontière franco-italienne se joue chaque jour un renvoi grotesque d'hommes, de femmes et d'enfants dont personne ne veut". Et le gouvernement français y porte une lourde responsabilité.


Les articles cités dans cette revue de presse 

https://www.corriere.it/cronache/18_ottobre_16/claviere-procura-torino-non-stato-caso-isolato-2-agosto-altri-militari-francesi-erano-italia-6a7d85f8-d142-11e8-81a5-27b20bf95b8c.shtml

https://torino.repubblica.it/cronaca/2018/10/15/news/clavie_re_la_polizia_accusa_migranti_scaricati_in_italia_da_un_furgone_della_gendarmerie_salvini_la_francia_chiarisca_-209009411/

http://www.lastampa.it/2018/10/16/italia/sulla-frontiera-della-val-susa-respingono-anche-i-minori-drwNOV0ZZwCt4f0zntbYIP/premium.html

 http://www.lastampa.it/2018/10/16/italia/la-francia-riporta-i-migranti-in-italia-salvini-attacca-macron-ora-chiarisca-NjOAiKGvGrOpxLg8egXpnM/pagina.html 

https://ilmanifesto.it/migranti-scaricati-in-italia-salvini-ri-attacca-macron/  

https://www.corriere.it/cronache/18_ottobre_16/strana-frontiera-italia-francia-profughi-claviere-452308fe-d184-11e8-81a5-27b20bf95b8c.shtml

 


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