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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Nejma Brahim - 16/08/2022

De retour de vacances en Tunisie le 11 août, une Tunisienne établie en France depuis neuf ans a été bloquée à l’aéroport d’Orly à la demande du ministère de l’intérieur, qui a souhaité l’expulser malgré la carte de résident qu’elle détenait. Le tribunal administratif de Melun a tranché en sa faveur.

Elle se dit encore « choquée » et ne parvient toujours pas à réaliser ce qui lui est arrivé jeudi 11 août. Alors que Sarah* rentre de vacances passées dans son pays d’origine, la Tunisie, elle est bloquée par la police aux frontières (PAF) à l’aéroport d’Orly, au Sud de Paris. « Pendant dix minutes, l’agente au guichet m’a posé tout un tas de questions sur ma carte de résident. Elle a passé un coup de fil, est sortie de son box et m’a demandé de la suivre jusqu’au poste de la PAF. J’étais très inquiète, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait », relate-t-elle.

Elle apprend alors qu’elle fait l’objet, depuis le 24 septembre 2020, d’un retrait de carte de résident et d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), en raison de « la cessation de la vie commune » - la requérante s’est mariée via une procédure de regroupement familial en 2017 et a divorcé en 2019. « Je ne l’ai jamais su, jure Sarah. Ils ont envoyé cette décision à l’adresse de mon ex-mari, ce qui n’est pas cohérent. Ils savaient que j’avais divorcé, c’est ce qui a motivé la décision de retrait de la carte. »

« L’administration a notifié à ma cliente, en septembre 2020, un arrêté portant retrait de la carte de résident et obligation de quitter le territoire à une adresse à laquelle elle ne résidait plus depuis mai 2019, ainsi qu'il résulte des mentions de l'arrêté. En somme, l’administration était parfaitement informée qu’elle ne résidait plus à cette adresse mais lui a tout de même notifié le pli », explique de son côté Me Samy Djemaoun, avocat de la requérante, qui a saisi en urgence le tribunal administratif de Melun.

La cour des étrangers maintenus en zone d'attente, à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. © Nejma Brahim / Mediapart.

« L’administration savait pertinemment que Madame n’allait jamais avoir connaissance de ce courrier. Il s’agissait donc d’une pratique déloyale », poursuit-il. Par ailleurs, insistent Sarah et son nouveau compagnon, les autorités ne pouvaient ignorer le changement d’adresse qu’elle avait mentionnée dans ses déclarations d’impôts.

Jeudi dans l’après-midi, la PAF lui retire malgré tout sa carte de résident (obtenue en 2018 et valable jusqu’en 2028) et lui annonce qu’elle est placée en zone d’attente – un lieu permettant de « maintenir » temporairement les étrangers non admis sur le territoire français.

« Le placement en zone d’attente est réservé aux ressortissants étrangers qui n’ont pas été autorisés à entrer sur le territoire français. Ici, le ministre de l’intérieur a fait en sorte de lui retirer son droit au séjour (sa carte de résident) pour ensuite lui refuser l’entrée (étant dépourvue de titre l’y autorisant) et la placer en zone d’attente. C’est violent », relève Me Djemaoun.

Et Sarah de compléter : « L’un des policiers avait lui-même l’air surpris : comment peut-on avoir une carte de résident et une OQTF en même temps ? Il a tenté de comprendre et contacté la préfecture de Paris, qui a confirmé que je devais être expulsée. » Elle est programmée sur un vol en direction de Tunis le lendemain.

La requérante a payé ses impôts et voyagé deux fois depuis 2020

Dans une ordonnance du tribunal administratif de Melun rendue le 12 août, que Mediapart a pu consulter, le juge des référés estime qu’il y a eu, derrière la décision de refus d’entrée et de saisie du document matérialisant son titre de séjour, une « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir à celle de travailler comme à la poursuite de sa vie privée et familiale qui se déroule en France depuis neuf ans ».

Il enjoint ainsi au ministère de l’intérieur de délivrer sans délai un document autorisant Sarah à pénétrer sur le territoire national, à y séjourner et y travailler à titre provisoire.

« C’est mon compagnon qui s’est démené pour trouver un avocat dans ce court délai. J’ai signé des documents au poste de la PAF [dont un courrier actant son rapatriement en Tunisie – ndlr] sans même savoir de quoi il s’agissait, tant j’étais paniquée. »

Établie en France depuis neuf ans, employée en CDI dans le secteur de la garde d’enfants et locataire d’un logement à Paris, Sarah pense alors tout perdre.

« On a essayé de me retirer ma vie du jour au lendemain, tout ce que j’avais construit ici. J’ai une vie stable, je suis bien intégrée en France et j’ai même un nouveau compagnon français », explique-t-elle, ajoutant avoir payé ses impôts « sans problème » depuis 2020.

Pire, le couple affirme avoir voyagé par deux fois à l’étranger depuis la décision de la préfecture de Paris, sans rencontrer aucun problème à l’aéroport. Ces deux éléments (le paiement de l’impôt et les voyages à l’étranger), justifiés par la requérante, ont été repris par le juge des référés pour motiver sa décision.

« Cela signifie qu’on ne peut même pas retourner dans notre maison et récupérer nos affaires ? », interroge son compagnon, qui dénonce les « contradictions de la loi française ». « Quand les gens se retrouvent dans un tel piège, il faut leur prévoir une porte de sortie. On ne peut pas les laisser comme ça. » Le couple, qui avait prévu de partir en vacances à Malte cette semaine, a dû tout annuler, sans possibilité de se faire rembourser ses réservations.

« Ma cliente a, depuis le présumé retrait en septembre 2020, pu voyager en avion en sortant du territoire français et en y revenant sans difficulté. Elle a continué de mener sa vie normalement. Elle a donc été regardée par son entourage, la société et l’autorité publique comme titulaire de la carte de résident. J'ai donc soutenu qu'elle revendiquait la possession d’état dans la mesure où elle s’est comportée et a été considérée comme titulaire véritable des prérogatives relatives au droit au séjour conféré par la carte de résident », défend Me Djemaoun, qui évoque une situation inédite et un dossier « a priori mal engagé ».

« Encore aujourd’hui, je me sens perdue », confie Sarah, qui ignore si elle doit se rendre au travail lundi prochain. Disposant d’un visa de huit jours à sa sortie de zone d’attente, le 12 août en fin de journée, Sarah doit désormais obtenir un rendez-vous en préfecture afin de ne pas tomber dans le séjour irrégulier.


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