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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 17/08/2022

Une vingtaine de femmes exilées, et autant d’enfants, survivaient dans la rue à Bagnolet depuis le 4 août pour revendiquer leur droit à un hébergement. Saisi par un avocat et une association, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur requête ce mardi 16 août.

Elles se disent « extrêmement déçues », selon Yasmine Boussalem, présidente de l’association MyMaraude, qui les accompagne depuis une dizaine de jours dans leur mobilisation. Ce mardi 16 août, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête d’une vingtaine de femmes et autant d’enfants, contraintes de vivre dans la rue à Bagnolet depuis que les autorités leur ont demandé de quitter le gymnase Jean-Reneault, avenue de la République.

Elles revendiquaient leur droit à un hébergement et confiaient leurs craintes d’être transférées en province, sans prise en compte de leur situation personnelle - certaines ont un conjoint qui travaille en Île-de-France et des enfants scolarisés en région parisienne. Plusieurs de ces femmes affirment également avoir été, à l’issue d’une mise à l’abri organisée par la préfecture de Seine-Saint-Denis, orientées vers des centres d’aide au retour volontaire sans qu’elles en soient informées au préalable.

Jeudi 11 août, le groupe de femmes a dû quitter l’avenue de la République après que la police a menacé d’intervenir pour les en éloigner. « On s’est installées dans un parc, toujours à Bagnolet, où on est à l’abri du soleil et des intempéries, raconte Gladys. L’audience, qui s’est tenue le lendemain, s’est bien passée. Plusieurs de mes camarades sont allées au tribunal pour s’exprimer. » « La préfecture a dit qu’elle ne nous avait pas sorties du gymnase. Nous n’avions malheureusement pas pris de vidéos au moment des faits », regrette Marie-Laure.

Me Jean-Baptiste Théodore, qui a saisi le tribunal administratif aux côtés de l’association MyMaraude pour obtenir une solution d’hébergement aux femmes et aux enfants, dit avoir souligné le « mensonge » des autorités à l’audience. « Il y a d’ailleurs eu des contradictions. Je suppose que la préfecture et la ville de Bagnolet n’avaient pas eu le temps de s’accorder sur ce qu’elles allaient dire à l’audience : la ville a elle-même affirmé que la préfecture avait évacué le gymnase », souligne-t-il.

Ces arguments n’ont pas suffi à convaincre le juge des référés. « [Ce dernier] a considéré qu’une proposition leur avait déjà été formulée, sans tenir compte du fait qu’elles n’avaient aucune garantie écrite, ni des craintes qu’elles avaient pu exprimer à l’audience par rapport à leur expérience passée », détaille Yasmine Boussalem, qui alerte sur l’état de santé des femmes. « Elles sont toujours confrontées à la rue et sont épuisées moralement. »

Selon nos informations, un collectif d’avocats s’est emparé ce mardi du dossier, et d’autres actions devraient être entreprises pour faire valoir les droits de ce groupe d’exilées et de leurs enfants, en situation d’errance depuis des mois. « Nous sommes aussi en train de voir si nous ne pouvons pas nous organiser autrement pour faire entendre nos voix », conclut Marie-Laure.

Mediapart republie ci-dessous le reportage « Près de 40 femmes et enfants, dont des bébés, survivent dans la rue à Bagnolet », mis en ligne le 9 août dernier.

Les passants doivent contourner le trottoir et emprunter la route, avenue de la République à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), pour pouvoir dépasser le gymnase Jean-Reneault. Jeudi 4 août, une vingtaine de femmes exilées, et autant d’enfants, ont décidé d’occuper l’espace public pour dénoncer leur situation, après avoir été « sorties » du gymnase sans autre solution d’hébergement. Originaires de Côte d’Ivoire, de Somalie ou du Mali, la plupart d’entre elles sont en situation d’errance depuis plusieurs mois et se disent « fatiguées » de la rue.

« Avant, on dormait en tente. Une poignée d’entre nous est aussi passée par un squat à Montreuil », raconte Massé, sous un soleil de plomb, lundi 8 août. À ses pieds, plusieurs bambins déambulent et s’agrippent aux premières jambes qu’ils aperçoivent. Assises sur des cartons, des mères donnent le biberon à leur bébé, entourées d’une pile de couvertures, de briques de lait ou de packs d’eau. Sur le bitume, une dizaine de boîtes hermétiques – le repas du jour apporté par une association – repose volontairement au soleil. « On n’a pas de micro-ondes, alors… ça nous permet de manger un peu chaud », souffle Gladys.

Des femmes exilées avenue de la République, à Bagnolet, le 8 août 2022. © Nejma Brahim / Mediapart.

Cette dernière vivait, comme beaucoup d’autres ici, sur le campement apparu rue de l’Épine à Bagnolet en juillet dernier, à l’initiative de l’association d’aide aux exilés Utopia 56, qui multiplie les actions pour obtenir des solutions d’hébergement aux migrants.

« Ce matin, plus de trois cents personnes en famille, dont des femmes enceintes et des nourrissons, ont été évacuées à Bagnolet par la préfecture de région Île-de-France et celle de la Seine-Saint-Denis. Elles étaient ici depuis dix jours. Nous espérons des solutions pérennes et que cessent les remises à la rue indignes », tweetait Utopia 56 après l’opération de « mise à l’abri » réalisée par les autorités le 18 juillet.

Plusieurs femmes orientées vers des centres d’aide au retour volontaire

« Après la mise à l’abri, on est d’abord restées dans des gymnases, dont celui-ci à Bagnolet, un à Clichy-sous-Bois et un autre à Porte des Lilas », raconte Gladys, entourée de cinq autres femmes qui opinent de la tête. Les autorités leur auraient ensuite proposé un hébergement en province.

« Certaines ont été logées en région parisienne. Nous [un groupe de quatre Ivoiriennes – ndlr], on a accepté d’aller à Caen. Une fois sur place, le centre nous a expliqué qu’il ne proposait pas d’hébergement, mais des retours volontaires. On nous a proposé 6 000 euros pour rentrer chez nous », enchaîne Massé, qui précise n’avoir « pas quitté son pays pour des problèmes d’argent ».

Plusieurs autres estiment aussi avoir été « piégée» lors de la « mise à l’abri » : « J’ai été envoyée dans un centre situé à La Pommeraye [à Mauges-sur-Loire dans le Maine-et-Loire – ndlr]. On m’a proposé une aide au retour volontaire. Sinon, ils ont dit que je devais demander l’asile, alors que je ne le voulais pas spécialement », explique Matogoma, une autre mère de famille âgée de 33 ans.

Marie-Laure, qui l’accompagnait, montre une photo, prise sur place, sur laquelle figure en effet l’adresse d’un centre de préparation au retour volontaire (CPARV) géré par France Horizon. « Pas d’hébergement de personnes », est-il écrit en majuscule et en rouge sur le document.

Interrogées sur ces cas précis, mais aussi sur la situation de ces exilées confrontées à la rue avec de jeunes enfants et des bébés, les préfectures d’Île-de-France et de Seine-Saint-Denis n’ont pas répondu à l’heure où nous publions cet article. Dans un précédent communiqué à propos de l’évacuation du campement de Bagnolet le 18 juillet, la préfecture de région indiquait que 2 733 personnes avaient été « mises à l’abri » depuis le début de l’année.

Plus de 16 000 orientations régionales ont été réalisées depuis l’Île-de-France en 2021, 9 000 entre janvier et juin 2022, selon ce communiqué. « L’État est totalement mobilisé pour offrir des solutions d’hébergement à toutes les personnes vulnérables, notamment celles qui s’inscrivent dans un parcours migratoire », poursuit la préfecture d’Île-de-France.

Gladys, à gauche, a pris rendez-vous chez le psychologue pour sa fille, très affectée par la situation. © Nejma Brahim / Mediapart.

Pour Utopia 56, l’orientation en région « ne peut se faire sans prendre en considération la situation des familles ». « Qui monterait dans un bus pour partir du jour au lendemain de Paris à Toulouse sans être sûr d’accéder à un hébergement ? Sans compter les manœuvres perverses des autorités qui ont déjà orienté ces familles vers des centres de préparation au retour volontaire par le passé, sans qu’elles soient au courant. Nous demandons, une fois de plus, la mise à l’abri immédiate de ces familles », a réagi l’association auprès de Mediapart.

Dans le lot des femmes présentes avenue de la République, certaines ont une demande d’asile en cours ou sont « dublinées » (la France estime que leur demande de protection doit être traitée par le premier pays européen dans lequel elles sont arrivées, en vertu du règlement Dublin), d’autres sont sans papiers. Valérie, qui a demandé l’asile à Paris, a été transférée à Besançon. Mais après deux semaines, la préfecture lui aurait notifié une décision de transfert vers l’Espagne.

« Je suis déjà en France, je ne peux pas repartir, surtout dans un pays où je ne connais personne et où je ne maîtrise pas la langue. On m’a dit que la police venait chercher les [personnes dublinées – ndlr] à 5 heures du matin pour les expulser. J’ai eu peur, alors je suis partie avant qu’ils viennent me chercher. Tout ce qu’on demande, c’est un logement, pour pouvoir travailler et vivre correctement»

Sa fille, Grâce, qui a déjà survécu à la traversée de la Méditerranée, « n’en peut plus ». « Elle a déjà trop souffert comme ça. Depuis qu’on est ici, elle se réveille chaque matin en pleurs. » Sephora, la fille de Gladys, semble désœuvrée. Vêtue d’un survêtement gris et d’un bonnet sur la tête, elle erre sans dire un mot, le regard hagard. Puis elle lâche, dans un murmure presque inaudible, le mot « triste » lorsqu’on lui demande ce qu’elle ressent. À plusieurs reprises, des enfants sont rattrapés in extremis du bord de la route, où les voitures et camions défilent.

Pour s'occuper, certaines exilées se coiffent ou font leur lessive à même le sol dans la rue. © Nejma Brahim / Mediapart.

Ce mardi au petit matin, des plots ont été installés le long du trottoir en guise de « barrière ». Mais les exilées restent sans WC ni points d’eau – certaines femmes lavent leur bébé dans des bassines, sur le trottoir – et les associations évoquent la présence de rats. « Le gérant de la station essence, juste à côté, me laisse m’installer avec les enfants devant l’entrée le soir venu, se console Gladys. Mais cela reste dangereux pour nous. Une amie a failli subir des violences sexuelles après avoir suivi un homme qui lui a proposé de faire sa toilette à l’intérieur de bureaux situés près du camp. »

« La situation devient chaotique », confirme Yasmine Boussalem, présidente de l’association MyMaraude, qui agit principalement dans le Nord-Est parisien pour venir en aide aux sans-abri et aux personnes précaires, et qui accompagne le mouvement de contestation initié par les exilées. « Les femmes sont épuisées et en dépression, plusieurs d’entre elles sont déjà allées à l’hôpital. Les enfants tombent malades et leur sécurité n’est pas assurée », alerte-t-elle, redoutant « un drame ».

Sollicitée par Mediapart, la Ville de Bagnolet rappelle, sans indiquer si la moindre démarche a été lancée pour prendre en charge ces femmes, que le gymnase « avait été réquisitionné par les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis dans le cadre de la mise à l’abri des populations qui composaient le campement rue de l’Épine à Bagnolet, installé avec l’appui de l’association Utopia 56 ».

« Les services de l’État, considérant que le travail de mise à l’abri était arrivé à son terme en raison d’une proposition d’hébergement faite à chacune des familles, ont mis fin à la réquisition du gymnase et ont procédé à son évacuation. »

Selon nos informations, des agents de la Ville seraient déjà venus recenser le nombre de personnes présentes sur place, notamment les enfants. Un huissier est également venu faire un constat lundi 8 août.

Dans une pétition lancée ce jour, une vingtaine d’associations regrette une « proposition de relogement inadaptée » compte tenu des attaches de certaines femmes (enfants scolarisés et conjoints travaillant en Île-de-France) et demande à la préfecture de Seine-Saint-Denis une mise à l’abri en urgence de ces familles, ainsi que la réouverture du gymnase Jean-Reneault dans l’attente d’un hébergement.

« La décision [de mettre fin à la réquisition du gymnase – ndlr] est inhumaine et contraire au principe de notre République et est en violation du respect au droit au logement et à la dignité des personnes », soulignent les associations.

 


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