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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Marion Briswalter - 03/06/2023

Depuis 2019, évacuations et démolitions de quartiers de fortune se succèdent à Cayenne et alentour, sans planification générale. Selon les estimations de Guyaweb, cette politique a touché au moins 3 000 personnes, dont un nombre conséquent de mineur·es.

Au moins 3 000 personnes, selon nos premières estimations, ont subi depuis 2019 la destruction du toit qui les abritait à Cayenne et dans les communes de Matoury et Rémire-Montjoly, par le biais d’une quinzaine d’opérations d’évacuations et d’abattage de quartiers de fortune majoritairement engagées par la préfecture et les maires. Questionné par Guyaweb, le DAL (Droit au logement) Guyane estime à « 5 000 » le nombre de personnes déplacées.

Une quinzième démolition a été menée jeudi 25 mai dans la « cité Mère Teresa », à Cayenne, visant 60 à 80 habitant·es selon les sources. Comme à Mayotte, cette situation découle d’une volonté d’affichage de l’État de faire barrage à l’immigration.

Pour les associations, les effets sont globalement désastreux, puisque l’effacement de ces quartiers de relégation, non accompagné de solutions de relogement pour toutes et tous, a surtout contribué à « sur-précariser » les plus fragiles, qui se réfugient dans d’autres bidonvilles ou en font émerger de nouveaux.

Car, comme le soulignent tous les diagnostics territoriaux, le manque de logements et l’impossibilité pour les familles d’accéder au parc social, parce que celui-ci est trop cher ou parce que son accès est conditionné à la nationalité française, « forcent les situations alternatives ou irrégulières ».

 

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Après une opération d’évacuations collectives et de démolitions, en février 2020, sur une partie du Mont Baduel, à Cayenne, où vivraient un millier de personnes. © Photo Jody Amiet / Guyaweb

Tout s’est intensifié en 2019, deux ans après la formation des 500 Frères et des Grands Frères, mouvements populaires d’intimidation et d’expulsions des « illégaux » (lire ici et ). À peine nommé à la tête de la préfecture de Guyane, Marc Del Grande annonce à la mi-2019 une accélération des reconduites à la frontière et la destruction d’un « squat » par mois, afin d’« envoyer un signal à celles et ceux qui cherchent à s’installer en Guyane ». Le haut fonctionnaire enclenche les annonces faites à Cayenne deux ans plus tôt par le chef de l’État, Emmanuel Macron, de « rev[oir] rapidement et massivement les règles d’expulsion et de destruction » des quartiers précaires informels.

Cette politique a été facilitée par la loi « Elan », adoptée en 2018, qui a institué pour Mayotte et la Guyane – les deux territoires français régulièrement pointés par les associations comme des « laboratoires d’expérimentation pour des restrictions des droits des étrangers » – la possibilité pour les préfectures de démolir sans passer par un·e juge.

La loi Elan « accord[e] aux préfectures une autorité quasi toute-puissante dans l’exécution des opérations » où l’objectif initial de lutte contre l’habitat informel est « détourn[é] » au profit « de la lutte contre l’immigration », regrettait en 2022 l’Observatoire des expulsions dans son rapport annuel.

Des évacuations sans cadre

De septembre 2019 à janvier 2020, quatre opérations particulièrement brutales furent menées coup sur coup par les autorités à Cayenne et dans les communes voisines de Matoury et Rémire-Montjoly pour éradiquer des lieux de vie investis en majorité il y a plus de vingt ans et qui hébergeaient parfois 700 personnes, dont un nombre conséquent d’enfants.

Pourtant, tous les signaux sont alors au rouge : « défaut global de gouvernance », « importants besoins en hébergement d’urgence et d’insertion », « politique d’accession sociale et très sociale en panne », constatait ainsi le plan territorial d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, rédigé dès 2019 par les services de l’État et qui fut adopté par l’ensemble des autorités régionales avec deux ans de retard, en 2021.

Cette politique à l’aveugle nourrit elle-même la crise du logement, puisque « la résorption et l’évacuation des zones d’habitat illicite » entraînent des « besoins accrus [en logements – ndlr] », souligne alors le fameux plan embryonnaire.

Résultats : « On n’arrive même plus à loger les femmes et les enfants », s’alarme très vite la Croix Rouge, chargée de l’accueil d’urgence. Même sidération chez Médecins du Monde : « Personne ne sait comment gérer la résorption de l’habitat insalubre et un préfet arrive et dit : “Ah, ben moi je vais tout raser et je vais le régler, le problème.” »

« On sait que ces populations [délogées – ndlr] iront ailleurs, iront alimenter d’autres squats », prévient aussi en 2020 la Communauté d’agglomération du centre littoral (CACL), favorable à une politique « beaucoup plus carrée ». Qu’importe, « nous n’allons pas freiner notre action à cause de ces effets reports », rétorque le préfet Del Grande, qui sera relevé de ses fonctions préfectorales, sans explications officielles, par le Conseil des ministres en novembre 2020.

 

Le 5 février 2020 à Cayenne. Évacuée mais non relogée lors de la destruction par la préfecture du bidonville La Matina, Yvesse a trouvé « refuge » dans un local à poubelles d’à peine 8 mètres carrés d’un bâtiment inoccupé et muré. © Photo Jody Amiet / AFP

Des habitant·es de tout profil payent très majoritairement les frais des destructions : Français·es, personnes en situation régulière, sans papiers, mères célibataires, familles nombreuses, collégien·nes, seniors, malades chroniques, demandeurs et demandeuses d’asile, réfugié·es politiques…

« Quand j’ai voulu retourner dans ma chambre pour récupérer des affaires, la police ne m’a pas laissée passer alors le passeport de ma fille a été brûlé et mes vêtements aussi »racontait Yvesse, rencontrée en février 2020 dans un immeuble désaffecté du centre-ville de Cayenne réinvesti par plus de 200 « réfugié·es », dont des mères et leurs nourrissons, après la démolition d’envergure du bidonville La Matina.

« Ils cassent nos affaires, les mettent dans des conteneurs et nous disent qu’ils nous les rendront quand on aura trouvé un logement », s’inquiétait Latchmyn depuis le Mont Baduel, à Cayenne. Latchmyn avait construit dans les années 1990, sans droit ni titre, une jolie maison raccordée légalement au réseau EDF. L’avis d’expulsion dont elle faisait dorénavant l’objet lui était inconcevable.

« On nous a donné accès à l’eau, à l’électricité, à Canal satellite et d’un coup ils viennent et détruisent », s’indignait un voisin. « Les affaires sont mises dans des conteneurs placés quelque part et quand on vient les chercher, les termites ont tout bouffé. C’est catastrophique », se désole le président régional du DAL et ancien conseiller municipal (DVG) de Matoury, Marius Florella, qui demande « une régularisation massive de tous les gens qui sont là depuis cinq ans, qui ont des enfants, afin de les loger de manière digne ».

Une dizaine de démolitions depuis 2021

Depuis le premier trimestre 2021, malgré le maintien de l’état d’urgence sanitaire en Guyane (levé le 3 mars 2022) et l’épuisement généralisé des forces sociales dans l’après-Covid, les bulldozers ont repris le travail. La maire de Cayenne, Sandra Trochimara (Nouvelle Force de Guyane), qui a engagé une politique de « reconquête » de la ville, est particulièrement active.

Les démantèlements sont justifiés par des atteintes à la salubrité publique, des troubles à l’ordre public, des risques naturels, des atteintes à la propriété privée. Et ils sont actionnés alors que le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne, présidé par la préfecture, « n’existe que sur le papier », note un rapport sénatorial de 2021.

« Il y a un besoin presque frénétique de casser pour casser mais aucune réflexion de fond », regrette Milot Oxygène, membre du Réseau éducation sans frontières (RESF), qui n’est pas en mesure de chiffrer le taux de déscolarisation éventuellement induit par des années de casse mais narre « les complications pour les familles lorsqu’elles changent de commune pour rescolariser les enfants ».

Les personnes en situation régulière « sont relogées à 90 % dans un logement social », estime le président du DAL Guyane. « Mais, note-t-il, le temps qu’elles obtiennent un logement social, elles partent dans un nouveau squat pendant trois à six mois parce qu’il n’y a pas d’autre choix. » Pour celles et ceux en situation irrégulière, le scénario se répète : fuir vers un autre quartier de fortune avec quelques meubles et des bouts de maison avant l’arrivée des engins et de la police aux frontières (PAF).

Il ne s’agit « que d’opérations d’affichage qui conduisent à la multiplication des lieux de vie précaires et à des ruptures dans tous les domaines », estime Aude Trépont, coordinatrice régionale de Médecins du Monde.

 

En septembre 2015, le quartier Terca (Matoury) construit sur un terrain privé est évacué et démoli sous l’encadrement de la préfecture. Seules 5 familles sur 80 sont relogées le jour même. © Photo Marion Briswalter / Guyaweb

Depuis quatre ans, les autorités affirment a contrario qu’elles mènent une « préparation minutieuse en amont avec les services sociaux » et que des relogements sont proposés aux familles en situation régulière, banalisant ainsi la dissociation de l’accès aux droits fondamentaux en fonction des situations administratives. Une pratique illégale et d’autant plus dangereuse dans un territoire où « deux tiers des jeunes de 16-25 ans [avaient] au moins un parent étranger » en 2012.

Mais dans un courrier adressé en mars 2022 à ces mêmes autorités et dont nous avons été destinataires, huit associations et syndicats leur demandaient de revoir totalement la méthode afin d’« avoir une approche globale et partenariale plutôt qu’une logique centrée sur les expulsions sèches et la sur-précarisation ».

Plus récemment, c’est le président de la Communauté d’agglomération du centre littoral (CACL), Serge Smock, qui a finalement appelé à ne « pas démolir pour démolir ».

La CACL s’apprête à adopter son premier plan intercommunal de lutte contre l’habitat indigne. « On suit une politique au cas par cas », assure Laurent Acélor, de la direction de l’Habitat, qui recense « 78 » quartiers illicites. « Le démantèlement est une option possible en cas de risques naturels forts. On va être amenés à en réaliser. Mais la majeure partie de nos opérations va vers de la régularisation et de la réhabilitation », ajoute Lucie Biarnes, de la cellule habitat indigne.

Deux expérimentations ont été menées récemment autour de l’« accompagnement » de certaines familles, parfois « pendant un an » avant « le déménagement ». « On est conscients que cet accompagnement ne solutionne pas tous les cas de figure mais il minimise l’effet report [vers des bidonvilles – ndlr] et fait rentrer un certain nombre de foyers dans le schéma plus conventionnel du logement », poursuit Lucie Biarnes.

Selon un diagnostic de la CACL non encore rendu public auquel nous avons eu accès, plus de « 30 000 personnes » vivaient dans un logement « potentiellement indigne » en 2022 sur ce territoire. À l’échelle régionale, « le logement illégal croît depuis 20 ans plus rapidement que le logement légal ».

 


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