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Source : Mediapart - Eric Fassin - 24/11/2018

Pour attirer les étudiants internationaux, Édouard Philippe multiplie leurs droits d’inscription. C’est donc le prix payé qui ferait la valeur de l’enseignement supérieur. Malgré des bourses supplémentaires, il s’agit d’écarter les pauvres. Sont d’abord visés les étudiants de nos anciennes colonies: #BienvenueEnFrance! Prochaine étape (malgré les démentis) : les Européens, y compris les Français ?

Le Premier ministre annonce lundi 19 novembre une « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux ». À première vue, on ne peut que s’en réjouir : l’enseignement supérieur, en France comme ailleurs, doit faire le pari de l’ouverture internationale. La France n’est-elle pas le 4e pays au monde pour l’accueil d’étudiants étrangers, et leur nombre ne va-t-il pas croissant (+4,5% en 2017-2018 et +4,6% l’année précédente) ?

S’il y a bien un problème aujourd’hui, c’est que la politique d’immigration de la France a un effet répulsif : les obstacles, les tracasseries et les humiliations finissent par décourager nombre d’étudiantes et d’étudiants étrangers. Ne vont-ils pas se tourner vers d’autres pays, plus accueillants, en Europe ou en Amérique du Nord ?

Toutefois, pour le Premier ministre, l’attractivité passe surtout, non sans paradoxe, par une augmentation massive des droits d’inscription pour les étrangers extra-communautaires : ils seront multipliés par 10 au moins (selon le niveau, de 170 à 380 euros, on passe à 2770 à 3770 euros par an). On comprend dès lors qu’il s’agit d’attirer, non pas les étudiants en général, mais les plus riches, et en même temps d’écarter les plus pauvres.

Cette logique de classe se superpose, dans le discours gouvernemental, avec une géographie : Edouard Philippe l’indique clairement, « étudiants indiens, russes, chinois seront plus nombreux et devront l’être. » Ainsi, « la campagne de communication ciblera davantage les pays émergents (Chine, Inde, Vietnam, Indonésie) et les pays non francophones d’Afrique subsaharienne ».

Or parmi les 10 pays qui nous envoient le plus d’étudiants, 6 sont en Afrique francophone, et 45% des étudiants étrangers sont africains. Ce sont ceux-là que la France veut dissuader : elle les considère en effet comme des immigrés. Ne sont-ils pas comptabilisés dans les chiffres de l’immigration ?

Bref, pour attirer le monde entier, dans le monde orwellien du Premier ministre, il faut commencer par repousser les anciennes colonies de la France. Certes, le gouvernement propose d’accroître le nombre de bourses pour les étrangers : en plus des 6000 accordées par des établissements, non plus 7000, mais 15000 par l’État. Mais c’est pour 324 000 étrangers au total (dont 150 000 étudiants africains). Les boursiers resteront une infime minorité. La générosité affichée ne compensera pas les effets de l’augmentation des frais d’inscription.

On veut faire venir des héritiers du monde entier, et, à part quelques boursiers, fermer la porte aux autres, venus d’Afrique francophone. La preuve ? On incite ceux-ci à rester chez eux : en effet, on va « offrir à la jeunesse de nos pays partenaires la possibilité de suivre des formations proposées par des établissements français sans avoir à quitter leur propre pays ». La politique universitaire est calquée sur la politique d’immigration : aider les migrants… à ne pas migrer !

Cette nouvelle géopolitique universitaire contribuera inévitablement à creuser les inégalités, non seulement entre étudiants étrangers, mais aussi entre établissements français : les plus favorisés seront jugés plus attractifs. Ils pourront donc accueillir les candidats les plus riches : tant qu’à faire de payer cher, les étudiants étrangers feront leur marché en se fondant sur une hiérarchie universitaire qu’ils contribueront de la sorte à renforcer.

D’ailleurs, c’est déjà ce qui se joue dans la course au classement de Shanghai, soit une fétichisation de l’excellence confondue avec des palmarès… qui ne veulent pas dire grand-chose. C’est aussi la logique à l’œuvre avec la mise en place de Parcoursup, qui met les établissements en concurrence. La croyance en une hiérarchie produit des stratégies qui finissent par lui donner davantage de réalité.

Enfin, l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers n’épargnera pas longtemps les étudiants français : la politique d’immigration choisie, appliquée à l’université, aura servi de laboratoire. Nos universités sont de plus en plus étranglées financièrement : l’autonomie sans les moyens de l’autonomie les réduit à l’impuissance. Demain, on nous proposera d’étendre ces frais d’inscription aux Français. À défaut d’autres ressources, qui pourra encore protester ?

Le Premier ministre en fait déjà une question de justice : « Un étudiant étranger fortuné qui vient en France paye le même montant qu’un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et payent des impôts en France depuis des années. C’est injuste. » Étape suivante, c’est au nom de la justice qu’on fera payer les étudiants français aisés. Sans doute augmentera-t-on aussi le nombre de bourses, mais pareillement en proportion insuffisante pour compenser les effets d’exclusion des frais d’inscription. Les moins riches se tourneront vers des universités moins cotées, et donc moins chères, à moins de renoncer aux études.

Procès d’intention ? Il suffit pourtant de relire les MacronLeaks : dans un rapport pour la campagne d’Emmanuel Macron, fin 2016, l’économiste Robert Gary-Bobo se montrait très clair : « Il n’y a rien à espérer du budget de l’État qui soit à la hauteur des besoins (sauf de vaines promesses). (…) Il faut donc augmenter les droits d’inscription. » Et de préciser : « Un étudiant coûte entre 8000 et 15000 euros par an. Cela donne l’ordre de grandeur des droits vers lesquels on irait : entre 4000 et 8000 euros par an et par étudiant, avec un taux de subvention publique d’au moins 50%. » L’économiste Alain Trannoy, avec lequel Robert Gary-Bobo défend cette logique, vient justement d’enfoncer le clou dans une tribune publiée par Le Monde : « De 3 000 à 5 000 euros par année d’études semble être un ordre de grandeur admissible. »

Or tous ces raisonnements reposent sur un postulat, qui n’est jamais remis en cause : il n’y a rien à attendre de l’État. Pourquoi ? En réalité, pour attirer les étudiants étrangers, il conviendrait en premier lieu de ne plus les soumettre aux brimades administratives qu’ils subissent en tant qu’immigrés ; ensuite, il faudrait financer les universités françaises à hauteur de l’effort consenti, par étudiant, dans d’autres pays, et non les condamner à la paupérisation. Faire payer leur formation par les étudiants, et non par l’État, c’est refuser d’investir collectivement dans l’avenir.

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Cette tribune, que j’ai co-signée avec le philosophe Bertrand Guillarme, a été publiée dans Le Monde mercredi 21 novembre ; le même jour, le quotidien révélait qu’un rapport de la Cour des comptes préconise d’en finir avec la « quasi-gratuité » de l’enseignement supérieur : la hausse des frais d’inscription ne serait pas réservée aux étudiants étrangers. Le Premier ministre a formellement démenti : « Je veux vous dire qu’il n’est ni dans les projets de la ministre de l’Enseignement supérieur, ni dans les projets du gouvernement de procéder à cette augmentation pour les étudiants français ou les étudiants européens.» Chaque chose en son temps ? La ministre de l'Enseignement supérieur a précisé que « ces frais ne concerneront pas les étudiants déjà inscrits dans un cycle de formation en France et qui ne changent pas de cycle. » Reste à savoir si cela suffira à empêcher les mobilisations contre l’annonce du Premier ministre.

 


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