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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le Monde - Julia Pascual - 4/7/2019

Dans un pays où le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés décompte 56 000 réfugiés, à peine quelques milliers ont pu quitter le territoire.

Alors que le bombardement aérien d’un centre de détention de migrants près de Tripoli a fait au moins 44 morts et plus de 130 blessés dans la nuit du mardi 2 au mercredi 3 juillet, les solutions manquent cruellement pour évacuer les personnes de ce pays en proie à une situation chaotique depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. La situation est devenue encore plus dangereuse depuis le début de l’offensive militaire, le 4 avril, du maréchal Khalifa Haftar contre les forces du gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj.

Autour de 660 000 migrants résident en Libye et si le pays était, pour une partie d’entre eux, une porte d’entrée vers l’Europe, via la Méditerranée centrale, elle s’est considérablement refermée sous l’effet du repositionnement stratégique des groupes criminels et de la montée en puissance des gardes-côtes libyens, à grand renfort de financements européens.

Résultat, les traversées de la Méditerranée sont devenues rares. Depuis le début de l’année, moins de 2 000 personnes sont arrivées de Libye en Europe par bateau et 343 ont perdu la vie en essayant de rejoindre le continent.

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La plupart des migrants sont donc bloqués en Libye. Depuis novembre 2017, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a mis en place un mécanisme d’évacuation de ceux qui sont éligibles à une protection internationale, c’est-à-dire à l’asile, par opposition aux migrants économiques. L’initiative était née dans le contexte de la diffusion, par la chaîne américaine CNN, d’images d’une vente aux enchères d’êtres humains près de Tripoli au cours de laquelle une douzaine de migrants faisaient l’objet d’un « marché aux esclaves ».

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« Ils ne sont pas en sécurité »

Depuis lors, en accord avec les autorités libyennes à Tripoli, le HCR se déplace dans les centres de détention officiels – où les migrants sont systématiquement reclus – pour y identifier les réfugiés les plus vulnérables et organise leur évacuation.

Le dispositif fonctionne péniblement. Depuis la fin de 2017, près de 4 400 personnes ont ainsi pu quitter la Libye. La plupart ont été envoyées au Niger. Cet Etat voisin du Sahel, parmi les plus pauvres du globe, fait office de pays de transit, où les réfugiés attendent un éventuel transfert vers l’Europe ou le Canada.

Certains critiquent la logique sous-jacente à ce dispositif : « D’une certaine manière, les dirigeants européens souhaitent que les personnes ne puissent pas partir d’elles-mêmes mais soient choisies par les Etats, considère Emmanuel Blanchard, ancien président du réseau de militants et de chercheurs Migreurop. C’est une sorte de dévoiement de la réinstallation et de l’asile, parce qu’on passe d’une logique de droits à une logique de secours, d’un Etat obligé par la convention de Genève à un Etat qui offre une aide humanitaire. »

Le mécanisme est en outre loin d’être à la hauteur des besoins. Le HCR évalue à 56 000 le nombre de réfugiés présents en Libye, dont une majorité de Syriens, de Soudanais et d’Erythréens. Dans la région de Tripoli, où se concentrent les combats entre pro-Haftar et pro-Sarraj, près de 4 000 migrants sont, en outre, reclus dans des centres de détention et risquent d’être pris dans les affrontements. « Ils sont confinés, souffrent de tuberculose et manquent de nourriture, rappelle Paula Barrachina, porte-parole du HCR en Libye. Ils ne sont pas en sécurité et peuvent être frappés à tout moment. »

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« Il est urgent que les Etats se manifestent pour nous aider à évacuer d’autres réfugiés vulnérables hors de Libye », déclarait fin juin Jean-Paul Cavalieri, chef de mission du HCR dans le pays. Mais les appels réitérés de l’agence onusienne semblent peu entendus.

« Les efforts fournis sont totalement insuffisants, reconnaît Pascal Brice, directeur de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides de 2012 à 2018. Cela tient aux difficultés à sortir les gens de Libye, au manque de moyens du HCR et au manque de volonté d’accueil des Etats. »

Le statu quo « n’est pas tenable »

Le processus d’évacuation souffre en outre de la lenteur des pays déjà impliqués à mettre en œuvre l’accueil des réfugiés pour lesquels ils se sont engagés. Alors que plus de 2 900 personnes ont été évacuées vers le Niger depuis fin 2017 – principalement des Erythréens, des Somaliens et des Ethiopiens –, la moitié seulement a été réinstallée depuis, majoritairement en France, en Allemagne et en Suède. Au risque de gripper la mécanique.

Le temps d’attente à Niamey est en moyenne de six mois. « La plupart d’entre nous perdons espoir ici », explique au Monde Habtom Getachew Mekonin. Cet Erythréen de 24 ans est au Niger depuis huit mois, après avoir passé deux ans et demi en Libye. Le Monde l’avait rencontré en novembre 2018 et avait raconté son histoire sous un prénom d’emprunt. Le jeune homme expliquait avoir été torturé, racketté, vendu par des passeurs.

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« Quand on est arrivé ici, on était heureux d’avoir échappé à l’enfer libyen, mais on nous a oubliés, explique aujourd’hui Habtom Getachew Mekonin. Il n’y a pas de solution, on ne peut pas recommencer une vie. Nous sommes fatigués d’attendre. Nous sommes des réfugiés, pas des criminels. » En début d’année, le HCR a inauguré un nouveau centre à 40 kilomètres de Niamey où 1 100 réfugiés patientent, comme le jeune Erythréen.

Outre les évacuations de réfugiés, l’ONU organise, avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), des « retours volontaires » de migrants dans leur pays d’origine. Depuis le 1er janvier, 5 000 personnes ont ainsi quitté la Libye pour un pays d’Afrique ou d’Asie.

« Nous sommes dans une impasse totale, regrette Pascal Brice. Les migrants ont le choix entre errer en Méditerranée ou mourir bombardés. L’effet simultané du bombardement [près de Tripoli] et de ce qui est arrivé à la capitaine du Sea-Watch-3 montre que le statu quo, dont beaucoup s’accommodent, n’est pas tenable. »

Infographie Le Monde

 

Julia Pascual

 

 


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