Source : Le Monde avec AFP - 17/8/2019
Cent sept autres migrants sont encore à bord du navire, où la situation est qualifiée d’« explosive ». Le gouvernement espagnol a proposé au navire d’accoster dans le port d’Algesiras.
Le gouvernement espagnol a proposé dimanche 18 août d’accueillir dans le port d’Algesiras, au sud du pays, le bateau de l’ONG Proactiva Open Arms transportant une centaine de migrants. Cette décision fait suite à « l’inconcevable » refus de l’Italie d’offrir un port d’accueil, exception faite des vingt-sept migrants mineurs non accompagnés qui ont été autorisés à débarquer sur l’île italienne de Lampedusa, située entre la Sicile et l’Afrique du Nord.
Ces derniers « seront évacués par les garde-côtes de Lampedusa », a tweeté l’ONG après que le ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini (extrême droite), a concédé à contrecœur l’autorisation de débarquer à ces mineurs, tout en refusant l’accueil des 107 autres migrants, toujours à bord de l’Open-Arms.
#ESTAPASANDO Comienza el desembarco de los 27 menores no acompañados. El cuerpo de #Guardia di Finanza y Guardacost… https://t.co/8mKJyybOR6
— openarms_fund (@Open Arms)
Madrid a pris la décision d’accueillir le navire « en raison de la situation d’urgence à bord, après deux semaines de navigation », et alors que les conditions sont devenues « intenables », a fait savoir Proactiva. « Les ports espagnols ne sont ni les plus près, ni les plus sûrs pour l’Open-Arms, mais pour l’instant, l’Espagne est le seul pays disposé à l’accueillir dans le cadre d’une solution européenne », a ajouté l’ONG.
Six pays européens avaient pourtant accepté d’accueillir les migrants qui se trouvent à bord. Mais malgré les contacts intensifs entre la Commission européenne et ces derniers (France, Allemagne, Luxembourg, Portugal, Roumanie et Espagne), « aucun pays européen n’a fait de pas formel pour accueillir les migrants se trouvant à bord », avaient alors déploré des sources du ministère de l’intérieur italien, citées par l’Agence France-Presse.
Enquête pour séquestration et abus de pouvoir
M. Salvini a écrit plus tôt une lettre au chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, dans laquelle il déclare qu’il pourrait autoriser les mineurs « présumés » à quitter l’Open-Arms bien que cela soit en contradiction avec son opinion.
L’ONG Proactiva avait alors fait savoir qu’elle aurait besoin de temps pour annoncer aux autres migrants que la plupart d’entre eux devaient rester à bord, alors que certains ont été secourus depuis plus de deux semaines, et que le bateau a jeté l’ancre au large de Lampedusa depuis jeudi.
Samedi, un procureur sicilien a mené une perquisition au siège des services des garde-côtes italiens à Rome, dans le cadre d’une enquête contre X pour séquestration de personnes et abus de pouvoir, sur la décision d’empêcher l’Open-Arms d’amarrer. La police a notamment saisi les enregistrements de communications entre le ministère de l’intérieur et les services de secours, a rapporté le quotidien de gauche La Repubblica.
Crise gouvernementale
Vendredi, le commandant du navire, qui se trouve à quelques centaines de mètres seulement du port de Lampedusa, avait décrit une situation explosive parmi les migrants interdits de débarquer. « Tout le monde est cassé psychologiquement, cette situation est devenue insoutenable », avait déclaré Marc Reig à la chaîne de télévision espagnole TVE. « A chaque seconde qui passe, le déclenchement de la bombe se rapproche. Ou quelqu’un coupe le fil rouge et désactive la bombe maintenant, ou alors l’Open-Arms va exploser. (…) C’est inhumain. Nous sommes près de la terre ferme et les gens pourraient s’y rendre à la nage. Ils veulent se jeter dans l’eau. »
La situation de l’Open-Arms est au cœur de la crise gouvernementale que traverse l’Italie, entre la Ligue de Salvini et le Mouvement 5 étoiles (M5S). M. Salvini a fait voler en éclats le 8 août la coalition formée par sa formation et le parti antisystème. Il a réclamé l’organisation rapide d’élections, alors qu’il est crédité de 36 à 38 % des intentions de vote dans les sondages.
Deux ministres issus du M5S, Elisabetta Trenta (défense) et Danilo Toninelli (infrastructures et transports), ont ainsi refusé, jeudi, de contresigner le dernier décret interdisant les eaux italiennes à l’Open-Arms, édicté par M. Salvini après la suspension mercredi par un tribunal administratif d’un premier décret similaire. Sans ces deux signatures, le décret de M. Salvini est sans effet.
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Dans le même temps, l’Ocean-Viking, bateau de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), ne dispose toujours d’aucune solution pour faire débarquer les 356 migrants qu’il a secourus en mer. Il navigue désormais au ralenti à mi-chemin entre Malte et Lampedusa, tandis que le décret lui interdisant les eaux territoriales italiennes est toujours en vigueur et que les autorités maltaises restent sourdes à ses demandes.