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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le Monde - Julia Pascual - 7/11/2019

C’est la 59e opération de mise à l’abri qui est organisée dans la capitale depuis 2015, et la plus importante depuis un an.

Il pleuvait à grosses gouttes quand a débuté, jeudi 7 novembre vers 6 heures, l’opération d’évacuation d’une partie des campements du nord-est de Paris. Quelque 3 000 personnes migrantes, en majorité des Afghans, des Erythréens et des Soudanais, y vivent depuis plusieurs mois, sous tente ou à même le sol.

Dans son arrêté d’évacuation des campements de la Porte de La Chapelle et de l’avenue Wilson (Saint-Denis), la Préfecture de police décrit des conditions abominables. Outre l’insécurité liée à la promiscuité et à la proximité du périphérique et de l’autoroute, les sites sont « jonchés de déchets et d’immondices, parcourus de rats et dégagent une odeur pestilentielle et nauséabonde d’urines et d’excréments ». En outre, « plusieurs centaines de personnes [sont] porteuses de pathologies respiratoires, gastriques, dermatologiques, ostéo-articulaires, ainsi que de séquelles de blessures et de traumatismes ». « La situation psychique, sanitaire et sociale des personnes était d’une indignité sans nom », corrobore Guillaume Schers, de France Terre d’asile.

C’est la 59e opération de mise à l’abri qui est organisée dans la capitale depuis 2015, et la plus importante depuis un an. L’exercice est rodé mais le préfet de police, Didier Lallement, a tenu à dire qu’une telle opération « n’avait jamais été faite ». « Je ne tolérerai plus d’installations (…) nous prendrons des mesures de police », a-t-il ajouté.

Le haut fonctionnaire avait entamé son propos en citant le premier ministre qui, mercredi, à l’occasion de la présentation de mesures gouvernementales sur l’immigration, avait dit vouloir « retrouver le contrôle de son immigration ». « C’est ce que je suis en train d’entreprendre », a souligné M. Lallement. Une autre opération de mise à l’abri devrait intervenir prochainement, Porte d’Aubervilliers.

Lire aussi Quotas, lutte contre la fraude, restriction des soins : les annonces du gouvernement sur l’immigration

Le propos volontariste de M. Lallement n’a pas emporté la conviction de la maire socialiste de la ville, Anne Hidalgo, présente sur place. « A chaque fois, on nous a dit que ça ne se reproduirait plus, rappelle-t-elle. Même si on travaille en confiance, je suis vigilante. » Depuis le mois de mars, l’élue se déplace chaque semaine sur les campements pour exiger de l’Etat qu’il mette à l’abri les personnes de façon conséquente.

« La situation se reproduira car il y a depuis trois ans un décalage entre les mises à l’abri et les arrivées, selon la Mairie de Paris. Il arrive en moyenne chaque semaine 70 à 80 personnes de plus que celles qui sont mises à l’abri, donc les campements augmentent mécaniquement. »

« On ne fait pas disparaître les flux parce qu’on empêche les gens de se réinstaller à un endroit », abonde Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile.

Jeudi, plus de 1 600 migrants ont été transportés, pour l’essentiel vers une quinzaine de gymnases en Ile-de-France. Puis, dans un second temps, vers des centres d’accueil et d’examen des situations avant d’être orientés en fonction de leur statut administratif.

Laissés-pour-compte

Selon des estimations très partielles de France Terre d’asile, 60 % des personnes présentes sur les campements sont des demandeurs d’asile qui relèvent d’un hébergement dans le dispositif national d’accueil. Mais, du fait de sa saturation, celui-ci ne permet d’héberger qu’un demandeur d’asile sur deux.

Ali et Rahm, deux Afghans de 20 et 23 ans, font partie de ces laissés-pour-compte. Ils attendaient jeudi, sous un pont du périphérique, de pouvoir monter dans un bus. « Nous sommes ici depuis un mois », expliquent-ils. Rahm nous tend le document attestant qu’il est enregistré depuis le 5 novembre comme demandeur d’asile. Ali, lui, n’a pas encore pu faire de même, faute de rendez-vous disponible.

Abdoulaye (le prénom a été modifié), un Guinéen, est lui aussi demandeur d’asile. Il a passé deux mois et demi Porte de la Chapelle, depuis qu’il a été chassé d’un centre d’hébergement en Essonne pour une bagarre à laquelle il jure ne pas avoir participé. « J’ai perdu mon logement, mon allocation, je suis à la rue », dit-il. Dans un mois, il est convoqué pour un entretien devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

« J’ai peur de partir loin »

Outre les demandeurs d’asile, les personnes vivant dans les campements présentent des statuts divers. Le préfet d’Ile-de-France, Michel Cadot, qui pilote les mises à l’abri, a prévenu que « ceux qui n’ont pas le droit au séjour » seraient priés « de quitter les lieux d’hébergement » au bout de « quelques jours ».

MARTIN BUREAU / AFP

Abdallah est réfugié depuis 2018 et détient donc un titre de séjour de dix ans. Mais ce jeune Soudanais n’a pas de logement. Il vit porte de La Chapelle depuis huit mois. Il y a trois mois, il a trouvé du travail comme agent d’entretien à Paris. Les feuilles de paye qu’il conserve dans son sac à dos en témoignent. Jeudi, il redoutait de monter dans un bus : « J’ai peur de partir loin. »

Aboubacar, lui, n’a pas d’attache à Paris, où il est arrivé il y a deux semaines après avoir vécu dans des squats et à la rue, à Dijon. Ce Soudanais nous montre le document selon lequel, depuis le 21 octobre, il bénéficie de la protection subsidiaire de la France. « Mais je n’ai pas de maison », se désole-t-il, dans un français balbutiant.

Une partie de plus en plus importante des personnes à la rue sont des demandeurs d’asile « dublinés ». L’examen de leur situation relève, en vertu du règlement de Dublin, de la responsabilité d’un autre Etat membre de l’Union européenne, où ils ont déjà déposé une demande ou simplement laissé leurs empreintes. La France peut donc les transférer vers ce pays, mais si elle n’y parvient pas dans un délai de six à dix-huit mois, alors elle doit examiner leur demande d’asile.

Procédure Dublin

Youssouf, un Tchadien âgé de 24 ans, est dans ce cas de figure. Arrivé en France en 2017, il a été placé en procédure Dublin, transféré en Italie, et aussitôt revenu. Il a perdu son droit à une prise en charge mais il a finalement pu déposer une demande d’asile en France, rejetée il y a sept mois. Il a fait appel.

Les situations se suivent et se ressemblent. Mamush, un Ethiopien de 29 ans, vit à la rue depuis un an et deux mois. Lui aussi est arrivé en France en 2017. Il a d’abord été hébergé à Amiens puis, comme d’autres, ses empreintes ayant été prises en Italie, il y a été renvoyé, avant de revenir. Il est désormais sorti de la procédure Dublin et attend d’être convoqué par l’Ofpra pour faire examiner sa demande d’asile. Un couple d’Afghans écoute son récit. Ils viennent d’arriver et d’être placés en procédure Dublin.

« J’espère que les autorités sauront être pragmatiques avec les dublinés », commentait Anne Hidalgo, jeudi. Les associations et la Mairie de Paris demandent depuis longtemps un « moratoire » sur l’application de ce règlement, comme cela avait été le cas lors du démantèlement de la « jungle » de Calais en 2016.

Le gouvernement demande au contraire aux préfectures de redoubler d’efforts pour transférer les « dublinés », dans le but de juguler l’augmentation de la demande d’asile. Aujourd’hui, celle-ci ne parviennent à transférer qu’autour de 20 % des « dublinés ». Les autres – et ceux qui finissent par revenir – alimentent inexorablement les campements de rue et les dispositifs d’hébergement d’urgence.

Lire notre enquête : Comment les opérations d’évacuation poussent les migrants aux portes de Paris

 

 


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