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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - 9/3/2020

 Appliquer les règles en matière de droit d’asile, réformer le « système de Dublin », mobiliser la société civile : telles sont les actions préconisées par un collectif de personnalités, dont José Bové, pour faire face à la nouvelle crise migratoire.

Tribune. La « crise des réfugiés » est de retour. Aggravée. Des îles grecques aux rives du fleuve Evros, les mains de l’Europe sont maintenant rouges du sang des enfants, des femmes et des hommes fuyant la guerre et la violence. Face au déferlement de la détresse, les gardes-frontières tirent à balles réelles, les garde-côtes assaillent les embarcations pour tenter de les faire couler, la population exaspérée s’en prend violemment aux réfugiés et à leurs soutiens (humanitaires, associations) et les familles s’échouent sur nos barbelés. Au-delà des indignations « prêt-à-penser » pour réseaux sociaux, il est temps de mesurer notre responsabilité collective.

Bien sûr que la Turquie de Erdogan utilise cyniquement ces flots humains pour forcer l’UE à lui apporter un soutien politique dans les conflits syrien et libyen, où elle s’est aventurée. Bien sûr que la Russie de Poutine cherche à nous diviser, et alimente cette interminable guerre en soutenant Assad, militairement et politiquement. Bien sûr que le retrait unilatéral anticipé des Etats Unis de Trump a précipité l’intensification des combats sur le terrain. Bien sûr.

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Mais dans une tragédie il n’y a ni bons ni méchants, il y a ceux qui assument leur rôle et ceux qui s’y refusent. Dans le conflit syrien, les Etats européens ont accumulé les démissions morales et politiques au nom de l’endiguement des flux migratoires et de la peur de l’extrême droite. Fermeture des frontières, externalisation de la gestion des migrations, violation des droits humains, ces reniements n’ont rien résolu : les partis xénophobes prospèrent sur les angoisses populaires et les exaspérations locales, pendant que demandeurs d’asile, réfugiés et migrants tombent sous les coups de fusils et de matraques.

Organiser l’arrivée des réfugiés

Le lâche soulagement du pacte faustien avec la Turquie en mars 2016 aurait pu être l’occasion d’un répit pour préparer une véritable politique migratoire européenne. Mais non, à l’abri complaisant de cette maison de paille, nous avons laissé nos gouvernements nous convaincre sans difficulté que nous étions protégés des vents de l’histoire. Mars 2020 : 4 ans perdus.

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Que faire désormais ? Dans l’urgence humanitaire, il n’y a pas à tergiverser, nous devons accueillir ces réfugiés. C’est-à-dire organiser leur arrivée de manière ordonnée et solidaire et leur offrir abris, nourriture et soins. Au besoin avec le concours de l’armée qui, si elle ne sert plus vraiment à faire la guerre là-bas, peut aider à organiser la paix ici. En réduisant la pression que ces réfugiés représentent, nous réduirons en outre la portée des actions d’Erdogan, Poutine et tous ceux qui ont un intérêt à voir l’UE et les Européens se perdre dans la peur et la haine.

Et puis il y a trois actions à mener. D’abord, appliquer le droit. Depuis vingt ans, l’UE s’est dotée de règles communes en matière d’immigration et d’asile qui défendent les individus et les sociétés parce qu’elles sont justement fondées sur ces fameuses « valeurs européennes » dont on nous rebat les oreilles. Mais les Etats membres les appliquent mal, ou pas. Une mise en œuvre correcte de ces règles, qui concernent les demandeurs d’asile, le regroupement familial ou encore l’éloignement des personnes en situation irrégulière soulagerait bien des souffrances inutiles.

Repenser les migrations à l’aune des défis du siècle

Ensuite, ne pas se perdre en bricolages politiques. La seule réforme urgente à mener est celle du « système de Dublin », qui laisse hypocritement tout le fardeau de l’accueil des réfugiés sur les « pays de première entrée ». Ainsi, Grèce, Italie, Bulgarie, Espagne, Malte, sont de facto la frontière des Néerlandais, Danois, Allemands et Français. « Dublin » aggrave les divisions entre Etats et met l’espace Schengen en danger. Le réformer implique d’abandonner ce principe pour un système solidaire combinant la capacité d’accueil des Etats à la parole et la volonté des demandeurs d’asile.

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Enfin, nous ne ferons pas l’économie de repenser les migrations à l’aune des défis du siècle. Alors que l’impératif climatique nous force déjà à repenser nos systèmes et nos solidarités sur le temps long et l’échelle planétaire, nous continuerions à faire des migrations internationales un simple problème de sécurité confié aux seuls ministres de l’Intérieur ? Transversale et stratégique, la question des migrations exige d’élargir le champ politique – affaires étrangères, sociales, culture, santé, etc. – mais aussi de mobiliser la société civile. Devant la faillite collective de nos dirigeants, prisonniers résignés du court terme, les acteurs de la société civile peuvent sauver les réfugiés et « nos valeurs » du naufrage.

De Gdansk à Palerme, Barcelone ou Manchester, grandes villes et communes plus modestes ou rurales du Portugal à l’Autriche, des Européens se mobilisent pour offrir asile et refuge, en bravant parfois leurs politiques nationales restrictives. Nos territoires regorgent de ressources, humaines, politiques et financières pour accueillir et intégrer avec succès réfugiés et migrants. C’est là que se trouvent les possibilités et que peuvent être portés les efforts budgétaires et politiques de l’UE.

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Mais c’est aussi sur le plan stratégique que la société civile a un rôle à jouer. Affranchie des calendriers électoraux, elle peut s’inscrire dans le long terme et dessiner des politiques migratoires fondées sur la solidarité et le respect de la dignité humaine, ces valeurs communes aux démocrates européens.

La société civile est souvent considérée comme un contre-pouvoir, rarement comme une boussole. Il est temps, face aux démissions nationales, de la reconnaître, la mobiliser et l’associer à la définition de notre futur commun. L’Europe, c’est nous.

Les signataires : Cécile Allegra, réalisatrice et fondatrice de l’association LIMBO ; Alberto Alemanno, professeur de droit de l’Union européenne à HEC Paris ; José Bové, ancien député européen ; Edouard Gaudot, EuropaNova, consultant politique européen ; François Gemenne, chercheur sénior FNRS, directeur de l’Observatoire Hugo de l’Université de Liège ; Nora Hamadi, journaliste, marraine de l’association KÂLI ; Cédric Herrou, responsable Emmaüs Roya ; Marion Jobert, juriste, fondatrice et présidente de l’association KÂLI ; Marianne Leloup, avocate, fondatrice The Odyssey Project ; Yves Pascouau, directeur des programmes Europe de l’association Res Publica ; Gesine Schwan, présidente de la Commission pour les valeurs fondamentales du SPD ; Flor Tercero, avocate, présidente de l’Association pour la défense des droits des étrangers (ADDE).

 

 


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