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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : La depeche - Jean Cohadon - 9/4/2020

Le monde judiciaire, notamment les avocats mais également les juges d’instruction, n'en finit plus de réagir aux conséquences de l’ordonnance prise dans le cadre de l’urgence sanitaire le 25 mars . Un texte qui permet de prolonger sans débat la détention provisoire. Un ordonnance qui fait hurler Me Simon Cohen, avocat toulousain.

Pourquoi ces ordonnances vous mettent-elles tellement en colère ?

Un juge à la Cour suprême des Etats Unis d’Amérique a constaté, en substance, que, finalement, dans toutes les démocraties, la lumière du soleil, c’est-à-dire la publicité, la transparence, la controverse reste le meilleur des désinfectants. C’est dans la pénombre de son cabinet, sans personne, ni requérants, ni public, ni avocats, que le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat (qui connaît son nom ?), nommé par le pouvoir, a jugé le pouvoir, pour le conforter, en considérant que « l’ordonnance contestée (celle du 25 mars 2020) ne peut être regardée (sic) comme portant une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales… ».

Considérez-vous, justement, que cela porte atteinte aux libertés ?

Il ne s’agit pas ici d’une liberté ordinaire ou d’une quelconque liberté, mais de la liberté souche, celle qui forme le premier mot de la devise de la République française, la liberté individuelle. Celle sans laquelle rien n’est possible, celle dont un individu ne peut être privé que par l’office d’un juge, celle que l’on a affaiblie en l’assimilant à la liberté d’aller et venir et que l’on a dépravée en la réduisant à la sûreté qui passe par ce que Marat a dénommé la « soldatesque ».

"L'ordonnance prolonge d’office, sans justiciables, ni débats, ni juges, de deux à six mois"

Que reprochez-vous à ces ordonnances ?

Leurs dispositions ont permis de modifier la compétence des juridictions, ont réduit la publicité des audiences à presque rien. Elles confient à un juge ce qui relevait de trois, elles autorisent la prolongation des gardes à vue sans présentation à un magistrat, elles augmentent les délais pour statuer sur les demandes de remise en liberté et elles allongent les délais de jugement des personnes détenues, prolongent d’office, sans justiciables, ni débats, ni juges, de deux à six mois les délais de détention provisoire y compris, sous certaines conditions, pour « les mineurs âgés de plus de seize ans ».

Considérez-vous que c’est un retour en arrière ?

En fait, en prolongeant sans présentation des personnes, sans débat, sans avocats ni juge, pour une durée de deux à six mois les détentions provisoires, même après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, l’ordonnance du 25 mars 2020 n’est pas seulement scélérate, c’est-à-dire liberticide, elle est archaïque et hideuse. Comme une manière de lettre générale de cachet signée non par le Roi mais par le Prince et contresignée, tout comme la lettre de cachet, non pas par un ministre mais par le premier et la ministre de la Justice qui n’aura d’ailleurs jamais, depuis qu’elle est en exercice, apposé son sceau que sur ce type de textes alors que, précisément, la justice et l’honneur imposaient la résistance et le refus, quitte à démissionner.

Existe-t-il des moyens de faire différemment ?

L’article 19 de ces ordonnances aménage précisément, pour les adapter aux temps d’urgence sanitaire, les règles relatives à l’organisation des débats devant le juge des libertés et de la détention statuant sur la prolongation de la détention provisoire. Cela passe par des réquisitions écrites du procureur de la République, observations écrites de la personne et de son avocat lorsque le recours à l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle est matériellement impossible avec néanmoins faculté, pour l’avocat, de présenter des observations orales. Comme l’a écrit François Sureau dans « Sans Liberté » : « On ne fera croire à personne qu’il est impossible de trouver un juge pour signer un mandat quand c’est nécessaire ».

Coupables "d'avoir accepté que l’on substitue à la comparution physique une machinerie de visioconférence qui éloigne"

Les avocats portent-ils une responsabilité ?

Comme l’a écrit Me Hannelore Cayre dans une tribune publiée par Libération, les avocats seraient « dressés à être au garde à vous selon le bon vouloir des magistrats ». Si c’est le cas, nous sommes coupables. Coupables d’avoir admis d’être ravalés au rang d’auxiliaires de justice c’est-à-dire d’aides de camp, de calicots ou de gardes à propos desquels Anouilh écrit dans Antigone : « Ce sont les auxiliaires, toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice ». Mais aussi de tolérer que les textes permettent encore de limiter leur liberté de parole en l’asservissant au tact et à la modération, c’est-à-dire, aux convenances. D’avoir accepté que l’on substitue à la comparution physique du justiciable, qui contraint, une machinerie de visioconférence qui éloigne. D’avoir souffert que la collégialité se réduise, la déjudiciarisation se développe et l’exercice immodéré de leurs pouvoirs propres par certains les transforme en juges théocratiques.

Que reste-t-il pour censurer ?

Le peuple a accepté que soit confié aux membres non élus du Conseil Constitutionnel et à ceux du Conseil d’Etat le soin de défendre les libertés individuelles contre les menées, toujours plus audacieuses, de l’Etat. Ils ne le font pas assez – et parfois comme en l’espèce pas du tout. Il demeure la Cour européenne des droits de l’homme.

Qui est rarement tendre avec la France

En effet. Elle vient justement de condamner la France en raison des conditions dégradantes de détention imposées dans six établissements pénitentiaires à une trentaine de requérants qui ont obtenu, globalement, 513 250€ d’indemnités, soit environ 16 000€ en moyenne par personne. La Cour européenne se prononcera sur cette très fâcheuse ordonnance mais dans quelques années, lorsqu’une théorie d’individus aura subi quelques millénaires supplémentaires de détention provisoire. Sans juge ni jugement. Si on retient une prolongation moyenne de trois mois pour 21 000 détenus provisoires, cela représente soit 63 000 mois ou 5 250 années !

 

 


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