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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : La dépêche - François Gemenne - 18/10/2020

La migration a-t-elle toujours suscité, dans notre histoire, les mêmes craintes ?

Ce qui est frappant historiquement, c’est que l’immigration a été quelque chose de très valorisé. Après la guerre 14-18, la France a souhaité la suppression des passeports, car on considérait l’immigration très positive et les frontières étaient perçues comme des entraves aux échanges et au business. Les migrants étaient vus comme des aventuriers et des pionniers. Et il y avait beaucoup plus migrants avant qu’il n’y en a maintenant. Dans les années 60, on a activement encouragé la venue des migrants, notamment de travailleurs d’Afrique du Nord, parce qu’on manquait de main-d’œuvre. C’est vraiment depuis le choc pétrolier de 1973 que notre regard sur l’immigration s’est transformé.

Vous écrivez qu’on est migrant toute sa vie, mais pas forcément étranger…

Une bonne partie des migrants, au fil de l’histoire, sont devenus français. Mais ce qualificatif se transmet de génération en génération. On parle d’immigrés de la deuxième ou de la troisième génération, ce qui en réalité n’a aucun sens. On migre effectivement à un moment de sa vie, mais on ne reste pas étranger toute sa vie.

Quelle est l’évolution des chiffres ?

Ce qui est frappant en regardant loin dans le temps, c’est une grande stabilité. Le nombre d’étrangers en France ne progresse pas véritablement, et on reste sous les 10 % depuis au moins 30 ans. Parfois, il y a des pics. Aujourd’hui, sur 100 migrants, il n’y en a que 13 qui proviennent d’Afrique subsaharienne. Le reste est largement constitué d’Européens (particulièrement des Portugais, des Belges et des Allemands) et enfin d’Algérie et de Tunisie. Les 250 000 permis de séjour accordés chaque année en France le sont pour un tiers pour des étudiants, un tiers pour des regroupements familiaux, le dernier tiers concernant l’immigration dite de travail. La grande évolution, c’est que les voies de l’immigration légale ont été considérablement restreintes, ce qui a eu pour conséquence de faire particulièrement augmenter la demande d’asile. Pour beaucoup, l’asile est devenu le moyen principal d’entrer légalement sur le territoire. On n’a plus utilisé l’asile comme un moyen de protection humanitaire mais comme un moyen de contrôler l’immigration. Raison pour laquelle, aujourd’hui, beaucoup de demandeurs n’obtiennent pas l’asile, car les procédures sont engorgées.

Les frontières, contrairement à une idée bien ancrée, ne servent à rien ?

On reste pénétré de l’idée que les frontières sont un instrument de contrôle, une sorte de variable d’ajustement des migrations. On pense que c’est parce qu’une frontière est ouverte que les gens viennent, et qu’à l’inverse, si elle est fermée, les gens vont rester chez eux. ça paraît simple à comprendre de cette façon, mais ça ne marche pas comme cela. Quand on regarde les réalités de l’immigration, on s’aperçoit que les gens ne se résignent pas à tout quitter, à économiser des milliers d’euros simplement pour passer une frontière qui est ouverte au bout du monde. Ce qui détermine les migrations, ce sont des passeurs exogènes qui débordent largement nos politiques. A cause des guerres où des changements climatiques, les gens qui ont besoin de partir le font de toute façon, que les frontières soient ouvertes ou fermées. Fermer les frontières, c’est rendre l’immigration plus coûteuse et plus dangereuse. Il faut savoir que le trafic des migrants est devenu le 3e trafic le plus rentable au monde, derrière les armes et la drogue. Cela sert aussi à enrichir les industries de surveillance : l’Europe est un des leaders mondiaux en matière de production de barbelés. Il y a donc un vrai business de la frontière. Il faut enfin rappeler qu’il y a eu plus de 35 000 morts aux frontières extérieures de l’Union européenne depuis le début des années 90, et 600 en Méditerranée depuis le début de l’année.

Fermer une frontière, cela sert d’abord à rassurer une population qui pense qu’elle est du bon côté.

Vous dites qu’on ne montre jamais un immigré dans une situation normale…

On les montre toujours dans des situations de détresse humanitaire extrême. Ce sont les embarcations en Méditerranée, les camps surchargés aux frontières de l’Europe… On ne les montre jamais dans leur normalité, en train de cuisiner chez eux ou d’emmener leurs enfants à l’école. Ce qui signifie que dans l’esprit de beaucoup de gens, il y a une sorte de narratif de crise qui s’installe autour de l’immigration. On voit la misère du monde, alors que dans la réalité, ils sont souvent plus diplômés que la population du pays d’accueil. Ce qui provoque soit de la pitié, soit de l’inquiétude.

Paradoxe, vous expliquez que le principal frein à la migration est la pauvreté ?

Exactement ! On reste prisonnier de la phrase de Rocard qui avait dit que la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde. Dans la réalité, ce sont les plus aisés qui arrivent chez nous, car ça coûte une fortune de migrer, parfois l’équivalent de plusieurs années de salaire. La misère du monde n’a pas les moyens, elle, de migrer. Les Africains que l’on voit arriver pieds nus dans les bateaux ne sont pas les pauvres de leur pays. Et plus un pays va progresser dans l’échelle de développement, plus il va envoyer des migrants à l’étranger.

Plus une famille est riche, plus elle a propension à émigrer ?

Tout à fait. La proportion de migrants augmente avec le développement des revenus. Et c’est logique quand on regarde les prix du "marché" de l’immigration. Pour aller de la Syrie à l’Italie, cela coûte environ 8 000 euros. Pour aller de la Turquie vers l’Allemagne, c’est 12 000 euros. Ce sont donc des investissements considérables. Plus un pays évolue, mieux les gens sont informés et connectés et plus ils sont des envies d’ailleurs.

Quels sont les deux ou trois arguments qui permettraient d’empêcher la dérive des discussions sur ce sujet passionnel ?

Arrêter de croire que l’on peut arrêter l’immigration avec la fermeture des frontières. Accepter le fait que l’immigration est une sorte de transformation structurelle de nos sociétés et non pas un problème conjoncturel qu’il va falloir résoudre. Le mieux que l’on puisse faire, c’est de les organiser pour mieux en maximiser les bénéfices. Arrêter de gouverner l’immigration par l’idéologie. C’est en ouvrant mieux les frontières qu’on contrôlera mieux l’immigration. Il y a une politique pragmatique et humanitaire à construire, dans le cadre européen.

 

 

 

 


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