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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Julia Pascual - 4/11/2020

Une majorité d’Afghans, demandeurs d’asile, attendent une mise à l’abri qui tarde à intervenir, faute de places d’hébergement.

Les bourrasques de vent soulèvent sans distinction les feuilles mortes, les toiles de tentes et les déchets environnants. Il ne fait pas encore très froid mais la pluie fine qui tombe en continu lundi 2 novembre a transformé la terre en boue et poussé les hommes à se masser sous des morceaux de bâche ou sous la bretelle aérienne de l’autoroute A1 qui les surplombe.

Sur la vaste esplanade située en bordure de canal, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), face au Stade de France, entre 2 000 et 2 500 personnes migrantes vivent sous tentes, selon les estimations de France terre d’asile (FTDA). « Il y a rarement eu autant de personnes concentrées dans un campement », souligne Delphine Rouilleault, directrice de l’association, qui appelle de ses vœux une évacuation face à l’hiver approchant et dans le contexte de crise sanitaire.

Lire la tribune de Delphine Rouilleault (13 octobre 2020) : « Ouvrons le débat public sur les vrais enjeux de l’accueil et de l’accompagnement des mineurs isolés étrangers »

 

Un jeune homme tente de récupérer ce qu'il peut d'une bâche en plastique abandonnée afin de se protéger de la pluie, le 2 novembre en bordure de canal, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Bidonville crasseux

Il n’y avait personne ici, cet été, et voilà qu’ils sont chaque jour plus nombreux, originaires d’Afghanistan pour la plupart, mais aussi de Somalie et d’Erythrée. Quelques poussettes laissent deviner la présence de rares familles au milieu de ce public majoritairement jeune et masculin.

« Ce campement est le même que tous les autres, sauf qu’il est à une heure de tout, et qu’il y a une pandémie et un confinement national », résume Paul Alauzy, de Médecins du monde

Il y a une semaine environ, la ville de Saint-Denis a fait installer une dizaine de toilettes et des robinets d’eau sur le site. Jusque-là, des latrines avaient été bricolées au-dessus d’une fosse, à la vue de tous. On aperçoit encore des hommes à moitié nus se shampouiner hâtivement le corps entre deux buissons, récupérant un peu d’hygiène et de dignité au milieu de ce qui n’est rien qu’un bidonville crasseux.

Ce grand campement à ciel ouvert rappelle les difficultés récurrentes d’hébergement de ceux qui sont, en majorité, des demandeurs d’asile. « Il y a cinq ans, le campement était à Austerlitz [à Paris]. Il y a trois ans, il était à La Chapelle… Celui-ci est le même que tous les autres, sauf qu’il est à une heure de tout, et qu’il y a une pandémie et un confinement national », résume Paul Alauzy, chargé de la veille sanitaire pour Médecins du monde (MDM), qui se rend deux fois par semaine sur place.

 

Un des 30 points d’eau mis a disposition par la mairie près du campement, en bordure de canal. Deux jeunes Afghans utilisent ce point d’eau, l’un pour laver l’agneau et l’autre pour se laver les mains. Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Un des 30 points d’eau mis a disposition par la mairie près du campement, en bordure de canal.

Deux jeunes Afghans utilisent ce point d’eau, l’un pour laver l’agneau et l’autre pour se laver les mains.

Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Benjamin Girette pour "Le Monde"

Sultan Jama, une Somalienne de 32 ans, est partie en quête d’une « vie normale » en Europe il y a quatre ans, laissant ses deux enfants au pays. Ils ont aujourd’hui 5 et 7 ans. Elle a vécu un an en Turquie et trois ans en Grèce, notamment dans le camp de Moria, sur l’île de Lesbos, avant de gagner la France.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Après l’incendie du camp de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, la faible réponse des pays de l’UE

Demandeuse d’asile, Sultan Jama dit ne s’être jamais vu proposer d’hébergement. Cardiaque et diabétique, elle porte un masque chirurgical mais le Covid-19 ne l’inquiète pas, depuis la petite tente qu’elle a investie il y a deux mois déjà. « Le coronavirus, on n’y croit pas trop, explique Besmellah Dawlatzai, un Afghan de 26 ans. On y sera attentifs quand on aura de quoi se nourrir et se loger. »

« Ici, tu te demandes si tu es un homme ou un animal »

Les cas de personnes atteintes du virus semblent rares, d’après ce qu’observe MDM, lors de la cinquantaine de consultations effectuées ici deux fois par semaine. Sous un petit barnum, Françoise Djebbar, médecin bénévole pour MDM, a reçu lundi une quinzaine de personnes en consultation. « J’ai vu beaucoup de caries et des bouches dans des états pas possibles, des entorses chez des personnes qui se sont battues, pas mal de rhino-pharyngites, énumère-t-elle. Depuis un mois, les cas de gale augmentent. On en voit quinze ou vingt par semaine. »

Lire l’article (en octobre 2019) : Hébergement des migrants : le « 115 » sous pression

Shakir (le prénom a été modifié) vient justement présenter ses poignets et ses avant-bras grêlés de furoncles et de petites croûtes, symptômes d’une gale surinfectée. Il dit en avoir d’autres sur les jambes et les organes génitaux. Cet Afghan de 20 ans, arrivé sur le campement il y a deux semaines, s’est rendu à l’hôpital il y a quelques jours mais, vraisemblablement mal orienté, il n’a pas obtenu de prise en charge pour les médicaments qui lui avaient été prescrits et n’a pas pu tous les acheter. La médecin envoie le jeune homme vers un centre de MDM pour qu’il obtienne le traitement nécessaire et des sous-vêtements propres, ainsi qu’un insecticide à diffuser dans sa tente. Il devra encore trouver un endroit où prendre une douche.

« Ici, tu te demandes si tu es un homme ou un animal », confie Besmellah Dawlatzai, assis autour d’un des braseros du camp, sur lequel une poêle remplie d’huile a été posée pour permettre à un petit groupe d’hommes de faire cuire des bolani, des pains afghans farcis aux pommes de terre, vendus 1 euro et à la cantonade. Quand le vent gonfle les flammes et projette des gouttes de pluie dans l’huile bouillante, les hommes se reculent pour éviter l’accident.

 

Un groupe de jeunes Afghans se retrouvent pour faire cuire du pain (« bolani ») sur un brasero de fortune à l’intérieur du campement en bordure de canal, le 2 novembre, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Un groupe de jeunes Afghans se retrouvent pour faire cuire du pain (« bolani »)

sur un brasero de fortune à l’intérieur du campement en bordure de canal,

le 2 novembre, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Benjamin Girette pour "Le Monde"

« En France, je suis zéro »

Besmellah Dawlatzai vit ici depuis trois mois déjà. Débouté de sa demande d’asile en Autriche, où il a vécu cinq ans, et menacé d’être renvoyé en Afghanistan, il est arrivé en France en 2019 dans l’espoir d’y obtenir le statut de réfugié. Placé en procédure Dublin – selon le règlement européen qui prévoit qu’une personne ne peut déposer une demande d’asile que dans un seul pays –, il a perdu le droit à un hébergement et à une allocation de subsistance.

Lire aussi Immigration : comprendre le règlement de Dublin en 3 questions

Contraint d’attendre dix-huit mois avant de pouvoir faire examiner sa demande de protection internationale par la France, il s’est rendu en Allemagne, a été renvoyé en Autriche, et menacé, encore, d’expulsion dans son pays… pour finalement échouer aux portes de Paris, à Saint-Denis.

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Son ami Omar Khan, 27 ans, a suivi peu ou prou le même itinéraire que lui. Les deux hommes ont partagé un appartement en Autriche. « Je travaillais comme cuisinier dans un restaurant autrichien », affirme Omar Khan, en égrainant des noms de plats typiques en allemand. « En France, je suis zéro », lâche-t-il, dépité. « On est tous jeunes, on a besoin d’étudier et de travailler », insiste Besmellah Dawlatzai. Tous demandent : « Quand est-ce que la police va venir ? »

Lire l’article (juin 2020) : Après la crise due au coronavirus, l’accès au logement des réfugiés sous tension

Qu’ils soient demandeurs d’asile, « dublinés », déboutés ou réfugiés, ils espèrent une mise à l’abri. D’après nos informations, celle-ci est repoussée, faute de places en nombre suffisant dans le dispositif national d’accueil (DNA), consacré aux demandeurs d’asile.

Sollicitée, la préfecture de Saint-Denis n’a pas donné suite. « Le retard pris depuis des mois pour faire sortir les réfugiés du DNA vers le logement limite le nombre de places offertes aux demandeurs d’asile », justifie Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. L’hébergement d’urgence classique est lui aussi saturé. Et les campements se reconstituent, inexorablement.

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A l’intérieur du campement de fortune de migrants, à proximité du Stade de France, des vêtements sont suspendus pour sécher alors qu’une averse vient de tomber sur le camp. Le 2 novembre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). A l’intérieur du campement de fortune de migrants, à proximité du Stade de France,

des vêtements sont suspendus pour sécher alors qu’une averse vient de tomber sur le camp.

Le 2 novembre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Benjamin Girette pour "Le Monde"

 

 

 

 


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