Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Séverine Kodjo-Grandvaux - 30/11/2020

Noirs et Blancs, la mémoire dans la peau (1). Spécialiste des migrations, le politologue s’attaque aux idées reçues sur l’immigration et pointe les résistances de la France à se voir comme un pays multiculturel.

Avec patience et humour, François Gemenne déconstruit les préjugés sur la question migratoire dans son dernier ouvrage, On a tous un ami noir (éd. Fayard). Chiffres à l’appui, le chercheur sur le climat et les migrations à l’université de Liège montre que non, ce n’est pas « toute la misère du monde » qui vient en Europe, mais plutôt des personnes issues des classes moyennes, davantage diplômées et qui aspirent plus à l’entreprenariat que les Français. Et non, les migrants ne coûtent pas cher au système social français, pas plus qu’il n’y a de « déferlante migratoire ».

Le politologue belge montre, par ailleurs, comment les politiques actuelles de l’accueil révèlent à quel point la France ne parvient pas à se penser pleinement comme une société multiculturelle et peine à intégrer à son identité les personnes non blanches.

Le titre de votre ouvrage, On a tous un ami noir, renvoie à cette phrase utilisée pour se dédouaner de tout racisme et laisse entendre que l’on peut être raciste sans s’en rendre compte

François Gemenne Absolument. Il est très important, pour lutter contre les discriminations, de pouvoir reconnaître la part de racisme qu’il y a en chacun de nous dans la manière dont nous regardons ceux qui sont différents de nous. Moi, qui suis blanc, je dois savoir que je jouis à ce titre d’un certain nombre de privilèges. Je ne me suis pas soucié, par exemple, de faire renouveler ma carte d’identité périmée parce que je sais que je ne me fais pas contrôler par la police. Il est certain que si j’avais eu une autre couleur de peau, j’aurais fait très attention à avoir des papiers en règle.

Vous parlez de « privilège blanc ». Selon vous, ses défenseurs et ses contempteurs ne parlent pas de la même chose.

Oui. Ceux qui nient l’existence d’un privilège blanc, ou les tenants de la gauche universaliste, parlent d’un idéal d’égalité, où la loi ne ferait aucune différence entre les citoyens. Ceux qui reconnaissent l’existence d’un privilège blanc, ou les tenants de la gauche intersectionnelle, parlent eux d’une réalité qui empêche justement cet idéal de se réaliser. Les universalistes disent qu’il n’y a qu’un seul type de citoyen français, pas de Blancs, de Noirs ou d’Arabes. Mais n’importe qui a déjà parlé à un agent immobilier, à un recruteur ou à un videur de boîte de nuit sait parfaitement que, dans la réalité, il en va autrement. En fait, reconnaître cette différence de traitement est nécessaire à la réalisation de l’idéal universaliste.

Vous expliquez que la frontière enferme les étrangers dans une altérité radicale comme si on ne parvenait pas à voir en l’autre quelqu’un qui nous ressemble. Est-ce là un échec de cet universalisme français ?

D’une certaine manière, oui. Car cet universalisme français ne se conçoit qu’à l’intérieur des frontières nationales et considère qu’il n’y a qu’un seul type de citoyen français, qu’il a tendance à opposer aux autres. Paradoxalement, l’universalisme français a perdu sa dimension universelle et cosmopolite. Il ne considère plus tous les humains comme étant égaux. Seuls sont égaux ceux qui sont du bon côté de la frontière, uniquement du fait de cette situation.

Lire aussi « Le privilège blanc, cette ineptie dangereuse »

Est-ce ce qui explique que la confusion entre immigré et étranger soit entretenue en particulier pour les immigrés postcoloniaux ?

Oui, la France a du mal à penser son identité comme celle d’un pays multiculturel, et non plus en fonction d’un modèle de citoyen blanc. Elle doit renouveler ses représentations publiques et son imaginaire collectif pour intégrer ces immigrés à son identité. Les expressions d’« immigrés de deuxième » ou de « troisième génération » sont un non-sens. Etre immigré est un statut individuel et non une identité. On ne le transmet pas à ses enfants. Je suis Belge mais, parce que je suis blanc, on ne me considère jamais comme un étranger en France. Or nombre d’enfants d’immigrés ou de citoyens français en provenance des DOM-TOM sont souvent considérés comme des étrangers en raison de leur couleur de peau ou de leur religion.

Cela tient, dites-vous, au modèle de l’Etat-nation qui ne serait plus adapté

L’Etat-nation est né au XVIIe siècle avec le traité de Westphalie, qui repose sur l’idée selon laquelle aux frontières géographiques du territoire correspondent les frontières démographiques de la population et à ces dernières les frontières politiques de la souveraineté.

Or les migrations font voler cela en éclats, car on a à la fois plusieurs populations mélangées sur un même territoire et une même population dispersée sur plusieurs territoires. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de Français s’expatrient. Très attachée à cette idée d’Etat-nation, la France a longtemps défendu un modèle assimilationniste pour l’intégration. D’où la difficulté à se reconnaître désormais comme une nation multiculturelle, qui n’est plus seulement catholique et blanche.

Lire aussi Racisme : « La couleur demeure un marqueur de privilèges »

Que penser de l’évolution du vocabulaire utilisé pour parler des migrations ? On a d’abord parlé d’émigrés, puis d’immigrés et enfin aujourd’hui de migrants

Les termes liés à la migration sont de plus en plus péjoratifs. Jadis, les migrants étaient vus comme des pionniers, des aventuriers. Aujourd’hui, ils sont plutôt perçus comme une menace. Parler de migrants suppose qu’ils sont toujours en déplacement, comme s’ils ne faisaient que passer et n’avaient pas vocation à s’installer. Du coup, on considère qu’il n’est pas nécessaire de développer des politiques d’accueil adaptées.

Or les politiques d’immigration et d’asile actuelles pour ceux qui viennent de l’autre côté de la Méditerrannée – et donc les institutions qui les gèrent – sont déshumanisantes et fondamentalement racistes en ce qu’elles considèrent ces étrangers comme étant inférieurs. Elles ont intégré l’idée de hiérarchisation raciale. Mais, dans une démocratie, nous sommes tous comptables des actions et des politiques décidées par nos gouvernements, même si nous n’avons pas voté pour eux. Nous devons reconnaître qu’il y a un racisme structurel et institutionnel.

Racisme structurel qui s’exprime aussi au sein de la police française ?

Les actes de racisme ou de violence policière sont traités comme des cas isolés. Mais en analysant les statistiques, on voit bien qu’il y a un nombre important de cas individuels, à tel point qu’on arrive à quelque chose de structurel qui s’installe au sein de la police. Cela ne veut pas dire que tous les policiers sont racistes, mais que la manière dont l’institution traite la question témoigne du racisme institutionnel. Parce que la police est dépositaire de l’autorité publique et parce que vous ne choisissez pas les agents auxquels vous avez à faire, il y a une exigence d’irréprochabilité totale.

Le visionnage de ce contenu peut entraîner un dépôt de cookies de la part de la plate-forme le proposant. Compte-tenu de votre refus du dépôt de cookies nous avons bloqué la lecture. Si vous souhaitez continuer et lire le contenu vous devez nous donner votre accord en cliquant sur ce cadre.

 

Faut-il des statistiques ethniques pour mesurer ce racisme ?

On ne peut lutter efficacement contre des discriminations que si on a un moyen de les objectiver pour les mesurer. Il y a aujourd’hui en France tout un tas de raisons, notamment liées à l’universalisme évoqué précédemment, qui empêchent de réaliser ces statistiques ethniques. Il y a aussi la crainte de l’instrumentalisation de ces statistiques ethniques par l’extrême droite, mais j’ai tendance à penser que c’est une terrible défaite de s’interdire d’avoir des instruments adaptés qui permettraient de mieux connaître les discriminations par crainte de l’usage que pourrait en faire l’extrême droite.

On a tous un ami noir, de François Gemenne, éd. Fayard, 256 p., 17 euros.

Cette série a été réalisée en partenariat avec l’association Res Publica dans le cadre du projet Les Dynamiques.

 

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter