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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Julia Pascual - 26/12/2020

Toutes les semaines, « L’Epoque » paie son coup. A Paris, l’agriculteur militant qui a fait reconnaître le principe de fraternité par son aide aux migrants à la frontière italienne lâche prise un court moment, avant de retrouver la vallée de la Roya et ses combats.

« Ben ouais, la populace, elle fait des apéros ! » Bière en main, Cédric Herrou défend son goût d’une certaine ivresse, d’une forme de « lâcher-prise ». Pour l’agriculteur de la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), devenu célèbre après avoir pris fait et cause pour les migrants qui traversent la frontière franco-italienne en quête d’asile, l’apéritif fait aussi partie de la culture de gauche : « C’est un moment où on discute, on échange, c’est important. »

Dans le livre qu’il a écrit, Change ton monde, paru en octobre aux Liens qui libèrent, les bières s’invitent plusieurs fois au fil du récit. Après les épreuves de garde à vue – il en a connu une dizaine depuis 2016 –, elles l’aident à faire retomber la pression.

Le voilà donc qui se prête au jeu avec nous, sans se faire prier, même s’il a fallu se contorsionner pour respecter le principe de la rubrique en plein confinement. Cédric Herrou est de passage à Paris pour promouvoir son livre, mais bars et restaurants sont fermés. Lui-même loge chez la grand-mère de sa compagne, âgée donc forcément vulnérable. Hors de question de prendre des risques.

« Azuréen de l’année »

Pour éviter l’ambiance froide d’un bureau de maison d’édition, c’est chez l’autrice de ces lignes que la séance s’organise au pied levé. Un cadre inédit, mais qui finalement colle bien au personnage, à son style sans embarras. Il débarque après un plateau télé et avant une choucroute chez grand-mère, dans sa tenue de toujours – jeans, pull camionneur. Le reste suit, comme à la maison, ou presque. La simplicité est un étendard chez celui qui se présente volontiers comme un « bac moins quatre sans une thune ». Cédric Herrou a grandi dans le quartier populaire niçois de l’Ariane, multiplié dès l’âge de 16 ans les petits boulots, comme mécanicien, saisonnier dans l’agriculture ou le nautisme, vécu comme un fêtard, punk mais pas franchement militant, plutôt angoissé par la foule, et parfois même un peu paumé.

C’est presque par accident qu’il se retrouve, en 2016, à, résume-t-il, « gérer l’afflux migratoire dans un département » et à participer à l’histoire « avec un grand H ». La même année, il est élu « Azuréen de l’année » par les lecteurs du quotidien Nice Matin, qui louent son humanité et le surclassent au palmarès face au président de l’OGC Nice ou au participant d’une émission de télé-réalité, au grand dam du député LR des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti. Parce qu’il a eu l’idée d’acheter, à 23 ans, une parcelle abandonnée avec une maison de 30 m2 en ruine, pour y élever des poules et ressusciter des oliviers, près de Breil-sur-Roya, commune limitrophe avec l’Italie, Herrou croise les migrants qui, pour échapper à la surveillance policière, empruntent les passages frontaliers tortueux des montagnes. Et il les aide, presque à contrecœur au début, pour ne pas les laisser au bord de la route, risquer d’être fauchés par un véhicule.

L’histoire familiale de Cédric Herrou lui a inculqué un certain devoir de protection. Sa mère, assistante maternelle, a recueilli chez elle moult enfants de l’aide sociale. Elle a même fini par en adopter deux.

« Je me dis anar, mais, comme tout le monde, j’avais confiance en l’Etat »

Pour retracer son parcours, Cédric Herrou n’a pas aimé l’idée qu’avait son éditeur de lui faire commettre « un essai sur l’immigration et l’asile, un truc très gauchiasse » qui l’aurait érigé en « super-héros ». Il dit ça de sa voix grave et nonchalante, sans animosité mais avec la franchise des grandes gueules. Les super-héros, à son sens, c’est bon à être regardé d’en bas et pour surtout ne rien entreprendre. Pour que le lecteur puisse s’identifier, l’auteur a préféré la tonalité du récit afin de conter la période « la plus prenante de [sa] vie ».

Entre 2016 et 2018, celui qui croyait s’être trouvé un ermitage haut perché pour vivre son idéal solitaire a plongé dans une passion collective, avec ce qu’elle comporte d’addiction, de démesure et de violence. Les allers-retours en camionnette entre l’Italie et la France pour convoyer des centaines de gamins et de familles ; son terrain qui devient un grand camping humanitaire pour des milliers de demandeurs d’asile de passage, au risque que la situation lui échappe ; la prise de conscience, douloureuse, des refoulements en Italie des mineurs isolés et des demandeurs d’asile. « Je me dis anar mais, comme tout le monde, j’avais confiance en l’Etat », explique Herrou. Il se retrouve à plaider le droit face à l’administration.

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Le « bac moins quatre » parvient à tordre le bras au préfet des Alpes-Maritimes, condamné plusieurs fois devant la justice administrative pour atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile, et il fera consacrer par le Conseil constitutionnel le « principe de fraternité » selon lequel ne peuvent être poursuivies les personnes qui réalisent « tout acte d’aide apportée dans un but humanitaire », quand bien même leurs bénéficiaires seraient des étrangers en situation irrégulière. « Parfois, j’ai l’impression que ce que j’ai vécu n’est pas vrai », confie-t-il, depuis le canapé du salon, entre un morceau de comté et un bout de terrine, étonné sans en donner l’air.

La période est en tout cas révolue. Les flux migratoires se sont résorbés. Le préfet des Alpes-Maritimes est désormais celui de Seine-Saint-Denis, et son directeur de cabinet a rejoint celui de Gérald Darmanin à l’intérieur, après un passage à l’Elysée. « Des machines dénuées d’émotion », aux yeux de Cédric Herrou, qui fait remarquer qu’« ils ont tous été promus alors que sur l’asile et les mineurs, ils ont commis des actions illégales ». Lui s’est aussi lancé dans une autre aventure, avec Marion Gachet Dieuzeide, sa compagne, dont il écrit pudiquement à propos de leur rencontre : « Nous sommes tombés amoureux de nos différences. » Elle qui avait fait des études de commerce – interrompues à force d’ennui – et savait gérer des équipes. Lui qui ne respectait jamais aucune règle.

Une action dans la durée

En 2019, confrontés à ceux qui restent plus qu’ils ne transitent par la Roya, menacés par une oisiveté mélancolique, ils se rapprochent d’Emmaüs. Rapidement, ils fondent la première communauté agricole du mouvement, qui a déjà accueilli plus d’une trentaine de compagnons et propose à la vente olives, œufs et produits de maraîchage bio, dans des magasins et sur les marchés de la région.

A l’étroit sur le terrain, la communauté a racheté, entre deux confinements, un ancien moulin à farine et à huile d’olive dans le centre de Breil. Baptisé « Le Bol d’air », le lieu hébergera à terme les compagnons, abritera une microferme, un atelier agricole, un espace de vente… « Ça mêlerait transition écologique, autonomie alimentaire, lutte contre la précarité, développement rural. » Cédric Herrou détaille ses ambitions sans jamais les exalter, désireux d’incarner une « gauche concrète », aux antipodes de la gauche qu’il abhorre, celle des « nantis intellos qui ne parle plus aux prolos ».

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Les inondations qui ont touché la Roya en octobre – mais épargné son terrain – lui ont donné l’idée d’impliquer la communauté auprès des sinistrés. « Aider les autres, ça fait du bien, ça remet de la dignité. »

Il planche déjà sur la suite, imagine comment redynamiser sa vallée, proposer à des compagnons un accompagnement et des microcrédits pour relancer des commerces abandonnés. « A Breil, il y a 2 500 habitants et il n’y a plus de boucherie faute de repreneur. » Cédric Herrou aimerait bien avoir une boucherie près de chez lui. En attendant, à force de parler, depuis près de deux heures qu’on le questionne, il a vidé son verre de bière mais a à peine goûté au saucisson de bœuf angus qu’on lui avait glissé sous le nez. Il repartira avec, à la bonne franquette.

 

 


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