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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 22/01/2021

Jeudi 21 janvier, le navire humanitaire Ocean Viking a porté secours à une embarcation en détresse au large des côtes libyennes, dans les eaux internationales. 119 personnes ont été secourues, dont des femmes, des enfants et deux bébés, principalement originaires d’Afrique subsaharienne.

A bord de l’Ocean Viking.– « All team, all team. Prepare for rescue, prepare for rescue » (« à toutes les équipes, préparez-vous pour le sauvetage »), crient les talkies-walkies des membres de l’Ocean Viking jeudi matin. Les équipes de recherche et de sauvetage s’agitent et enfilent leur équipement aussi vite que possible pour rejoindre le pont de l’Ocean Viking.

Une embarcation est en détresse à environ deux kilomètres de là et a été signalée une heure plus tôt par l’Alarm Phone, une plateforme recevant les alertes des migrants en mer ou de leurs proches lorsqu’ils sont en difficulté. Depuis dimanche soir, le navire de l’association SOS Méditerranée navigue en zone SAR (zone de recherche et de secours), toujours à plus de 30 milles des côtes libyennes (soit environ 55 kilomètres).

Les sauveteurs de l'Ocean Viking à l'approche d'une embarcation en détresse au large des côtes libyennes. © NB Les sauveteurs de l'Ocean Viking à l'approche d'une embarcation en détresse au large des côtes libyennes. © NB
 

Après une météo capricieuse, la nuit de lundi à mardi a été plus calme, offrant une courte ouverture aux éventuels départs de migrants depuis la Libye. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a d’ailleurs annoncé le naufrage d’une embarcation au large des côtes libyennes mardi 19 janvier, pour laquelle les équipes de SOS Méditerranée n’avaient reçu aucune alerte.

Un autre canot pneumatique a été intercepté le lendemain, alors que l’Ocean Viking s’apprêtait à lui porter secours, par les garde-côtes libyens. Les migrants ont été refoulés vers la Libye selon l’ONG Sea-Watch, dont l’avion de reconnaissance Moonbird a assisté à l’interception.

 © Sea-Watch © Sea-Watch
À 9 h 30 ce jeudi, les deux premiers bateaux de secours rapides EZ1 et EZ2 sont en mer, prêts à intervenir. Plusieurs membres des équipes de recherche et de sauvetage restés à bord du navire jettent à l’eau les rafts pouvant être nécessaires à l’opération. Rocco, le conducteur de l’EZ1, manœuvre pour permettre à Jérémie et Hassan d’en récupérer un et de l’amarrer au bateau de secours. En s’approchant de l’embarcation en détresse, des cris se font entendre et résonnent dans l’immensité de la mer. Le canot pneumatique est surchargé, balloté de gauche à droite par une houle de plus d’un mètre. Les jambes de jeunes hommes pendouillent sur les côtés du bateau pour gagner de la place à bord. Ils lèvent les bras pour appeler à l’aide.

« Tout va bien », lance Tanguy du haut de la passerelle de l’EZ1. « Je vous demande de garder votre calme. On va vous donner des gilets de sauvetage, je vais vous montrer comment le mettre. » Le bateau de secours s’éloigne légèrement. Tanguy se bat contre son masque FFP2 qui s’échappe lorsqu’il enfile le gilet de sauvetage.

Hassan, marin-sauveteur qui a lui-même traversé la Méditerranée pour fuir la Libye (lire son portrait ici), prépare les gilets de sauvetage qu’il tend à Tanguy. Le centre du canot pneumatique s’enfonce dans l’eau, submergé par le poids important qu’il supporte. De petites bouées noires flottent à proximité. 119 personnes sont à bord.

« Je vais désigner ceux qui montent à bord de notre bateau, l’un après l’autre. Y a-t-il des femmes et des enfants dans l’embarcation ? » Plusieurs hommes s’emparent d’un enfant d’ores et déjà équipé d’un gilet de sauvetage et le portent par les dessous de bras pour le montrer aux sauveteurs.

Un bébé d’un mois, enveloppé d’une couverture dans un couffin, prend place sur mes genoux. D’un calme olympien, il plonge son regard dans le mien. Ses yeux au noir puissant ne me lâchent plus. Un autre bébé de neuf mois est installé près de moi, dans les bras d’un jeune Subsaharien. Il agrippe de sa petite main un morceau de pain mouillé qu’il tente de porter à sa bouche, sans succès. Des larmes envahissent son visage déjà marqué par l’effroi et le froid.

Un garçon et une fillette âgés d’environ quatre ans montent à bord. « À partir de maintenant, vous vous occupez d’eux comme si c’était vos propres enfants, ordonne Jérémie, le second responsable des équipes de recherche et de sauvetage, à de jeunes Subsahariens assis sur le rebord de l’EZ1. Gardez un œil sur eux. »

«L’Ocean Viking... C’est un grand bateau!»

Une poignée de migrants ne peut s’empêcher d’exprimer sa joie, levant le poing en l’air en guise de victoire. Ils sont rappelés à l’ordre par Hassan, qui leur signifie que l’opération n’est pas terminée : « Vous, vous êtes en sécurité mais il en reste d’autres à secourir. Restez calmes ! »

La plupart sont éreintés : le regard vide, les vêtements trempés, les pieds souvent nus. À mesure qu’ils rejoignent le bateau de secours rapide, les migrants laissent apparaître un état de fragilité extrême. Certains sont en état de choc, d’autres sont terrassés par le froid et claquent des dents. Un jeune homme penche sa tête en avant et entoure son visage de son bras. Son corps tout entier tremble et invite l’équipe de l’EZ1 à débarquer les occupants au plus vite à bord de l’Ocean Viking.

Des migrants secourus par les marins-sauveteurs de SOS Méditerranée, rejoignant l'Ocean Viking. © NB Des migrants secourus par les marins-sauveteurs de SOS Méditerranée, rejoignant l'Ocean Viking. © NB
 

Le bateau de secours EZ2 prend la relève. Son frère aîné approche de la « rescue zone » (zone de secours) permettant de débarquer les migrants à bord du navire. Tous sont aidés des marins-sauveteurs pour gravir l’échelle orange qui leur permettra d’accéder à un espace de sécurité tant espéré. Ils sont tout de suite abordés par l’équipe de prise en charge et l’équipe médicale.

Après plusieurs allers-retours, le EZ1 achève son dernier transfert. « C’est presque fini, on reste calme ! », s’exclame Tanguy, continuant à décharger le canot pneumatique de ses derniers occupants. Sur le chemin vers le navire, Hassan se tourne vers eux pour les rassurer : « La Libye, c’est terminé maintenant. Vous êtes en sécurité avec nous. »

« L’Ocean Viking... », susurre l’une des femmes secourues en apercevant le nom gravé sur la coque rouge du navire norvégien. Son voisin acquiesce et répète les deux mots en boucle. Elle ajoute, les yeux émerveillés : « C’est un grand bateau ! »

Tanguy et son équipe retournent une dernière fois à l’embarcation, désormais vide. Ils inscrivent, à l’aide d’une bombe de peinture, le nom de l’opération de sauvetage et les initiales du navire : une façon d’informer quiconque tomberait sur les restes du canot pneumatique de l’opération de sauvetage. Quatre bidons d’essence gisent au fond de l’embarcation. Des packs d’eau, gilets de sauvetage, vêtements et bouées noires les entourent.

Le canot pneumatique, marqué des initiales de l'Ocean Viking et du nom de l'opération de sauvetage. © NB Le canot pneumatique, marqué des initiales de l'Ocean Viking et du nom de l'opération de sauvetage. © NB
 

Aux alentours de midi, le sauvetage est terminé. À bord de l’Ocean Viking, les quelque 119 personnes secourues [dont 58 mineurs – ndlr] se voient attribuer un bracelet permettant d’identifier adultes, mineurs et enfants. Elles ôtent leurs vêtements à la fois mouillés et imprégnés de l’odeur de l’essence, puis reçoivent un « kit » contenant de quoi se sustenter. Les plus frigorifiés sont enveloppés d’une couverture de survie et réchauffés à l’aide d’une bouillotte.

En début d’après-midi, beaucoup dorment déjà dans les conteneurs aménagés en abris sur le pont. La fillette Aïcha, d’abord effrayée par les combinaisons blanches, les lunettes transparentes et les masques FFP2 portés par les équipes de prise en charge et médicale pour respecter les mesures sanitaires liées au Covid-19, joue et rit à l’extérieur.

« Quand ils l’ont débarquée et qu’elle nous a vus vêtus ainsi, j’ai vu son visage se transformer, raconte Riad, le médiateur culturel. Ce n’est pas évident mais on leur montre que tout va bien et ils s’adaptent. »

Originaires d’Afrique subsaharienne pour la plupart (Guinée, Mali, Côte d’Ivoire, Sénégal), mais aussi du Soudan, les femmes et les hommes secourus ont préféré prendre le risque de mourir en mer plutôt que de rester en Libye. Le simple fait de savoir qu’ils n’y seront pas renvoyés suffit à les apaiser.

Plusieurs d’entre eux témoignent d’une autre embarcation, partie de Zouara en Libye la veille également, qui aurait rebrousser chemin en constatant les mauvaises conditions météorologiques. « Quand ils sont partis, la mer était calme mais le temps a changé par la suite. Ceux qu’on a secourus ont alerté l’Alarm Phone mais aussi les Libyens, tant leur situation était désespérée », poursuit Riad.

Le même jour, un bateau repéré par Moonbird, l’avion de reconnaissance de l’ONG Sea-Watch, est intercepté par les garde-côtes libyens. Un avion de Frontex [l’agence européenne de surveillance des frontières – ndlr] aurait survolé la zone sans pour autant savoir s’il était partie prenante de cette interception et du refoulement des migrants vers la Libye.

« Nous nous demandons pourquoi aucune communication n’a pu être établie avec lui et pourquoi est-ce qu’il se dirigeait vers cette embarcation en détresse », conclut Sea-Watch dans un tweet.

 

 


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