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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 23/01/2021

Après une première opération de sauvetage de migrants réussie, jeudi, le navire humanitaire de SOS Méditerranée a porté secours à trois autres embarcations en détresse le lendemain. Des femmes et de nombreux enfants ont ainsi rejoint le bateau, créant une ambiance toute particulière à bord.

Elles et ils se tiennent debout, s’agrippant aux contours de la porte du conteneur leur servant d’abri, et sourient à tous ceux qui leur passent devant. Vendredi 22 janvier, les enfants ont rejoint en masse l’Ocean Viking, à l’issue d’une longue journée de sauvetages de migrants en détresse en Méditerranée centrale.

Aux aurores, deux embarcations au large des côtes libyennes, dans les eaux internationales, ont d’abord été signalées au navire de l’ONG SOS Méditerranée par l’Alarm Phone, qui reçoit les alertes des migrants ou de leurs proches lorsqu’ils rencontrent des difficultés en mer. Les canots pneumatiques transportaient à eux deux 149 personnes.

« L’EZ1 [nom du premier bateau de secours rapide utilisé pour les sauvetages – ndlr] était plein de 17 enfants. Ils bougeaient partout, pleuraient et vomissaient, c’était assez spécial », témoigne Rocco, le conducteur du bateau de secours rapide. Plusieurs bébés sont également à bord.

« Ce n’est plus un abri, c’est une crèche ! », ironise Ophélie, infirmière au sein de l’équipe médicale de SOS Méditerranée, en constatant le nombre d’enfants dans l’abri réservé aux femmes dans la matinée. Celui-ci est plein à craquer : les occupantes sont installées à même le sol, emmitouflées dans les couvertures qui leur ont été distribuées, et échangent dans un joli brouhaha. Certaines se changent, préférant retirer leurs vêtements imprégnés de l’odeur de l’essence.

Un groupe de femmes secourues par SOS Méditerranée fêtent leur arrivée à bord de l’Ocean Viking. © NB / Mediapart
Un groupe de femmes secourues par SOS Méditerranée fêtent leur arrivée à bord de l’Ocean Viking. © NB / Mediapart
 

« Chaque personne reçoit à son arrivée un kit d’urgence contenant de la nourriture à forte teneur en colories, de l’eau, des barres protéinées, une couverture et des vêtements », explique Karim, responsable de l’équipe de prise en charge. À proximité immédiate de l’abri, les femmes peuvent accéder à des toilettes et douches qui leur sont dédiées, mais aussi à « l’hôpital », où elles peuvent bénéficier de soins.

« Est-ce que je peux avoir un pantalon pour mon fils ? », demande l’une d’elles à l’infirmerie, pointant du doigt son aîné aux jambes nues. Caterina, le médecin, le salue et lui demande son âge, puis s’éclipse pour lui ramener un jogging que sa mère s’empresse de lui enfiler. Sa collègue Christine, responsable de l’équipe médicale, s’occupe d’une jeune femme aux traits tirés et de son bébé âgé de 3 mois.

Toute l’équipe est vêtue d’une combinaison blanche et présente un visage camouflé par des masques FFP2 et des lunettes en plastique pour répondre aux mesures sanitaires liées au Covid-19. Par une attention particulière, des paroles rassurantes et des sourires visibles au coin de l’œil, les membres parviennent à apprivoiser ces personnes souffrant souvent de nombreux traumatismes physiques et psychologiques.

« Mon bébé n’a pas mangé depuis hier soir, soit juste avant notre départ en bateau, à 22 heures. Depuis sa naissance, elle n’a jamais pris le sein », précise Viviane*, tandis que Christine lui prépare un biberon aussi vite que possible. Le lait est trop chaud et l’enfant commence à s’impatienter, mais sa mère parvient à le calmer.

Cette Ivoirienne, passée par le désert tunisien avec son époux et son bébé alors âgé de 2 semaines, a dû faire la traversée seule. « Mon mari est resté en prison en Libye, il n’a pas pu venir avec nous », chuchote-t-elle. Chance, sa fille finit par téter le biberon qui lui est inséré dans la bouche. Elle s’endort et affiche enfin un air apaisé.

À l’extérieur, sur le pont, les femmes accueillent les nouveaux arrivants, des hommes pour la plupart, débarqués par les bateaux de secours rapides à bord de l’Ocean Viking. « Bosa, bosa, bosa ! », chantent-elles, un sourire aux lèvres, tandis que les rescapés exclament leur joie. « Ça veut dire “enfin !, précisent-elles. Ça caractérise la délivrance, le soulagement. »

165 mineurs dont 35 enfants et 21 bébés

Les migrants, originaires d’Afrique subsaharienne, ôtent leur gilet de sauvetage orange qu’ils jettent au sol, formant ainsi une pile gigantesque, puis se dirigent vers l’autre bout du pont, où ils sont accueillis par l’équipe de prise en charge. Un bracelet dont la couleur diffère selon l’âge leur est mis autour du poignet, avant qu’ils ne reçoivent un kit d’urgence et puissent aller s’installer dans leur abri.

Un homme à la jambe entourée d’un plâtre prend place sur un banc devant l’abri pour femmes. Vêtu d’un sweat-shirt et d’un jogging à l’effigie du Paris-Saint-Germain, il observe ses camarades de loin, curieux de voir quel sort va leur être réservé. Christine ouvre la sacoche de secours posée à ses pieds et lui prodigue des soins.

Près de lui, les femmes chantent et dansent, les bras en l’air, entourées des enfants qui se laissent guider par l’euphorie ambiante. Une fois l’opération de sauvetage terminée, deux jeunes garçons saluent les marins-sauveteurs depuis l’Ocean Viking, toujours à bord de leurs bateaux de secours rapides en mer.

Deux enfants saluant les marins-sauveteurs qui les ont secourus une heure plus tôt. © NB / Mediapart
Deux enfants saluant les marins-sauveteurs qui les ont secourus une heure plus tôt. © NB / Mediapart
 

Dans l’après-midi, plusieurs d’entre eux viennent saluer les rescapés. Léo, le conducteur de l’EZ2, joue avec une dizaine d’enfants sur le pont devant le regard amusé de leurs mères. Hassan, marin-sauveteur pour SOS Méditerranée depuis 2017, dessine sur une pancarte accrochée à l’abri pour femmes. « You are safe » (« vous êtes en sécurité »), peut-on y lire. « Welcome, bienvenue, marhaba. » 

Mais, à 17 heures, il est interrompu par le talkie-walkie qui annonce le troisième sauvetage du jour : les membres de SOS Méditerranée ont repéré, grâce à la surveillance en passerelle avec l’aide des jumelles, une embarcation en détresse non loin de là. Hassan laisse tomber pinceau et encre pour courir se changer. Au coucher du soleil et alors que le ciel est en feu, les bateaux de secours rapides plongent une nouvelle fois dans l’eau.

En arrivant à proximité du canot pneumatique surchargé, Tanguy, responsable des équipes de recherche et de sauvetage, fait de grands signes aux migrants qui hurlent de désespoir. Il leur demande de se calmer, mais tous sont trop agités. Cinq hommes se jettent à l’eau avec l’espoir, vain, d’être secourus plus rapidement.

Les sauveteurs leur jettent des bouées, auxquelles ils s’accrochent fermement. Trois d’entre eux parviennent à remonter à bord de l’embarcation, les deux autres restent dans l’eau et sont secourus plus tard par le second bateau de secours rapide.

Un troisième sauvetage de migrants à bord d’une embarcation surchargée est venu clore la journée du 22 janvier. © NB / Mediapart
Un troisième sauvetage de migrants à bord d’une embarcation surchargée est venu clore la journée du 22 janvier. © NB / Mediapart
 

Tanguy et Hassan, à force de patience et d’abnégation, parviennent à gagner la confiance des migrants et obtiennent le calme après une demi-heure d’échanges. L’embarcation est si surchargée qu’ils doivent les transférer, par petits groupes, à bord des rafts de secours. La nuit étant tombée, ils y accrochent des lampes clignotantes qui leur permettront de les localiser par la suite.

« Avec ça, on ne vous perdra jamais, on saura toujours où vous êtes », leur explique Jérémie, le second responsable des équipes de recherche et de sauvetage, dans une voix douce. Le reste des migrants présents sur le canot monte à bord de l’EZ1 et sont rapatriés jusqu’à l’Ocean Viking, dont les lumières brillent dans la nuit noire.

Un dernier sauvetage qui éreinte les équipes et vient remplir davantage les rangs des personnes secourues : 374 migrants sont désormais à bord du navire, parmi lesquels 165 mineurs. On compte 35 enfants (âgés de 5 à 15 ans), 21 bébés (0 à 4 ans) et deux femmes enceintes dont l’une de huit mois. Les abris ne suffisent plus. Un nouveau (petit) conteneur est ouvert aux femmes et enfants. Une partie des hommes devra dormir à l’extérieur, sur le pont.

L’équipe de prise en charge s’active pour leur distribuer des couvertures et des kits d’urgence. Un discours de bienvenue est prononcé en anglais, en français et en arabe : les migrants hurlent de joie lorsqu’est prononcée la phrase : « La Libye, c’est terminé. » Des femmes chantonnent à l’entrée de leur abri et des enfants se brossent les dents avant d’aller dormir. L’Ocean Viking éteint ses lumières pour la nuit.

* Le prénom a été modifié.

 

 

 


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