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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Julien Sartre - 29/01/2021

Mediapart révèle que la préfecture s’est lancée, au prétexte de la pandémie, dans une collaboration avec des sociétés nautiques privées pour surveiller les frontières maritimes de l’île. Du jamais vu. Du « temporaire », promet la sous-préfète.

De l’approche des dauphins à la protection des frontières : c’est à une réunion de réorientation professionnelle inédite que les entreprises du monde nautique ont été conviées par la préfecture de Mayotte, mercredi 20 janvier. Par SMS et par mail, tous les clubs de plongée, tour-opérateurs ou croisiéristes de ce département d’outre-mer ont reçu, de la part de « Madame Gimonet, Sous-Préfète en charge de la Lutte contre l’Immigration Clandestine », une invitation pour « une réunion d’information sur la protection des frontières ». Au menu : un appel à volontaires pour surveiller les eaux françaises face aux embarcations de migrants venus des îles voisines des Comores (surnommées « kwassas-kwassas »).

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D’après nos informations, la soirée a été fructueuse. Au moins deux contrats ont été passés entre les services de l’État, que la circulation du variant sud-africain dans la région inquiète au plus haut point, et des entreprises du secteur touristique. Du jamais vu. Chaque « prestataire », rémunéré à la vacation, se voit attribuer une zone. Puis des points GPS « de détection des échos » (selon le jargon maritime) leur sont indiqués afin qu’ils aillent vérifier quel type d’embarcation approche… Si le point GPS « suspect » est un kwassa-kwassa, en provenance de l’île d’Anjouan bien souvent, l’un des huit intercepteurs de la police aux frontières est dépêché sur place.

La rémunération ? Confidentielle. Interrogée par Mediapart, la préfecture répond simplement, et le plus sérieusement du monde, qu’il n’y a « pas de prime au kwassa » détecté.

« Quand j’ai vu le mail, j’ai décidé immédiatement de ne pas y aller, explique un patron d’un club de plongée mahorais, qui souhaite garder l’anonymat. La police aux frontières, l’armée, la Légion, il y a tout à Mayotte… J’ai fait savoir qu’avec d’autres, on était choqués de la démarche, que ce n’est pas notre métier. »

Cette démarche, les services de l’État l’assument, estimant que le rôle de supplétifs qu’ils font jouer à ces professionnels du nautisme se justifie par le caractère dramatique et exceptionnel de la crise sanitaire. Le recours aux pêcheurs serait également à l’étude, ainsi que la mise en place d’un numéro vert auquel signaler toute embarcation « suspecte ».

Nathalie Gimonet, la sous-préfète, reconnaît que « ces mesures ont un caractère tout à fait inédit ». « Et temporaire, ajoute-t-elle. La découverte du lagon, le tourisme : chacun son métier… » En effet. « Il y a un risque important d’importation du virus par voie régulière et irrégulière. Des mesures sont déployées sur les deux fronts afin que le contrôle sanitaire soit le plus efficace possible : c’est de cela qu’il s’agit, de contrôle sanitaire et pas de lutte contre l’immigration illégale », poursuit la fonctionnaire, « cheffe d’état-major chargée de la lutte contre l’immigration clandestine », selon son titre officiel.

Dans tout l’archipel des Comores, en tout cas, la situation sanitaire ne cesse de se dégrader. « Depuis le début janvier, nous faisons face à une hausse régulière du nombre de cas positifs au Covid-19, s’alarme ainsi Dominique Voynet, ancienne députée écologiste, aujourd’hui directrice de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte. Il n’y a qu’un seul hôpital [sur l’île]. Pour l’instant, nous n’avons pas de saturation des lits de réanimation mais en prévision de ce qui arrive, nous avons déjà fait appel au service de santé des armées. » Comme en mai dernier. Contacté à Paris, le ministère des outre-mer confirme qu’un plan d’action est en préparation avec l’armée.

« Sur 124 prélèvements envoyés à l’Institut Pasteur pour vérification et séquençage, 50 nous sont revenus positifs au variant sud-africain, précise surtout Dominique Voynet. Ils proviennent de villages différents, c’est la preuve que ce virus circule à Mayotte. » Plus contagieux, même si sa dangerosité accrue n’a pas encore été prouvée, le variant sud-africain cristallise les craintes des autorités, expliquant que les passagers en provenance de Mayotte soient contrôlés strictement à leur arrivée en métropole ou à La Réunion.

Comment le variant sud-africain est-il entré sur « l’île aux Parfums », située au large du Mozambique ? Personne ne le sait précisément. Un match de foot entre une équipe de Mohéli (une île de l’archipel des Comores) et une équipe sud-africaine est régulièrement cité. D’autres « routes » sont possibles, rien n’est établi. Mais contrairement à certaines rumeurs alimentées par des sentiments xénophobes, une seule personne a été testée positive au variant à sa descente d’un kwassa. « Certains sujets sont sanitaires, d’autres n’ont rien à voir : les kwassas font partie de la deuxième catégorie », tranche une source dans l’administration française.

Les mosquées pourraient bientôt être contraintes à la fermeture à Mayotte. Ici celle sur la plage de M'Tsangadoua. © JS
Les mosquées pourraient bientôt être contraintes à la fermeture à Mayotte. Ici celle sur la plage de M'Tsangadoua. © JS
 

Pour lutter contre l’épidémie, en tout cas, la France a fermé les frontières de Mayotte ces derniers jours. Dans un seul sens, cependant. « Pour les compagnies aériennes, c’est une suspension totale puisqu’il n’est pas rentable de faire voler des avions vides dans un sens ; pour les compagnies maritimes, cela doit être rentable puisque la liaison Mayotte-Comores est encore accessible aux voyageurs », convient Nathalie Gimonet, la sous-préfète.

Bien sûr, les expulsions de ressortissant comoriens (ou de personnes présentées comme telles par la police aux frontières) se poursuivent, et à un rythme soutenu. Six bateaux chargés de sans-papiers quittent chaque semaine la gare maritime de Pamandzi (sur l’île française de Petite-Terre) pour gagner Anjouan (Comores).

« On reconduit des personnes en pleine pandémie dans des endroits où il n’y a pas d’infrastructures sanitaires, s’indigne Solène Dia, chargée de projet au groupe local de la Cimade. Par ailleurs, ces personnes vont revenir puisqu’elles ont toutes leurs attaches familiales sur le territoire et qu’elles n’auraient jamais dû faire l’objet d’une expulsion. »

De son côté, un juriste connaisseur de la situation au Centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte, où sont enfermés les sans-papiers en vue de leur éloignement, affirme qu’« il y a une multiplication des cas positifs au CRA. Huit aujourd’hui, hier c’était six, et tout le monde n’est pas testé au même moment mais tout le monde est mélangé dans les zones. On est en train de créer un cluster : les gens qui arrivent négatifs au CRA peuvent en ressortir positifs. Aucune mesure autre n’a été mise en place : nous sommes en train de leur distribuer des masques en tissu. Le virus circule comme ça aussi ».

Par ailleurs, le CRA est situé sur la Petite-Terre (où sont concentrés les sièges d’administration et la présence militaire française), dont les deux communes sont déjà strictement confinées. Or, dans les prochains jours, les mesures de lutte contre la propagation du virus devraient compliquer les déplacements entre la Petite et la Grande-Terre, qui se font en barge : comment vont faire les personnes retenues si personne ne peut prendre la barge pour leur apporter une pièce d’identité, un passeport, etc. ?

À Mayotte, les autorités pourraient d’ailleurs rester prudentes vis-à-vis d’un confinement strict. En mars dernier, l’insécurité alimentaire était vite devenue un problème grave en raison de la précarité d’une majorité de la population. Économie de survie et violence forgent déjà le quotidien dans l’archipel des Comores. Et la situation s’est encore tendue récemment après que plusieurs « collectifs citoyens » – c’est ainsi que se dénomment elles-mêmes des milices anti-Comoriens – ont multiplié les appels à la vengeance et à l’incendie, dans la foulée d’une série de faits-divers. Des affrontements entre jeunes et des règlements de comptes entre bandes rivales ont fait trois morts la semaine passée.

Le gouvernement a depuis annoncé l’envoi en renfort de deux pelotons de gendarmerie et d’une dizaine d’enquêteurs militaires. « Au lieu de renforts de police, il nous faudrait des infrastructures, se désole Mahamoud Azihary, porte-parole d’un collectif – modéré – de citoyens mahorais. Rien n’est fait sur le fond et la terreur, en réalité, est entretenue par les autorités françaises. Il y a des crimes atroces qui se déroulent à Mayotte et personne n’en parle au niveau français. Est-ce qu’on est des compatriotes ? On vit en vase clos, on se fait humilier et personne ne s’intéresse à notre sort. »

 

 

 


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