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Source : Le monde - Rémy Ourdan - 29/01/2021

Jeunes militants, villageois, enseignants : malgré d’intenses pressions, de nombreux anonymes bosniaques n’hésitent pas à venir en aide aux migrants qui traversent la route des Balkans.

Anela et Zehida patientent depuis une heure sur un chemin enneigé, quelque part dans la campagne, à l’écart de la route de Bihac. A perte de vue, les collines gelées de Bosnie étincellent sous un soleil d’hiver. Le vent est mordant, par une température de − 10 °C.

Deux migrants traversent un champ, non loin de là, sans prêter attention aux deux femmes et à leurs accompagnateurs. Ce jour-là, elles sont à la tête d’un modeste convoi humanitaire composé d’un fourgon rempli de vêtements chauds et de bouteilles d’eau ainsi que de deux camions transportant du bois de chauffage. Lorsque enfin la permission administrative d’accéder au camp de réfugiés arrive par mail sur le téléphone d’Anela, elles reprennent la route vers Lipa.

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Anela Dedic, de Bihac, et Zehida Bihorac-Odobasic, de Velika Kladusa, sont deux des militantes les plus déterminées se consacrant à l’aide aux migrants dans le canton d’Una-Sana, depuis que le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine est devenu il y a trois ans le principal point de passage de la route migratoire qui traverse les Balkans vers l’Union européenne (UE). En dépit de pressions politiques, de campagnes de diffamation sur les réseaux sociaux et parfois de menaces de mort, elles aident coûte que coûte ces hommes et ces femmes fuyant la guerre et la misère vers une Europe dont ils pensent qu’elle sera la garantie d’une vie meilleure.

« La nationalité, la religion et la couleur de peau ne m’intéressent pas, c’est tout », témoigne Anela. Sa modestie l’incite à répéter souvent « c’est tout » à la fin de ses phrases. « Mes parents aidaient les gens dans le besoin et je suis faite du même bois, c’est tout. Dans ce pays, il y a beaucoup de fascistes qui détestent les migrants. Moi, si quelqu’un a besoin d’aide, je l’aide, c’est tout. »

« Sans organisation, avec quelques amis »

Comme Anela, Zehida secourt les migrants qui transitent par la région depuis trois ans. « J’ai été réfugiée en Allemagne pendant la guerre de Bosnie et, à l’époque, des gens m’ont aidée. Aujourd’hui, je suis rentrée chez moi et c’est mon tour d’aider des réfugiés. » Institutrice, elle consacre tout son temps libre à récolter et à distribuer de l’aide humanitaire, « seule, sans organisation, avec quelques amis ».

Son activisme a valu à Zehida de sérieux ennuis. Un parent d’élève a fait circuler une pétition réclamant son renvoi de l’école, la jugeant « indigne » d’éduquer ses enfants. Seulement 10 familles sur 600 ont signé. Puis c’est sur les réseaux sociaux que les menaces se sont faites plus dramatiques, les agressions verbales étant parfois accompagnées de photos de ses enfants et de sa maison. « J’ai aussi été agressée physiquement, une fois, dans la rue… » raconte-t-elle.

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A Bihac, Orana Arifovic-Balic est une autre figure de l’aide aux migrants. Son salon de coiffure, le Brijacki, est le point de passage obligé des jeunes réfugiés qui tiennent à garder une coupe de cheveux décente. « J’ai tant pleuré lorsque j’ai vu arriver ces migrants, je ne pouvais pas rester sans rien faire », raconte-t-elle. Outre des distributions de nourriture et de vêtements, elle a recruté Hassan, un Pakistanais, qui a coiffé d’autres migrants dans son salon durant trois ans. Amoureux d’une femme de Bihac et actuellement dans l’attente de leur premier enfant, il a passé la main à Esan, lui aussi pakistanais, qui a échoué une quinzaine de fois à traverser la frontière croate et passe l’hiver chez Orana.

Son activisme a valu à Orana deux fermetures administratives du salon de coiffure et des amendes d’un montant total de 1 800 euros. La coiffeuse a contracté un emprunt bancaire pour les payer. Et elle s’attend à pire dans l’avenir. « Avec les années qui passent, je commence à m’énerver sur Facebook contre ces fascistes de la région, alors maintenant je reçois des menaces plus sérieuses. On m’annonce qu’on va brûler ma boutique. »

Les migrants bienvenus

Le Conseil de l’Europe s’est récemment inquiété, par la voix de la commissaire aux droits de l’homme, Dunja Mijatovic, « d’attaques et de menaces à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme venant en aide aux migrants, y compris d’une campagne de dénigrement et de menaces de mort ». La diplomate « encourage vivement les autorités à mener des enquêtes rapides, indépendantes et impartiales, et à déférer les responsables à la justice ». A ce jour, aucune mesure n’a été prise.

Dans un pays qui a lui-même eu deux millions de réfugiés lors de la dernière guerre (1992-1995), l’accueil des migrants est ambivalent. Les forces politiques nationalistes, notamment bosno-serbe et bosno-croate, combattent l’idée d’un quelconque accueil, et les autorités tant régionales que nationales se distinguent plutôt par leur mépris envers ces réfugiés venus de loin. Du point de vue des migrants, l’accueil par les gens ordinaires rencontrés sur la route est, en revanche, selon des dizaines de témoignages, le plus chaleureux qu’ils aient reçu depuis qu’ils ont quitté leur pays.

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Une illustration étonnante de cet accueil est la ville de B., quelque part dans le nord du pays. L’anonymat, réclamé par ses habitants, est exceptionnellement requis tant la situation est singulière. B. est la seule ville de Bosnie où les migrants sont les bienvenus, de manière inconditionnelle. « Nous renvoyons poliment les organisations humanitaires qui viennent à la mairie, et ne parlons jamais aux journalistes », explique en souriant N., un militant de la ville qui fait une exception pour Le Monde à condition que l’anonymat soit respecté.

Il faut dire qu’à B. les migrants ne sont pas traités comme ailleurs. Aucun ne vit dans un squat ou dans les forêts enneigées : « Nous mettons à leur disposition les maisons actuellement vides de nos concitoyens de la diaspora, qui ne viennent qu’en été. » Aucun n’a jamais faim, ni même ne se nourrit de ration humanitaire : « N’importe quel migrant peut se présenter au supermarché ou dans un restaurant, et les habitants présents à ce moment-là payent pour lui. » Aucun n’a de problème d’hygiène : « Si vraiment l’un n’a pas accès à l’eau courante, nous avons mis à leur disposition les vestiaires et les douches du club de football. » Et ainsi de suite.

Une « question d’humanité »

La cerise sur le gâteau, pourrait-on dire, est que les habitants se sont organisés pour que la maison du territoire communal la plus proche de la frontière croate, d’où les migrants sont refoulés quotidiennement dans des conditions violentes, serve de réserve pour les accueillir lorsqu’ils ont tout perdu, leurs biens étant systématiquement volés par les policiers croates. « Cette maison est située à cent mètres de la frontière, raconte N. Lorsqu’ils sont refoulés, ils peuvent ainsi y trouver des vêtements, des chaussures, des vivres, et s’y reposer avant de revenir en ville. »

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N. affirme que les habitants sont tous d’accord avec cette politique d’accueil. « C’est une question d’humanité, c’est tout. Et même d’un point de vue pragmatique, nous considérons qu’un migrant heureux, qui n’a ni faim ni froid, sera moins un problème qu’un type maltraité. »

Les habitants partagent aussi l’idée d’un « accueil en silence », sans attirer l’attention des médias, ne voulant ni problème avec le gouvernement du pays ni que les migrants arrivent en masse. « Ils sont environ 200 cet hiver, dit N. Ils repartiront au printemps, puis d’autres arriveront. » La nuit tombe et, dans cet îlot d’humanité et d’élégance, aucun réfugié n’erre dans la rue.

 

 


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