Parmi toutes les vies dont il faut s’occuper en priorité, il y a celles des étudiants étrangers. On les nomme « étudiants internationaux ». Notre Etat fait tout pour qu’ils se sentent étrangers dans notre pays. Alors que nos universités cherchent à les accueillir le mieux possible, on leur crée des conditions de vie encore plus dramatiques que celles des étudiants nationaux. Alors que le gouvernement affiche un soutien aux étudiants depuis deux semaines à travers une entreprise qui est avant tout de communication, les préfets, sur instruction de Darmanin et Castex, ont durci considérablement l’octroi des titres de séjours.

A l’Université de Strasbourg la Cellule de veille et d’alerte pour les étudiants internationaux n’a quasiment plus aucun contact avec les autorités préfectorales depuis 7 mois. Dans la lettre ouverte que je publie ici, les membres de cette cellule lancent une alerte. Nous recevons plusieurs demandes de soutien chaque semaine. Elles se multiplient et prennent la forme de SOS. Nous répondons comme nous pouvons et nous commençons à mesurer l'ampleur de la détresse des étudiant.es. Faudra-t-il des drames pour que les bonnes décisions soient prises ?  Partout il faut déployer une énergie considérable pour mettre la pression sur les préfectures afin d’arracher deux ou trois cartes de séjour quand ce sont des dizaines qu’il faudrait pour sécuriser des vies et des avenirs professionnels. Par ailleurs, dans un contexte de crise sanitaire qui les affecte en tout premier, l’aide aux étudiants internationaux a été oubliée par le ministère de l'Enseignement supérieur et la majorité des universités. Les actions restent trop marginales.

Des citoyennes et des citoyens ont décidé de ne pas attendre. Des artisans soutiennent des apprentis et des salariés sans titre de séjour. Faudra-t-il que des enseignants fassent une grève de la faim pour soutenir des étudiants que l’Etat veut expulser ? Ou bien faut-il que nous les parrainions pour leur accorder notre aide et notre protection ? Un ami lance cette idée que je trouve très belle et qui devrait devenir contagieuse comme la solidarité et la générosité. Voici le courriel qu’il a envoyé, qui vaut pour tous les étudiants, qu'ils soient étrangers ou non, et que je relaie ici :

Dans le contexte d'isolement et de dévastation socio-psychologique qui frappe tant d'étudiants précarisés, serait-il envisageable de mettre sur pied des "parrainages" qui se traduiraient par la mise en lien d'un étudiant avec une famille locale ?

Nous pourrions envisager des cérémonies officielles qui marqueraient "l'alliance" symbolique et la mutualisation de la lutte, côte à côte ? 

Le cheminement pourrait se réaliser selon une forme d'économie de réciprocité...

A développer...

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Lettre ouverte

à Madame La Préfète

du Bas-Rhin et de la Région Grand Est

                                                       Strasbourg, le 28 janvier 2021

Madame La Préfète,

La cellule de veille et d’alerte pour les étudiants internationaux en difficulté tient à vous alerter sur les situations dramatiques que vivent certains d’entre eux du fait de leur situation problématique au regard du droit. Notre cellule essaie depuis 10 ans de porter à votre connaissance des cas d’étudiants sans titre de séjour qui méritent d’être régularisés. Vos services nous reçoivent régulièrement et nous parvenons à vous convaincre d’intervenir favorablement pour nombre d’entre eux. Une confiance mutuelle s'était établie parce que nous défendons des situations qui méritent de l’être.

Or ce dialogue a été interrompu depuis bientôt sept mois. Et les conséquences sur les étudiants qui auraient pu être régularisés sont dramatiques. En effet, ceux qui sont sous OQTF ou déboutés du droit d’asile ou en attente d’un titre de séjour n’ont pas l’autorisation de travailler et se voient refuser toute aide sociale. Leur situation se dégrade ainsi de semaine en semaine. Beaucoup ne mangent plus à leur faim, certains deviennent SDF.

Sans reprendre tous les courriels que nous avons envoyés à vos services depuis le mois de juin 2020, nous déplorons que toutes nos tentatives de voir avancer les dossiers que nous vous avons transmis sont restées lettre morte. Nous avons depuis organisé plusieurs rassemblements pour protester contre ce silence que nous ne comprenons pas. À l'occasion d’une manifestation intersyndicale contre la Loi de programmation pour la recherche, deux représentants de notre cellule avaient été reçus parmi divers délégués syndicaux par votre chef de cabinet et son adjoint, qui nous ont assurés que nous allions être reçus rapidement pour reprendre les dossiers en souffrance et ceux qui se sont accumulés depuis. Cette rencontre a eu lieu le 10 décembre. Depuis, plus aucune nouvelle.

Depuis, plusieurs autres cas nous sont parvenus, le plus souvent liés à l’absence de réponse de la Préfecture suite à une demande de renouvellement d’un titre de séjour. Les conséquences peuvent être dramatiques : perte d’emploi et de revenus, conditions pourtant nécessaires à l’obtention d’un titre.

Devons-nous attendre un drame pour vous voir réagir ?

Nous restons à votre disposition, Madame La Préfète, pour vous rencontrer.

La Cellule de veille et d’alerte pour les étudiants internationaux