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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 06/02/2021

Après une première mission de sauvetage en Méditerranée centrale du 11 au 25 janvier, l’Ocean Viking a repris la mer mardi 2 février. Quatre sauvetages, dont un assez critique, ont été opérés en 48 heures. 424 personnes ont ainsi été secourues et une femme enceinte, qui pouvait « mourir à tout instant », a dû être évacuée en urgence par hélicoptère ce samedi.

bord de l’Ocean Viking.- 6 h 45, jeudi 4 février. Le bateau de secours rapide EZ1 s’élance tandis que Tanguy, responsable des équipes de recherche et sauvetage, guide le conducteur depuis la passerelle. Sa main indique un point noir à l’horizon vers lequel le Zodiac se dirige à vitesse moyenne.

Tout à coup, l’un des moteurs s’étouffe. Rocco, le conducteur de l’EZ1, s’échine à le faire redémarrer, en vain. « On va devoir faire sans », soupire le chef d’équipe en lui ordonnant de poursuivre avec le seul moteur désormais en marche. L’embarcation en détresse, située dans les eaux internationales au large de Khoms en Libye, prend forme à mesure que les marins-sauveteurs s’approchent.

« Je vous demande de rester calmes et silencieux ! », lance Tanguy aux occupants. Hassan, marin-sauveteur de nationalité égyptienne, lui emboîte le pas en arabe. Le canot pneumatique noir est surchargé. Des hommes sont assis l’un derrière l’autre de chaque côté de l’embarcation, laissant leurs pieds flotter dans l’eau. Une poignée d’entre eux revêt un fin gilet de sauvetage, un autre tient fermement une petite bouée.

Des migrants secourus par les marins-sauveteurs de l'Ocean Viking le 5 février 2021. © NB
Des migrants secourus par les marins-sauveteurs de l'Ocean Viking le 5 février 2021. © NB
 

Les migrants écoutent attentivement le discours des sauveteurs, qui leur montrent comment enfiler un gilet de sauvetage et disposent un raft entre leur embarcation et l'EZ1. Mais un homme tombe à l’eau, entraînant une dizaine de ses voisins avec lui. C’est le chaos. Tanguy et ses équipiers s’activent pour leur jeter des bouées et gilets de sauvetage. Rocco multiplie les essais dans l’espoir de faire redémarrer le second moteur. L’un des migrants se noie et l’eau qui s’infiltre dans sa bouche rend inaudibles ses appels à l’aide.

« Lui ! », hurle Tanguy à Rocco en le pointant du doigt. Le bateau de secours fonce vers l’homme, Jérémie et Hassan le remontent à bord. Trois autres suivent. Le reste parvient à rejoindre le raft et à y prendre place sans l’aide des sauveteurs. Entre-temps, l'EZ3, réservé aux situations d’urgence, est jeté à l’eau. Assis près de moi, le Soudanais ayant échappé à la noyade est livide. Il tousse et tremble de tout son corps, les traits tirés, le regard vide.

Une fois la situation sous contrôle, les sauveteurs transfèrent une partie des migrants de leur embarcation aux rafts afin de la décharger. L’EZ1 débute ses navettes jusqu’à l’Ocean Viking, en alternance avec l’EZ2. Sur les bateaux de secours, les visages sont apaisés. Le sauvetage prend fin vers 8 heures. Tanguy et Hassan marquent l’embarcation noire à la bombe avant de la taillader au couteau.

À bord de l’Ocean Viking, les femmes secourues sont éreintées. Toutes prennent place dans l’abri qui leur est réservé, à proximité de la clinique, et s’endorment rapidement. À l’extérieur sur le pont, un groupe de jeunes hommes observent l’horizon, d’autres chantent. Vers midi, le talkie-walkie des équipes grésille.

« Ready for rescue, ready for rescue » (« prêt pour le sauvetage, prêt pour le sauvetage »), annonce le chef des équipes de recherche et de sauvetage de sa voix rauque. Les sauveteurs se rhabillent et emplissent de gros sacs de gilets de sauvetage.

Les bateaux de secours sont de nouveau jetés à l’eau. Ils sont escortés par l’avion de reconnaissance de l’association Pilotes volontaires, le Colibri 2. L’embarcation semble moins surchargée que la précédente, mais deux bébés et plusieurs enfants sont à bord.

Deux jeunes hommes soulagés d'avoir été secourus par l'Ocean Viking. © NB
Deux jeunes hommes soulagés d'avoir été secourus par l'Ocean Viking. © NB
 

On me confie le plus jeune bébé, qui ne cesse de rire et s’agrippe à tout ce qu’il trouve sur son passage. Le second prend place à mes pieds et s’accroche fermement à mes genoux. Un garçon demande avec insistance : « Ma maman vient quand ? Pourquoi les femmes ne viennent pas ? » Ils sont débarqués les premiers. En milieu d’après-midi, 237 personnes sont à bord de l’Ocean Viking.

La sage-femme entre dans la clinique pour en ressortir avec plusieurs tam-tams à la main. Les migrants laissent éclater leur joie. Leurs voix résonnent au rythme des percussions, les femmes et les enfants s’emparent du pont et se laissent aller à danser, jusqu’à la tombée de la nuit.

Le lendemain à l’aube, une embarcation en détresse est repérée depuis le pont. 71 hommes dont 11 mineurs, à majorité soudanaise, sont à bord de ce canot pneumatique. Charlie, le responsable de l’EZ2, obtient aisément le calme et leur attention avant que l’EZ1 ne prenne le relais et ne distribue les gilets de sauvetage.

L’opération à peine achevée, une autre débute. Les bateaux de secours restent à l’eau et avancent de façon parallèle aux côtés du « bateau-mère », en direction d’une seconde embarcation surchargée. Une fois le premier contact établi, Tanguy saisit le bébé présent à bord par le bras et me le confie. Il pleure de toutes ses forces.

« On avait peur que les garde-côtes libyens nous interceptent »

Hadjara et Myriam, deux fillettes terrassées par le mal de mer, s’assoient à mes côtés. La première a encore du sable dans ses cheveux tressés. Toutes deux se retournent régulièrement pour vomir tandis que je leur caresse le dos. Des hommes tentent de prendre place dans les rafts alors que ce n’est pas leur tour. Tanguy doit hausser le ton à plusieurs reprises. 116 personnes dont deux femmes enceintes sont secourues, ramenant le nombre de migrants présents à bord du navire humanitaire à 424. Un record.

« On est partis de Khoms (nord-ouest de la Libye) vendredi soir à 1 heure du matin, confie Akhere, 25 ans, assis près de ses amis nigérians sur le pont de l’Ocean Viking. C’était très stressant. On était tous compressés, on avait très peu d’espace, alors on se battait entre nous. C’était encore plus dur pour les femmes et enfants qui avaient le mal de mer. »

En apercevant l’Ocean Viking au loin, le jeune homme croit d’abord qu’il s’agit des garde-côtes libyens. « On avait peur qu’ils nous interceptent mais on savait qu’ils travaillaient moins le vendredi, car c’est jour de prière. Quand on a compris que c’était un navire humanitaire, on était tous soulagés. »

Akhere et Genesis, deux Nigérians, s'apprêtent à dormir sur le pont de l'Ocean Viking. © NB
Akhere et Genesis, deux Nigérians, s'apprêtent à dormir sur le pont de l'Ocean Viking. © NB
 

Dans la soirée, l’Ocean Viking met le cap vers le nord. Les abris ne suffisent pas à accueillir tout le monde : de nombreux migrants dorment dehors. Par terre sur le pont, les uns derrière les autres, emmitouflés dans une couverture doublée d’un sac plastique orangé.

À 22 heures, les retardataires se dégotent une place dans le peu d’espace libre restant sur le pont, sous l’œil bienveillant de Riad, médiateur culturel, et Anna, seule femme marin-sauveteur des équipes de recherche et de sauvetage, de garde jusqu’à minuit.

Au milieu de la nuit, Luisa, la responsable des opérations de recherche et de sauvetage, adresse une demande d’évacuation médicale en urgence pour l’une des femmes enceintes recueillies par le navire humanitaire vendredi. Sa situation est critique. « Elle peut mourir à tout instant, souffle Christine, responsable de l’équipe médicale. Elle doit rester allongée en permanence. »

Au petit matin, les membres des équipes de sauvetage et de prise en charge lancent la distribution du petit-déjeuner. Un thé chaud, des biscuits, une barre céréales et des cacahuètes sont tendus aux migrants qui attendent leur tour en file indienne. À 9 h 30, alors qu’un maximum de personnes a regagné les abris et libéré la voie entre la clinique et les escaliers menant au pont supérieur, un hélicoptère des forces armées maltaises approche de l’Ocean Viking.

En passerelle, Luisa prévient ses équipes à l’aide du talkie-walkie. La jeune femme qui doit être évacuée, originaire d’Afrique subsaharienne, est déjà installée dans une civière, entourée des équipes de SOS Méditerranée. Les hélices de l’hélicoptère remuent la mer à mesure que celui-ci perd en altitude. Suspendus à une corde, deux secouristes rejoignent le pont supérieur du navire.

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 Une femme enceinte secourue par l'Ocean Viking et évacuée en urgence par hélicoptère. © NB
 

L’époux de la jeune femme est autorisé à l’accompagner. Il s’installe dans une sorte de cage qui remonte, tirée par une corde, jusqu’à l’engin planant dans les airs. De son côté, elle est installée dans un autre brancard puis sanglée. Après 15 minutes de préparation, elle s’envole, à l’horizontale dans les bras de l’un des secouristes, jusqu’à l’hélicoptère.

« Nous sommes soulagés que l'évacuation se soit faite dans les temps. Cependant, nous sommes toujours préoccupés par l'état de santé de plusieurs rescapés, dont un cas dramatique en particulier que nous gardons sous observation. Il s'agit d'un jeune Soudanais qui a été frappé à la tête une semaine plus tôt en Libye. Il est dans une situation extrêmement difficile. Pour lui et pour tous les autres, nous avons besoin d'un port sûr où débarquer au plus vite », conclut Christine.

Dans la nuit de vendredi à samedi, Luisa a également formulé une première demande de « port sûr » aux autorités italiennes et maltaises afin de débarquer les passagers présents à bord du navire. Lors de la dernière rotation, l’Ocean Viking avait pu débarquer au port d’Augusta, en Sicile, après plusieurs requêtes (lire notre article ici).

En 24 heures cette semaine, plus de 1 000 migrants ont quitté la Libye à bord d’embarcations de fortune pour tenter de rejoindre l’Europe, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). 800 ont été interceptés par les garde-côtes libyens et refoulés en Libye.

L’Open Arms, navire humanitaire espagnol, devrait arriver sur zone SAR (de recherche et de secours) ce samedi en fin de journée. Le voilier l’Astral, de la même ONG [Proactiva Open Arms – ndlr], a quitté l’Espagne en début de semaine et a déjà opéré un sauvetage dans la zone SAR maltaise hier. Les quelque 45 migrants à bord de l’embarcation étaient en mer depuis trois jours.

 

 


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