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Source : Le monde - Noé Hochet-Bodin - 08/02/2021

Selon le HCR, près d’un quart des réfugiés hébergés dans des camps ont fui le Tigré craignant d’être renvoyé vers l’Erythrée qui a aidé Addis-Abeba dans la région rebelle.

Attablé dans un restaurant discret d’Addis-Abeba, Habtemariam (le nom est modifié) évite soigneusement les regards. Sa voix est faible et il baisse la tête en détaillant les violences auxquelles il a assisté au Tigré. Ce réfugié érythréen a récemment fui les combats dans la province, théâtre d’un conflit depuis plus de trois mois entre le gouvernement éthiopien et les autorités régionales dissidentes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT). Il se cache désormais dans la capitale éthiopienne et se dit « piégé et à la merci de tous ; des gouvernements éthiopien, érythréen et tigréen ».

Arrivé à Addis-Abeba fin décembre 2020, il se comporte depuis en fugitif. « Je cache mon identité, je ne sors que rarement de la maison et j’évite de parler ma langue natale, le tigrinya, pour ne pas me faire remarquer », raconte-t-il. Habtemariam cherche par tous les moyens à échapper à la police éthiopienne ainsi qu’à l’agence éthiopienne chargée des réfugiés (ARRA), qu’il suspecte de « vouloir [le] renvoyer de force dans le Tigré ou en Erythrée ». Le 11 décembre, plus de 400 réfugiés avaient été appréhendés à Addis-Abeba et reconduits au Tigré.

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Pourtant, il dispose de tous les documents réglementaires. Son attestation d’asile politique, délivrée en 2018 après l’accord de paix historique entre l’Ethiopie et son voisin érythréen, tamponnée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les autorités éthiopiennes, indique qu’Habtemariam réside habituellement à Hitsats. Problème : ce camp de réfugiés, l’un des quatre accueillant des Erythréens au Tigré, est aujourd’hui inaccessible, vide et très probablement détruit.

Les organisations humanitaires tirent la sonnette d’alarme

Avant que le conflit éclate, le 4 novembre 2020, quelque 96 000 réfugiés érythréens résidaient officiellement dans la province septentrionale. La plupart s’y étaient exilés pour des raisons politiques, fuyant le régime dictatorial d’Asmara ainsi que son service militaire obligatoire et à durée indéterminée.

« Nous estimons aujourd’hui qu’environ 15 000 à 20 000 d’entre eux se sont dispersées dans les zones [du Tigré] auxquelles nous n’avons pas accès », déclarait le haut-commissaire aux réfugiés de l’ONU, Filippo Grandi, lors de sa visite en Ethiopie le 1er février. En somme, un quart des réfugiés au Tigré ont disparu.

Sans télécommunications ni accès aux deux camps les plus au Nord, Hitsats et Shimelba, il est difficile de connaître avec précision leur sort et ce qui les a poussés à fuir. Le directeur de l’ARRA, Tesfahun Gobezay, admet qu’aucune mission d’évaluation n’a pour l’instant été conduite dans ces lieux mais que « les réfugiés ont fui dans les villes avoisinantes comme Shire, Humera, ainsi qu’à Gondar et Addis-Abeba ». L’ARRA tente de les localiser pour les transférer dans les deux autres camps plus au Sud, Mai-Aini et Adi Harush, « pour leur sécurité ».

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Loin du calme olympien affiché par les autorités éthiopiennes, les organisations humanitaires tirent la sonnette d’alarme depuis des mois. Le 14 janvier, Filippo Grandi assurait « recevoir de nombreuses informations fiables et des témoignages directs sur l’insécurité persistante ainsi que des allégations de violations graves des droits humains, notamment des meurtres, des enlèvements ciblés et le retour forcé de réfugiés en Erythrée ». Des propos réitérés lors de sa visite le 1er février.

Le patron du HCR a quasiment acté la disparition de ces deux camps, dont les infrastructures seraient « très endommagées, voire complètement détruites ». De fait, les nombreuses images satellite montrent la destruction systématique de maisons, cliniques et centres logistique dans la zone.

« Je n’ai jamais vu autant de cruauté »

Avant même le conflit, le gouvernement éthiopien ne cachait pas son intention de fermer Hitsats et Shimelba, qu’il considérait comme « inhospitaliers ». Côté érythréen, le ministre de l’information, Yemane Meskel, fustigeait début décembre le travail du HCR au Tigré, accusant l’organisation « d’avoir abusé de son mandat institutionnel pour devenir le principal acteur d’une politique malveillante de dépeuplement de l’Erythrée ». Des déclarations proches du casus belli.

« Je n’ai jamais vu autant de cruauté que lorsque l’armée érythréenne est arrivée à Hitsats », raconte Habtemariam. L’implication au Tigré de forces venues d’Asmara est attestée par de nombreux témoignages, malgré le flou entretenu par Addis-Abeba. Habtemariam situe l’irruption des soldats érythréens dans le camp autour du 17 et 18 novembre : « C’était le chaos. Tout le monde criait, les soldats battaient les réfugiés, leur disaient qu’ils étaient des traîtres. Ils ont tué 300 personnes le lendemain matin. » Une information que Le Monde n’a pu vérifier, faute de pouvoir se rendre au Tigré. Les autorités éthiopiennes continuent d’en interdire l’accès aux humanitaires et aux journalistes malgré les demandes insistantes des chancelleries occidentales.

Le témoignage d’Habtemariam apporte des détails sur les opérations militaires autour et à l’intérieur d’Hitsats. Pendant les deux premières semaines de combats en novembre, les réfugiés se trouvaient pris entre deux feux. « D’un côté, les Erythréens bombardaient le camp et détruisaient toutes les infrastructures. De l’autre, les milices tigréennes du FLPT tentaient de nous recruter en nous proposant des armes, et parfois ils exécutaient les réfractaires, décrit-il. Chacun voulait tirer avantage de notre vulnérabilité. »

Départ du pays dans la clandestinité

Habtemariam raconte s’être échappé « immédiatement après l’arrivée des Erythréens ». Il a vécu un mois « dans le bush », avant d’atteindre Shire, Mekelle, puis Addis-Abeba, où il se cache depuis. En partant, il assure que « l’armée érythréenne forçait des dizaines de réfugiés à monter sur des camions pour les amener vers une destination inconnue ».

La militante érythréenne des droits de l’homme Meron Estefanos dit avoir comptabilisé « dix-huit retours forcés vers l’Erythrée » qu’elle a pu vérifier mais estime qu’ils seraient « probablement de l’ordre de plusieurs centaines ». Tesfahun Gobezay reconnaît également avoir entendu parler de retours forcés, tout en précisant qu’il s’agit de rumeurs et qu’un « autre témoin parlait, au contraire, de retours volontaires ».

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Pour les centaines de réfugiés qui se cachent à Addis-Abeba, il n’est pas question d’aller se déclarer aux autorités. « Ils nous mettront dans un bus en nous disant que nous retournons au Tigré pour finalement nous déposer de l’autre côté de la frontière, en Erythrée », s’inquiète Habtemariam. Une crainte alimentée par l’implication au Tigré des forces érythréennes. Le renvoi des réfugiés pourrait-il constituer la monnaie d’échange de cet appui fourni aux troupes éthiopiennes ? Etre ramené dans un camp tigréen ne rassure pas davantage ces Erythréens qui redoutent de se retrouver à la merci des soldats d’Asmara, toujours nombreux dans la province septentrionale.

Depuis sa planque d’Addis-Abeba, Habtemariam voit comme seule issue un départ du pays dans la clandestinité. D’après la militante Meron Estefanos, plusieurs réfugiés pourraient tenter de rejoindre le Soudan et le Kenya pour y chercher sécurité et respect du droit d’asile.

 

 


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