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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Juliette Bénézit - 28/02/2021

Plusieurs centaines de personnes n’ont pas été relogées. La justice vient d’ordonner l’expulsion des occupants d’un squat où certains se sont reportés depuis plus d’un an.

Lorsqu’il est arrivé en France, il y a vingt ans, Kandé Touré s’est naturellement rendu au foyer Bara de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Sur place, dans ce lieu où logeaient des travailleurs immigrés, son père était en train d’achever sa vie d’agent de nettoyage et allait retourner au Mali. Kandé Touré, venu avec un visa, était alors un jeune homme de 17 ans qui découvrait la France et comptait y travailler, dans le sillage paternel.

Quand il parle de Bara, ce cuisinier et polyvalent dans l’hôtellerie sourit : « On avait une vie magnifique, raconte-t-il. On pouvait tout faire sur place, tout était moins cher et la famille était à côté. » Depuis sa création en 1968, le lieu était devenu bien plus qu’un établissement social où il était possible de louer un lit à moindres frais dans un dortoir bondé. Bara, l’un des plus vieux foyers de la ville, était le symbole de ces générations de travailleurs maliens qui s’y sont succédé pendant un demi-siècle.

Aujourd’hui, Kandé Touré a 38 ans et vit toujours à Montreuil, cette ville où il n’est « pas né mais presque ». Mais le regard qu’il porte sur sa situation est désabusé. « On souffre », dit-il. Depuis fin 2019, M. Touré squatte un hangar insalubre de 700 m² avec plus de 200 personnes, principalement maliennes. Comme lui, la plupart sont en situation irrégulière. Vendredi, le tribunal de proximité de Montreuil a ordonné leur expulsion du 138, rue de Stalingrad. Le délai de neuf mois qui leur a été accordé pour quitter les lieux les a soulagés. Dans ce hangar, « c’est pas une vie, mais c’est ça ou la rue », dit Diakité D., l’un des occupants (certains d’entre eux souhaitent rester anonymes).

Insalubrité croissante

A l’intérieur du bâtiment, la réalité est crue. Dans le hall principal, des dizaines de lits superposés sont collés les uns aux autres. Ici, on cuisine sur des plaques électriques posées à même le sol. Avant de se doucher, on fait chauffer de l’eau dans une bouilloire. Un seul lavabo est utilisable. Le hall principal n’est pas chauffé. La nuit, on se barricade sous des couvertures pour faire face au froid et aux rats qui grimpent sur les corps endormis. « On a dû accepter cette situation parce qu’on n’a pas d’autres choix », résume Abdulkarim C., un autre occupant des lieux.

Il y a deux ans, Bara a fermé. Au fil du temps, le lieu était devenu un emblème plus triste : celui de l’insalubrité croissante des foyers de travailleurs migrants, des structures vieillissantes créées à partir des années 1950, au moment où la France faisait venir du Maghreb puis d’Afrique subsaharienne des hommes isolés afin de pourvoir la demande de main-d’œuvre. Depuis plusieurs années, le foyer Bara tombait en ruine. En septembre 2018, le maire de Montreuil, Patrice Bessac (PCF), a pris un arrêté « d’extrême urgence pour risques graves de sécurité ». Un mois plus tard, l’intégralité des résidents quittait les lieux. La question de leur relogement s’est posée de façon pressante.

Dans le cadre du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants mis en œuvre par les autorités depuis 1997, le foyer devait être intégralement démoli puis reconstruit. Face à des structures en mauvais état, à une population de plus en plus âgée et à des taux d’occupation parfois largement dépassés, le plan actait la transformation de 687 foyers en résidences sociales. La différence : « Respecter les normes relatives à l’immobilier, avec des chambres individuelles, et avoir des lieux adaptés aux personnes vieillissantes. Dans certaines résidences, une mixité du public est introduite », explique Sandra Daunis, déléguée générale de la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées.

 Montreuil41

Les nouvelles résidences se veulent être des bâtiments plus petits et moins peuplés. Leur calibrage ne correspond pas toujours à la réalité du nombre de personnes présentes au sein des foyers. « Bara en est l’exemple type », estime un proche du dossier montreuillois.

Le foyer, qui pouvait officiellement loger 410 résidents, en accueillait en réalité plus d’un millier, aux situations administratives diverses. Sur place, tous ne possédaient pas de contrat de résidence. Tous ne possédaient pas non plus de titre de séjour. Certains n’avaient ni l’un ni l’autre. Sur l’ensemble des résidents, après divers recensements, seules 252 personnes ont bénéficié d’un relogement dans l’une des nouvelles constructions, soit celles qui avaient un bail avec le gestionnaire, Coallia, et quelques personnes dites « surnuméraires » qui remplissaient un certain nombre de critères.

Enjeu de la régularisation

Les personnes en situation irrégulière, elles, ne sont pas prises en compte par le plan de traitement. Elles en sont « l’angle mort » et « sortent du champ » au moment de la transformation des foyers, rapporte Sandra Daunis.

Au 138, rue de Stalingrad, après un hiver rude, règne un sentiment d’abandon. Malgré les dissensions internes, une dizaine d’occupants se sont rassemblés, samedi 20 février, pour acter la création d’une association : Les Baras du 138 Montreuil. Les discussions portaient au départ sur la stratégie politique. Mais les réalités du quotidien ont refait surface. Le ravitaillement dépend des associations et riverains qui passent régulièrement distribuer des plats chauds. Avec le Covid-19, un certain nombre d’entre eux ont perdu leur emploi et n’ont plus aucune ressource.

La ville de Montreuil, qui a fourni des lits au moment de l’installation ainsi qu’une « aide matérielle, sanitaire, technique et alimentaire », affirme Halima Menhoudj, adjointe au maire chargée des populations migrantes, renvoie la balle vers la préfecture sur la question de l’hébergement. « Il faut que l’Etat ouvre un site et déploie des moyens pour les accompagner », dit l’élue. Sollicitée, la préfecture de Seine-Saint-Denis n’a pas donné suite.

Au 138, rue de Stalingrad, plus que jamais, l’enjeu est celui de la régularisation. « Une fois qu’on a un titre de séjour, on peut prétendre à un logement, à des prestations sociales. C’est la porte de sortie de tout ce calvaire pour beaucoup d’entre eux », note leur avocate, Me Célia Nourredine, par ailleurs membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés.

Pour Djissouma D., 48 ans, le seul objectif, c’est « d’avoir des papiers ». Ce grand sportif, 5e dan de taekwondo, également membre d’un club de karaté, nous montre un épais classeur bleu marine dans lequel il a rangé toutes les demandes de titre de séjour et de naturalisation effectuées jusqu’à ce jour, en vain. Après vingt ans passés en France, dont quinze comme employé d’une bijouterie, il est « bloqué ». Si Djissouma D. pouvait prouver son ancienneté sur le territoire avec un objet, il lui faudrait montrer cette vieille carte orange qui trône dans son portefeuille.

Un lit simple, quatre chaises et une immense télé

Du côté des anciens de Bara, on observe la situation de la rue Stalingrad, indignés. Simakan Diabi, 57 ans, les cheveux légèrement grisonnants, a été relogé, depuis octobre 2020, dans une des nouvelles résidences sociales après trente-quatre ans passés au foyer. En soutien, il a accepté d’être le président de l’association des Baras du 138. M. Diabi nous reçoit dans sa petite chambre de quelques mètres carrés où trônent un lit simple, quatre chaises, une table et une immense télé qu’il s’est offerte avant d’emménager.

« Ici, c’est propre et calme. Mais ça ne fonctionne plus comme avant », souligne néanmoins M. Diabi. La nouvelle configuration des résidences ne permet pas ce que les foyers de travailleurs migrants rendaient possible autrefois : loger les jeunes ou ceux qui n’avaient pas d’autres endroits où aller. « Nous, on avait au moins un lieu pour dormir. Ensuite, les choses se faisaient tout doucement. C’est plus dur maintenant », rapporte le cousin de M. Diabi, Abdoulaye Fissourrou, un retraité du bâtiment de 66 ans, ancien résident de Bara, qui loge quelques étages plus bas.

« Dans les résidences sociales, le contrôle des espaces est beaucoup plus fort. Il n’y a par exemple qu’une seule clé par logement, des meubles fixés au sol. L’objectif est d’avoir une meilleure maîtrise des populations résidentes et du nombre de personnes présentes », rapporte Laura Guérin, doctorante en sociologie à l’université Paris-VIII.

A ce jour, depuis 1997, 80 % des foyers ont été transformés ou sont en cours de transformation, d’après le dernier rapport d’activité de la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées. « Il reste à réaliser les cas les plus compliqués », pointe néanmoins Sandra Daunis. A Montreuil, d’autres foyers de la ville, dont la configuration est semblable à celle de l’ancien foyer Bara, doivent encore être traités, faisant craindre des conséquences similaires.

 

 

 


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