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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Marina Rafenberg - 26/02/2021

La Grèce bâtit un nouveau camp afin de faciliter depuis l’île de la mer Egée les expulsions vers la Turquie des candidats privés d’asile.

Sur les hauteurs de Vathy, capitale de l’île grecque de Samos, qui compte quelque 9 000 habitants, une nouvelle ville est née il y a six ans : un camp de migrants. D’abord prévu pour 650 personnes, il accueille désormais plus de 3 500 demandeurs d’asile. Face à l’agglomération soignée et néanmoins abîmée par le dernier tremblement de terre, se déploie un champ de tentes blanches et de cabanes en bois et en tôle.

Dans cette favela méditerranéenne, les enfants courent au milieu des détritus, des rats et des serpents. L’eau chaude et l’électricité manquent. Les sanitaires sont en nombre insuffisant. Des torrents d’eau déferlent sur la colline, inondant la plupart des cabanons. Les soirs d’hiver, sans chauffage, les réfugiés se blottissent autour de feux de bois ou de poêles, laissant craindre le départ d’un incendie à tout moment.

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Ayoub, un Kurde d’Irak, ramène sur son dos des palettes pour surélever sa hutte et des plastiques pour isoler le toit. « Cela fait un an et demi que je suis à Samos, et notre vie se détériore, raconte ce père de deux fillettes de 7 et 8 ans. Avec le coronavirus, les entretiens pour notre demande d’asile ont pris du retard. Il est plus difficile de voir des médecins. Les enfants s’ennuient, ne font plus d’activités organisées par les ONG. »

Une situation d’urgence devenue chronique

Yaya, un Malien qui a déjà passé plus de deux ans à Vathy, renchérit : « La police est plus présente et nous met des amendes de 300 euros lorsque nous ne portons pas de masque… C’est ridicule ! On vit au milieu des ordures, et rien n’est fait pour nous protéger de l’épidémie ! »

Les forces de l’ordre surveillent également la venue de tout journaliste sur les lieux. « Ils ne veulent pas que vous racontiez ce qui se passe ici. C’est une honte pour la Grèce mais aussi pour l’Europe ! », lance Espérance Konengo. « On parle de nos conditions de vie aux humanitaires, aux journalistes, mais rien ne change. On souffre beaucoup dans ce trou à rats ! », soupire la Congolaise.

Emilie Castaignet, coordinatrice de terrain pour Médecins sans frontières (MSF), estime que « la situation d’urgence humanitaire qui a émergé en 2015 avec l’arrivée de milliers de réfugiés sur les îles grecques est devenue chronique ». A cela s’ajoutent de longues procédures d’asile. « Les réfugiés n’arrivent pas à se projeter, commente Emilie Castaignet. On a vu l’effet du confinement sur notre santé mentale alors que nous vivons dans des maisons confortables, donc nous pouvons imaginer ce que c’est qu’une vie de demandeur d’asile dans l’attente permanente, pleine d’incertitudes. »

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Près de la moitié des patients de MSF ont des pensées suicidaires. Le fils d’Abdullah Kabhaz, âgé de 15 ans, a déjà tenté de mettre fin à ses jours. « Mon fils aîné est mort sous les bombes en Syrie, je ne veux pas perdre un deuxième enfant… », murmure le quadragénaire. Sa femme, Mihada, a adopté un chat gris pour empêcher les rats de rôder près de leur baraque : « J’ai peur d’être coincée ici pour l’éternité, d’avoir fait tout ce chemin jusqu’en Europe pour rien… »

« On se trouve dans une zone grise »

Ses voisins, les Haj, une famille de huit enfants venue de Raqqa, en Syrie, a reçu deux rejets à leurs demandes d’asile. En vertu de l’accord Union européenne-Turquie de 2016, les Syriens pour lesquels la Turquie est jugée comme « un pays sûr » peuvent y être expulsés, mais jusqu’à présent, de tels retours sont quasi inexistants. D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), un tiers des résidents de Vathy sont Syriens.

Le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis, qui a durci sa politique migratoire depuis son élection, en juillet 2019, aimerait accélérer les expulsions. Le 19 février, dans un courrier officiel, le ministère des migrations a donc demandé l’aide de l’Agence européenne de garde-frontières, Frontex, et de la Commission européenne pour le retour en Turquie de 1 450 demandeurs d’asile, actuellement bloqués dans les cinq « hot spots » de la mer Egée.

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« On se trouve dans une zone grise : des demandes d’asile, en majorité celles de Syriens, sont refusées en deuxième instance, mais aucune déportation vers la Turquie n’est effectuée. En particulier depuis les tensions gréco-turques de mars 2020, les Turcs ne veulent pas reprendre les candidats déboutés de l’asile », souligne Mathilde Albert, avocate française qui vient en aide aux réfugiés. Les autorités grecques demandent donc aux demandeurs d’asile de se réenregistrer pour l’asile. « Cela n’a aucun sens, mais c’est pour gagner du temps et pour savoir ce qu’ils vont faire d’eux. Entre-temps, ces personnes n’ont plus droit à l’aide financière du HCR, et ne savent pas qu’ils risquent de retourner en Turquie », poursuit la juriste.

« Les habitants sont fatigués »

D’ici à trois mois, le gouvernement grec veut ouvrir, à 6 km de Vathy, un nouveau camp perdu dans les montagnes. Financé par la Commission européenne, il sera le premier, dans le cadre de la stratégie du gouvernement de construire des « camps fermés et contrôlés », à être inauguré. Le but est clair : renvoyer rapidement ceux qui seront déboutés de l’asile en Turquie ou dans leurs pays d’origine.

L’entrée des ONG dans ce nouveau camp, entouré de barbelés et de caméras de surveillance, sera restreinte et les réfugiés ne pourront sortir que de manière limitée durant la journée. « L’accès aux services, aux soins, à une aide juridique sera encore plus difficile, estime Damien Chapman, de l’association Samos Volunteers. Les autorités veulent aussi limiter l’accès aux ONG, devenues la cible d’attaques régulières du gouvernement ces derniers mois, accusées d’encourager les réfugiés à venir en Grèce, voire de participer à des réseaux de passeurs. » D’après une décision ministérielle du 30 novembre 2020, les employés ne pourront pas non plus « divulguer des informations ou des données à un tiers » sur ce qui se passe dans ces camps.

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Lire aussi En Grèce, le durcissement des lois sur l’asile inquiète les ONG

 

Le projet divise aussi les locaux. Le maire de Vathy, Georgios Stantzos, se réjouit que le camp actuel soit remplacé : « Il est collé à la ville. Samos est une île touristique, cela nuit à son image. Les habitants sont fatigués, ils n’ont tiré aucun bénéfice de toute cette crise, qui devrait être gérée de manière européenne et non locale ! » Au contraire, dans le village le plus proche du nouveau camp, à Mytilène, Nikos Ftinogiannis, membre du conseil communal, enrage : « Au départ, ce nouveau centre devait accueillir 1 200 personnes et désormais, les autorités construisent un stade pour plus de 3 000 personnes alors que notre village ne compte que 2 000 habitants. On nous assure qu’il sera bien fermé, que les ordures seront ramassées, mais nous sommes inquiets, nous ne voulons pas d’un camp immonde comme à Vathy qui déborde sur nos champs, ni d’une prison où ces personnes seront tellement frustrées et mal traitées qu’elles seront prêtes à tout contre les habitants une fois qu’elles sortiront ! »

 

 


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