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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Sandrine Morel - 04/03/2021

Reportage Selon l’Organisation internationale des migrations, au moins 600 personnes ont disparu en 2020, après avoir quitté les côtes africaines pour l’archipel espagnol des Canaries, où 22 000 migrants ont accosté cette année-là.

Ce sont quinze niches anonymes qui font face à l’océan, dans le cimetière d’Agüimes, sur l’île de Grande Canarie (Espagne). Des mouches tournent autour des murs de chaux et de béton, le fossoyeur reconnaît qu’ils sont mal scellés. Ici reposent les corps d’autant de migrants subsahariens, retrouvés dans une embarcation de fortune en août 2020, à 160 kilomètres des côtes canariennes, la peau brûlée par le sel et le soleil, morts de faim et de soif après des jours d’une périlleuse traversée. Avant d’être enterrés, en septembre, leur ADN a été prélevé à l’institut de médecine légale de Las Palmas.

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Début mars, pour la première fois, l’un de ces prélèvements sera comparé à celui d’un possible parent, qui vit à Madrid. « La photo qu’il nous a envoyée semble pouvoir coïncider avec l’un de ces quinze jeunes hommes, explique la directrice de l’institut de médecine légale de Grande Canarie, Maria José Meilan. Depuis début 2020, nous avons enregistré les informations d’une cinquantaine de migrants morts en mer – leur ADN, une fiche dentaire et des photographies d’identification –, et nous avons signé un protocole avec la Croix-Rouge pour faciliter les recherches des familles, qui ne cessent d’augmenter. Nous préférerions que davantage de corps soient récupérés, car nous savons que les disparus en mer sont encore bien plus nombreux… »

Je sens en moi quil est en vie

Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), en 2020, au moins 600 personnes ont disparu après avoir quitté les côtes africaines pour rallier l’archipel espagnol, où 22 000 migrants ont accosté cette année-là. Cependant, comme le reconnaît l’organisme dépendant des Nations unies, dans un rapport publié en décembre 2020, « il existe très peu de données sur le nombre réel de départs et de tentatives depuis les côtes ouest-africaines, tandis que les épaves ne sont souvent pas signalées ».

En recoupant les informations provenant à la fois des communautés de migrants, des services de secours et des familles, le collectif Caminando Fronteras, qui dispose d’un numéro de secours pour que les migrants le préviennent lorsqu’ils sont en danger en mer ou qu’ils approchent des côtes, a recensé, pour sa part, 2 172 disparitions en mer en 2020 de personnes cherchant à gagner l’Espagne, dont 1 851 avaient pris la route des Canaries. Les autres ont disparu en Méditerranée, majoritairement entre l’Algérie et les côtes du Levant espagnol.
« Quand il n’y a même pas d’épave, la douleur est sans fin », résume Ernesto Garcia, porte-parole du collectif Caminando Fronteras
En 2020, à peine une centaine de corps ont été repêchés. La plupart demeurent introuvables – une situation insoutenable pour leurs familles. « Quand une embarcation arrive avec des survivants, les parents peuvent reconstituer les faits et commencer leur deuil, mais quand il n’y a même pas d’épave, la douleur est sans fin », résume Ernesto Garcia, porte-parole de Caminando Fronteras.

En Afrique, mais aussi en Espagne et en France, des centaines, voire des milliers de personnes cherchent ainsi en vain leur fils, leur mari, leur père. Elles ne savent qu’une chose : le jour et l’endroit où ils sont montés à bord d’une embarcation de fortune pour traverser la Mediterranée ou l’Atlantique. Des jours, des semaines, des mois, parfois même des années sont passés, sans qu’elles aient reçu de nouvelles. Et pourtant, malgré le temps, elles continuent de garder l’espoir qu’ils soient en vie, quelque part. Et, plus terrible peut-être, elles imaginent qu’ils ont besoin de leur aide. Elles se raccrochent à l’idée qu’ils sont emprisonnés, hospitalisés ou qu’ils ont été renvoyés quelque part en Afrique, d’où ils ne peuvent les appeler… Cette incertitude est vécue comme une torture.

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En France, c’est Hervé Zoumoul, jeune Franco-Ivoirien, bénévole d’Amnesty International, qui s’est engagé dans l’aide aux familles de migrants disparus, par le biais de la page Facebook qu’il a créée en 2019, « Protégeons les migrants, pas les frontières », qu’il utilise pour diffuser les avis de recherche. « Je reçois tous les jours des dizaines de messages du Sénégal, de Guinée, de Mali, de Côte d’Ivoire, mais aussi de Tunisie ou d’Algérie », explique-t-il par téléphone.

« Devoir humanitaire »

Résidant en Savoie, Nadia Bensadel attend toujours des nouvelles de ses deux cousins, de 20 et 33 ans, partis le 7 octobre 2020 d’Arzeu (Algérie) dans deux petites embarcations, pour traverser la Méditerranée en direction des Baléares. Aucun passager n’a donné signe de vie depuis. « On nous a dit que deux embarcations du même type sont arrivées le 8 octobre, mais nous n’avons aucune confirmation des autorités. Les mamans m’appellent en pleurs, tous les jours. On ne sait pas s’ils sont enfermés, s’ils sont vivants, s’ils ont froid, s’ils sont maltraités. Certaines familles veulent appeler un détective », raconte-t-elle par téléphone.

Pour l’association Caminando Fronteras, il ne fait pas de doute que les deux embarcations d’Arzeu n’ont jamais atteint les côtes espagnoles. « Pour des raisons diverses, certaines personnes nourrissent les familles de faux espoirs, comme en 2019 quand, sur les réseaux sociaux, quelqu’un assurait qu’un cargo canadien avait repêché des migrants pour les emmener au Canada… Ce genre de réponse fantaisiste devient rapidement le seul espoir auquel elles peuvent se raccrocher », explique M. Garcia.

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Savoir si leurs proches figurent ou non sur la liste des rescapés pourrait permettre aux familles de commencer leur deuil. Cependant, il n’existe en Espagne aucune procédure le permettant. « Pourquoi un bureau des disparus n’est-il pas créé ?, a demandé, une nouvelle fois, le député du parti indépendantiste d’extrême gauche basque EH Bildu Jon Iñarritu Garcia, au ministre de l’intérieur, Fernando Grande-Marlaska Gomez, le 19 février. Près de 2 000 personnes ont disparu en essayant d’arriver aux Canaries. C’est une question de bon sens et un devoir humanitaire d’essayer d’enquêter et de voir si elles peuvent être localisées. »

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Sur l’île de Grande Canarie, l’avocat Daniel Arencibia se bat depuis des mois pour que l’Espagne donne la possibilité, au moins aux mères de disparus, de savoir si leur enfant est arrivé. En vain.

« La préfecture justifie cette opacité car l’information pourrait tomber dans les mains des mafias, mais en attendant nous suscitons une douleur cruelle et inhumaine chez les familles et nous savons que des mafias sans pitié contactent déjà des familles de disparus pour leur dire qu’ils sont bien arrivés, leur donner le nom d’une prison et ensuite leur demander de l’argent, prétendument pour payer un avocat, regrette M. Arencibia, qui collabore avec le diocèse de l’île de Grande Canarie dans l’assistance aux migrants. Après avoir cherché partout, dans les hôtels et les campements, les hôpitaux et les cimetières, les ONG et les commissariats et n’avoir obtenu aucune réponse, elles finissent souvent par taper à la porte des églises. Les familles ne peuvent pas abandonner leurs recherches : pour elles, ce serait trahir les disparus. »

Au ministère de l’intérieur, on se contente de rappeler que « toutes les personnes qui arrivent de manière irrégulière en Espagne sont fichées par la police ». Quant à la possibilité de faciliter l’accès des familles aux informations sur les arrivées, un travail aurait été engagé « avec certaines ONG pour pouvoir donner une réponse, mais il n’y a encore rien de solidement défini », assure-t-on.

« Faux noms »

Aux Canaries, la Croix-Rouge a bien créé une adresse mail pour canaliser les dizaines de demandes d’informations qui lui parviennent tous les jours, mais elle souligne aussi les limites auxquelles elle est confrontée. « La principale difficulté pour les gens est de démontrer leur lien de parenté, ce qui est indispensable, car beaucoup de migrants sont victimes de traite d’êtres humains. Or, c’est d’autant plus difficile que beaucoup d’entre eux, dans la crainte d’être expulsés, donnent de faux noms… », explique Angel Rodriguez Tejera, responsable du programme d’intégration des migrants de la Croix-Rouge à Las Palmas.

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D’autres ONG recommandent à ceux qui peuvent se déplacer en Espagne de porter plainte. Mais, là encore, la procédure est précaire et soumise au bon vouloir des fonctionnaires, affirme M. Arencibia. « J’ai accompagné cinq fois au commissariat le frère d’un migrant marocain disparu. Chaque fois, les agents ont refusé de prendre sa plainte, en lui disant que son frère n’était pas Espagnol, ne vivait pas en Espagne et qu’il ne savait même pas s’il était arrivé », raconte l’avocat. A la sixième tentative, le jeune homme a finalement été reçu par une unité de la police chargée des enquêtes sur les mafias de l’immigration. « Ils l’ont soumis à un interrogatoire sur la façon dont son frère était parti, le coût du voyage, les gens qu’il avait contactés, comme s’ils étaient à la recherche d’un délit, pas d’un disparu. Le jeune homme a fini en larmes. » Avant de partir, la police lui a finalement dit que ni son frère ni les trois autres personnes dont il avait le nom et qui voyageaient avec lui ne figuraient sur ses listes.

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A Malaga, Angeles Colsa, porte-parole du Centre international pour l’identification de migrants disparus (CIPIMD), ONG créée en 2018, se charge de « dresser la liste des embarcations qui arrivent avec le nombre de passagers à bord et de la recouper avec les embarcations portées disparues ». En 2020, le CIPIMD en a recensé 27 disparues entre l’Algérie et l’Espagne, portant à 291 le nombre de migrants algériens disparus en mer.

De Paris où elle vit, Sherifa, 25 ans, espère toujours des nouvelles de son mari, parti le 21 août 2020 vers 4 h 30 du matin de la plage du Cap blanc, à Oran. Elle sait que le bateau s’est retourné en mer, mais aussi que certains ont été secourus. « Il était rentré en Algérie avant la pandémie et a été piégé par le confinement : il ne pouvait pas revenir en France », explique-t-elle au téléphone. A deux reprises, la jeune femme est venue en Espagne. La première fois, elle a porté plainte ; la deuxième, elle est revenue avec leur fille pour comparer son ADN avec celui de deux corps repêchés en mer. Après trois mois d’attente, le résultat est tombé début février : négatif. Elle reste donc convaincue, elle aussi, que son mari est vivant. « On m’a dit qu’il aurait nagé, qu’on lui aurait volé son sac à dos, ce qui expliquerait qu’il n’ait pas pu m’appeler. Je sens en moi qu’il est en vie. »

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