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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Marina Rafenberg - 03/03/2021

L’ONG allemande Mare Liberum a recensé en 2020 près de 10 000 refoulements illégaux de migrants en mer Egée. Malgré les menaces, certains citoyens de Samos dénoncent ces pratiques.

Dimitris Choulis, avocat spécialisé dans le droit des réfugiés, s’est fait plus d’un ennemi sur l’île de Samos. Il dénonce les pratiques de pushback, les refoulements illégaux de potentiels demandeurs d’asile par les gardes-côtes grecs vers les eaux turques. Il enquête sur les « invisibles », les migrants qui sont renvoyés en Turquie sans être enregistrés par les autorités grecques, ni même avoir pu déposer leur demande. « Les habitants de l’île et les autorités ne comprennent pas que je ne veux pas forcément que des milliers de réfugiés s’entassent sur mon île, mais je ne peux pas être témoin de crimes contre l’humanité et rester les bras croisés », s’insurge l’avocat.

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Le 13 novembre 2020, à 8 h 30, il est informé par l’ONG Aegean Boat Report de l’arrivée, sur les côtes nord de Samos, d’un groupe de 35 Somaliens. « Avant, les réfugiés qui arrivaient en Grèce par la mer appelaient le 112 pour que les gardes-côtes viennent les sauver mais, après de multiples expériences de refoulement, les migrants savent qu’il faut désormais contacter des ONG comme Aegean Boat Report ou AlarmPhone », précise-t-il.

L’avocat informe ce jour-là les gardes-côtes et veut se rendre sur place pour prêter main-forte. « Laisse-nous faire notre travail. Si tu continues, on va porter plainte contre toi », lui répond un gradé. Ces arrivées n’ont jamais été enregistrées. Les réfugiés n’ont pas pu déposer de demande d’asile.

Baisse des arrivées

Quelques jours auparavant, le 8 novembre, peu après minuit, un canot chargé de 25 personnes s’était déjà trouvé en difficulté sur une mer agitée. Dimitris Choulis avait aussi appelé la police portuaire. En vain. A 9 h 30, le corps d’un enfant afghan de 5 ans avait été retrouvé et son père poursuivi pour « mise en danger de la vie d’autrui ». C’est une des rares arrivées à Samos enregistrées en 2020 et, pour l’avocat, qui représente le père, il s’agit d’une « tentative de pushback qui n’a pas pu aller jusqu’au bout ».

Dans une lettre officielle adressée le 16 novembre aux gardes-côtes de Samos, au procureur, et au bureau local du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Dimitris Choulis a demandé des explications : « Que sont devenus les 35 demandeurs d’asile arrivés à Samos le 13 novembre ? » « Pourquoi, lors du naufrage du 8 novembre, le sauvetage a pris autant de temps à être mis en place ? » « Pourquoi [l’Agence des garde-frontières et de garde-côtes européens] Frontex n’a pas été informée de cette opération ? » Aucune réponse crédible ne lui a été fournie.

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D’après le HCR, quelque 9 600 demandeurs d’asile ont débarqué sur les îles grecques en 2020, une baisse de 85 % par rapport à 2019. Le gouvernement grec se félicite de ce recul et nie l’existence de pushback. Ceux qui les dénoncent sont accusés de faire le jeu de la Turquie et de « colporter des “fake news” ». « En ce moment, tu peux vite finir avec des menottes parce que le gouvernement ou les journaux progouvernementaux t’accusent d’être un passeur ou un espion », avoue, inquiet, Dimitris Choulis. L’ONG allemande Mare Liberum, qui dispose d’un bateau de sauvetage au large de Lesbos, a aussi rencontré des difficultés avec les autorités grecques : le 5 septembre, officiers de police et gardes-côtes sont montés sur le bateau accosté à Mytilène et ont confisqué les téléphones et les ordinateurs de l’équipe.

Pour le commandant Nikolaos Kokkalas, porte-parole des gardes-côtes grecs, la baisse des arrivées est tout simplement le résultat d’une « surveillance plus active des frontières maritimes, et de l’augmentation des ressources opérationnelles dans l’est de la mer Egée ». A Samos, une centaine de gardes-côtes supplémentaires ont été déployés depuis qu’Ankara a envoyé des milliers de migrants à la frontière terrestre, dans la région de l’Evros, en février 2020.

Le porte-parole de Frontex, Chris Borowski, renchérit : « Les mesures restrictives liées au Covid-19 ont réduit de manière significative les arrivées de migrants (…). Et les autorités turques ont empêché un nombre significatif de départs de leurs côtes. »

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L’agence européenne est visée par plusieurs enquêtes pour sa non-intervention lors de pushback menés par les gardes-côtes grecs. Si le rapport du groupe de travail désigné par le conseil d’administration de Frontex, publié le 1er mars, ne semble pas concluant, le gendarme européen antifraude, l’OLAF, et la médiatrice de l’Union européenne continuent d’enquêter sur le sujet. Pour Mathilde Albert, avocate française basée à Samos, « soit l’agence sait et détourne le regard, soit elle n’est pas au courant mais alors que fait-elle ? C’est désormais un secret de polichinelle, ces refoulements en mer Egée ! »

Témoignages quasi quotidiens

Sur le terrain, les témoignages de migrants renvoyés avec violence en Turquie sont quasi quotidiens. En 2020, Mare Liberum a recensé près de 10 000 refoulements effectués en mer Egée, s’appuyant sur des interviews de migrants, des cas répertoriés par des ONG et des rapports publiés par les gardes-côtes turcs. Ali (le prénom a été changé), un jeune Palestinien, a tenté cinq fois le voyage avant de réussir son pari et d’arriver, dimanche 28 février, sain et sauf à Athènes. Parti de Marmaris pour rejoindre l’île de Rhodes, il raconte que, par deux fois, l’été dernier, les gardes-côtes grecs ont repéré son groupe en pleine mer :

« Ils ont attaché notre embarcation à leur bateau, enlevé le moteur et nous ont poussés vers les eaux turques. Il s’agissait bien d’un navire militaire avec des gardes-côtes grecs en uniforme bleu foncé. Ils nous ont laissés à la dérive pendant plusieurs heures. »

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Finalement arrivé à Rhodes, avec une dizaine de personnes dont des femmes et des enfants, il devait passer la nuit dans une chambre d’hôtel et s’envoler pour Athènes le jour suivant. « Mais la police a fait une descente dans l’hôtel, a fait mine de nous emmener dans un camp pour nous enregistrer mais nous a fait embarquer sur un bateau militaire, où un homme masqué tenait une mitraillette. Ils nous ont confisqué nos téléphones, notre argent puis nous avons navigué pendant quelques minutes. Ils nous ont forcés, en nous frappant, à monter dans un canot de sauvetage orange en pleine mer… », se souvient Ali.

Le 25 février, il échappe de peu à une nouvelle expulsion. Les policiers font une descente dans l’hôtel où le passeur les avait emmenés. Il s’enfuit. Douze de ses compagnons, huit Palestiniens et quatre Syriens, seront récupérés au large de Marmaris ce jour-là, comme l’atteste un communiqué des gardes-côtes turcs.

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« Depuis un an, que ce soit à la frontière terrestre ou sur les îles, des milliers de personnes sont expulsées, torturées, en toute impunité, s’indigne Panayote Dimitras, de l’Observatoire grec des accords d’Helsinki, qui représente légalement plusieurs candidats à l’asile qui ont été refoulés en Turquie et demande à ce qu’ils soient réadmis en Grèce. Le gouvernement nie les faits, mais ne conduit aucune enquête approfondie. La Cour européenne devra, je l’espère, bientôt se prononcer sur ces crimes. »

 

 

 


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