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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Sandra Favier - 15/03/2021

Ils ont fui la violence d’une décennie de guerre civile, il y a sept, cinq ou trois ans. Ces réfugiés ont choisi la France pour tenter de vivre loin des ruines de leur pays, mais toujours dans l’inquiétude concernant la situation en Syrie.

Ali est épuisé quand il se présente devant l’agent de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), à Paris, le 30 octobre 2015. A 34 ans, il a traversé sept pays et une mer depuis son départ de Syrie, un mois auparavant. Avec son épouse, ils ont fui près de cinq années d’une guerre civile qui a tout emporté : la « douceur du vivre-ensemble syrien », les droits humains, les habitations, toute activité sociale et, surtout, des centaines de milliers de vies.

Alors, quand il se souvient de la question posée par l’agent français : « Pourquoi avoir attendu cinq ans avant de partir ? », il s’emporte, mû par le même sentiment de révolte qui l’a poussé à descendre dans les rues de Hama, sa ville natale, au printemps 2011. « Je ne suis parti que quand il n’y avait plus rien à faire pour la Syrie », s’anime-t-il.

Depuis les premiers rassemblements contre le pouvoir de Bachar Al-Assad, près de douze millions de Syriens, comme Ali et sa famille, ont été déplacés par la guerre, selon Amnesty International. Parmi eux, plus de dix mille personnes ont obtenu le statut de réfugiés en France. Une terre d’accueil qui les a sauvés, mais qui ne pourra jamais vraiment remplacer leur pays.

refugies syriens 2 Ali, chez lui, à Paris, le 4 mars. Sur le tableau blanc est inscrit le prénom d’Aïla, sa fille née en France en 2018. AMEER AL-HALBI POUR « LE MONDE »

A son arrivée à Paris, il a fallu quelque temps à Ali pour s’habituer au calme d’une vie sans guerre. Avec sa femme et leur fille, ils occupent depuis cinq ans un studio d’une vingtaine de mètres carrés au pied de la tour Eiffel. Un espace à peine plus grand que la chambre sans électricité qu’il occupait lorsqu’il était étudiant en théâtre, à Damas – aujourd’hui, Ali est employé dans un supermarché. Dans le studio parisien, un canapé-lit est collé contre un mur, en face d’une imposante télévision et sous une fuite d’eau qui perle au plafond. Le lit à barreaux est calé entre deux meubles et l’appartement pourrait craquer tant il est empli d’objets, dont des jouets d’enfant. « Ici aussi, on est coincés », regrette le père de famille.

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Ils n’avaient jamais rêvé de vivre en Europe. C’est cette guerre qui les y a contraints. Alors, leur objectif est de travailler pour envoyer de l’argent à leurs proches restés sur place. « Si on ne le fait pas, on ne mérite pas la révolution », tranche Ali, gesticulant comme s’il donnait une représentation théâtrale de sa propre vie. Ses cheveux frisés voilent son regard quand il s’agite, et son épaisse barbe rousse dissimule un visage pâle, marqué par les nuits d’inquiétude.

Le déchirement d’avoir quitté son pays

Comme lui, Rasha, 34 ans, a vécu le départ de sa ville de l’ouest de la Syrie comme un déchirement. Travailleuse humanitaire dès le début de la guerre, la jeune femme a retiré des balles de corps ensanglantés et formé les familles syriennes aux premiers secours. Quand on lui demande pourquoi elle a quitté son pays, en 2017, elle pousse un long soupir, comme si elle avait espéré échapper à la question. « Ce sont mes parents qui ont décidé, souffle-t-elle. Pour sauver ma petite sœur. » Déjà en France pour ses études, sa sœur aînée a obtenu des visas pour qu’elles la rejoignent à Paris. « Je n’ai accepté que parce qu’on m’a dit qu’une fois là-bas, et ma sœur en sécurité, je pourrais revenir », développe Rasha, à voix basse.

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Mais le diagnostic de son cancer du sein, en 2018, l’a contrainte à rester dans le sud de la France. A l’annonce du médecin, « j’étais vraiment contente parce que je me suis dit que le cancer était venu pour que je meure », lance-t-elle. Plongée dans une profonde dépression, Rasha accepte finalement les soins, poussée par les bénévoles des associations locales qui l’accompagnent. Elle se dit aujourd’hui reconnaissante d’avoir bénéficié du suivi médical français : chimiothérapie, radiothérapie, puis une opération le 15 mars 2019. Comme un pied de nez à la révolution, qui a débuté ce même jour, huit ans auparavant.

Depuis, ses courts cheveux ondulés ont repoussé, et Rasha a quitté le Sud pour Paris, où elle étudie afin d’obtenir un certificat professionnel pour jeunes réfugiés, proposé par Sciences Po. Mais ici, elle se sent perdue : « On ne connaît pas ses voisins, on ne dit pas bonjour, les gens sont très individualistes. » Et puis, elle non plus ne garde pas un très bon souvenir de son accueil par les autorités françaises. « On m’a prise pour une enfant », relate Rasha, qui se souvient qu’on lui a notamment montré comment se servir d’une carte bancaire, elle qui possédait deux comptes en Syrie. Et d’asséner, bien que consciente de sa chance d’avoir obtenu le statut de réfugiée : « Pour moi, même avec les difficultés là-bas, la Syrie, c’est mieux qu’ici. »

Un déclassement professionnel en France

Maria*, réfugiée en France depuis juillet 2015, se souvient avec nostalgie du quotidien d’avant-guerre dans son pays. « La vie était douce, simple et jolie », expose-t-elle, sa fille de deux ans et demi endormie dans ses bras. De confession chrétienne, Maria et son mari, Pierre*, 36 ans, menaient une vie paisible à Homs, dans l’ouest de la Syrie. Menacés par l’arrivée de milices, le couple et leur premier enfant fuient d’abord vers un village de la vallée des chrétiens. Mais Pierre, avocat, se fait tirer dessus à deux reprises par un groupe de djihadistes, lors de ses trajets quotidiens vers Homs. Quelques semaines plus tard, la famille obtient des visas français et quitte la Syrie, direction Dieppe.

Aujourd’hui, bien qu’installés en France depuis presque six ans, Maria et Pierre doivent subir la réalité du déclassement social. Alors que Maria vient d’obtenir l’équivalence de son diplôme de psychologue, mais ne trouve pas d’emploi, Pierre a pris la décision de tout recommencer. Les démarches pour exercer en tant qu’avocat en France sont trop lourdes – il devrait reprendre des études en première année de licence –, alors il a choisi l’informatique afin de trouver un travail rapidement.

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Sur les murs de leur maison, il ne reste plus grand-chose de leur vie en Syrie. Les photos ne montrent que des moments partagés entre amis ici, en France. « Le plus important, c’est que nos enfants profitent d’une vie sûre, de liberté et de démocratie », veut résumer Pierre, en lissant le discret bouc de son menton. Leur petit garçon de huit ans a sursauté au moindre bruit sourd pendant plusieurs mois après leur arrivée. Dix ans après le début de la révolution, ils refusent toujours d’entendre le nom de Bachar Al-Assad et ne souhaitent ni parler politique ni se faire photographier. « C’est une guerre qui a commencé pour ne plus s’arrêter », déplore Maria, les yeux fixés sur la tasse de thé brûlant posée devant elle.

« Aujourd’hui, je veux aller de l’avant »

Soulafa, elle, garde encore un peu d’espoir pour son pays. « Son peuple » doit l’emporter sur le régime de Bachar Al-Assad. Mais, à 45 ans, elle veut « se reposer et prendre du recul ». Journaliste depuis 2006 à Damas, elle a commencé à enquêter, dès 2011, pour le compte de la Cour pénale internationale. Alors que son équipe est compromise par l’arrestation de l’un de ses membres, Soulafa s’envole pour rejoindre une amie en Suède, à la fin 2012. Elle y reste clandestinement pendant quatre mois, dormant dans des camps de fortune. Puis elle est forcée de rejoindre la France, seul pays européen dont elle a obtenu un visa lui ouvrant le droit au statut de réfugiée.

Dès son arrivée à Paris, elle travaille pour Radio Rozana, une station syrienne indépendante établie en France, destinée à rapporter la réalité de la vie en huis clos des Syriens. Pendant sept ans, Soulafa vit « une double vie », partagée entre son quotidien de réfugiée en France, avec son mari et sa fille, et son ancien pays, « sur lequel, dit-elle, je dois rapporter des horreurs que je vis par procuration ». Elle a fini par démissionner il y a cinq mois.

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Dans sa maison de la banlieue parisienne, les souvenirs s’accumulent. La télévision diffuse en boucle des chansons en arabe, et de larges tapis orientaux couvrent le sol du salon. D’un placard Soulafa sort le keffieh palestinien avec lequel elle se couvrait le visage lors des manifestations à Damas, et des cassettes de ses reportages, qu’elle a subtilisées avant de fuir. Elle a aussi gardé la clef de son appartement syrien. Comme les vestiges d’une vie qu’elle enterre peu à peu. « Aujourd’hui je veux aller de l’avant. Je peux tout faire, sauf désormais travailler sur la Syrie », conclut-elle, de lourdes larmes au coin des yeux.

Comme Soulafa, la flamme de la révolution brille toujours dans les yeux d’Ali, mais lui non plus ne pense pas retourner vivre en Syrie. « Parce qu’il faut aussi penser à l’avenir de ma fille, qui est née ici et parle français. », explique-t-il. Il y a quelques semaines, Ali et sa femme ont même demandé la nationalité française.

 

 


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