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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Nejma Brahim - 26/03/2021

À l’occasion de la nuit de la solidarité, jeudi, l’association Utopia 56 a réuni des centaines de migrants laissés à la rue, place de la République à Paris, dans l’objectif d’interpeller les autorités sur leur sort et d'obtenir de « vraies solutions d’hébergement ». Près de 500 exilés ont été pris en charge en fin de soirée.

eudi dans la nuit, 480 exilés ont obtenu une solution d’hébergement après une opération coup de poing organisée par l’association Utopia 56, place de la République à Paris, visant à rendre plus visibles celles et ceux qui sont confronté.e.s à la rue depuis des mois, voire des années. Une façon de demander aux autorités « de se montrer solidaires », ironise une bénévole, en cette nuit de la solidarité.

En novembre dernier, l’association avait déjà organisé un « premier acte » place de la République, au cours duquel l’évacuation du campement installé avait été largement réprimée par les forces de l’ordre (lire ici notre parti pris). L’épisode, traumatisant pour les bénévoles comme pour les exilés, ne les a pas empêchés de mener cette seconde action.

« C’est la nuit de la solidarité, on veut donc marquer le coup et demander de vraies solutions d’hébergement aux autorités », lance Alice, l’une des bénévoles qui accompagne un groupe de dix exilés depuis le nord de la capitale, où tout le monde s’est donné rendez-vous à 17 heures, jusqu’à la place de la République.

Un campement de migrants a été installé place de la République à Paris lors de la nuit de la solidarité. © NB Un campement de migrants a été installé place de la République à Paris lors de la nuit de la solidarité. © NB
 

« Au quotidien, on vous aide à trouver un abri pour quelques nuits mais on participe indirectement à votre invisibilisation, explique Aimée aux familles et femmes seules de son groupe, tout en s’engouffrant dans la bouche de métro Porte-de-la-Villette. La nuit de la solidarité c’est bien, recenser le nombre de sans-abri aussi, mais il faut trouver d’autres solutions, surtout dans le contexte sanitaire qu’on connaît. »

Assise dans le métro, le regard virevoltant au rythme des arrêts qui défilent sous ses yeux, Anne*, une Ivoirienne de 28 ans, semble éreintée. « Ce n’est pas évident quand on n’a pas de logement. Des fois, le 115 nous trouve une solution mais ce n’est pas toujours le cas, donc souvent ce sont les associations qui nous aident. On va chez des gens [des hébergeurs solidaires – ndlr], ça se passe bien et ils sont très accueillants », raconte-t-elle.

Des solutions « provisoires » qui ne règlent pas le problème à moyen ou long terme. Anne est enceinte de son premier enfant et a du mal à se projeter dans l’avenir compte tenu de sa situation. « Avec le temps et la fatigue, nos problèmes du quotidien, ça ne suffit pas. On a besoin de vraies solutions dans la durée.

Arrivé à Oberkampf, le groupe s’installe à un arrêt de bus avant de rejoindre la place de la République. Aimée explique aux exilés le déroulé et les enjeux de cette action dont ils ignorent les contours. « De mon expérience à Utopia, certaines des actions se passent bien, d’autres sont moins faciles... Ça dépend beaucoup de la réaction des forces de l’ordre. Ce qui est important, c’est de se rappeler qu’ensemble on est plus forts et davantage en sécurité, il faut donc éviter de vous isoler », prévient-elle avant de les diriger vers la place déjà pleine de tentes rouges.

Barry et son épouse, un couple de Guinéens arrivé à Paris un mois plus tôt, cherchent la tente qui leur servira d’abri pour la soirée. Depuis qu’ils sont en France, ils n’ont obtenu aucune solution d’hébergement stable malgré leur demande d’asile. « On dort soit dehors, dans une tente que nous a donnée Utopia, soit chez des particuliers qui nous accueillent chez eux. On est venus ce soir, car on espère avoir enfin une vraie solution d’hébergement. »

Ali, un exilé afghan "dubliné", aux côtés de ses amis afghans. © NB
Ali, un exilé afghan "dubliné", aux côtés de ses amis afghans. © NB
 

Au milieu du campement, où de nombreux Afghans sont déjà installés, Hashmatullah échange avec son voisin à propos de sa situation administrative. « J’ai reçu une convocation de la préfecture du Val-de-Marne mais j’ai raté le rendez-vous car j’ai reçu le courrier trop tard, s’inquiète-t-il. Je ne sais plus quoi faire, ils veulent me couper l’ADA [allocation pour demandeur d’asile – ndlr]. »

Sur le courrier, que le trentenaire a photographié avec son smartphone, la préfecture souhaite en réalité le renvoyer en Suède, car il est « dubliné » : il doit demander l’asile dans le premier pays européen dans lequel il a été enregistré. « Mais je ne veux pas aller en Suède, ils vont me mettre en prison et me renvoyer en Afghanistan où je suis en danger ! », s’exclame-t-il lorsque son voisin lui traduit le courrier. « Comment je vais m’en sortir, sans hébergement et sans allocation ? »

« On erre en ville toute la journée, c'est fatigant »

À la nuit tombée, Basir, un réfugié afghan, fait le tour des tentes pour échanger avec les migrants de sa nationalité. Depuis son arrivée en France il y a trois ans, il a appris le français et fait du bénévolat au sein de plusieurs associations, dont Enfants d’Afghanistan et d’ailleurs et Utopia 56. « Je me souviens, quand je suis arrivé à Paris, j’ai dormi cinq jours dehors, à Porte de la Chapelle. Je n’avais ni vêtements, ni couverture, ni tente. C’était en hiver et je tremblais de froid toute la nuit », dit-il en mimant le geste d’une personne qui se frotte les bras pour tenter de se réchauffer.

Lui aussi était « dubliné » et a frôlé un transfert vers l’Allemagne. Il a dû attendre 25 mois, plongé dans la précarité, avant de pouvoir refaire une demande d’asile et obtenir une protection. « Aujourd’hui, j’ai un titre de séjour et j’étudie le design, car je veux travailler dans la mode. Je suis venu ce soir pour soutenir toutes ces personnes, car je sais combien c’est dur de ne pas avoir de toit et de vrais repas. » Avec l’aide de plusieurs autres bénévoles, Basir constitue une liste des migrants présents ce soir afin de la transmettre aux autorités, en vue d’un transfert vers un hébergement adapté.

« La préfecture de police de Paris a sorti un communiqué pour condamner l’événement. La mairie de Paris a été prévenue de notre action en début de semaine. On n’a pas eu de propositions de leur part ce soir, mais on vient d’apprendre que la Drihl Île-de-France (Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement) recherchait des solutions d’hébergement pour tout le monde. On est contents de voir que ça se passe bien et qu’il n’y a pas eu de violences ou de répression policières », estime Kerill, l’un des coordinateurs d’Utopia 56, en milieu de soirée.

Marie-Estelle et sa fille attendent d'obtenir une solution d'hébergement depuis plusieurs mois. © NB
Marie-Estelle et sa fille attendent d'obtenir une solution d'hébergement depuis plusieurs mois. © NB
 

Au bout du campement, où de nombreuses familles sont installées, Clémence tente de bercer le bébé qu’elle porte sur son dos. La mère de famille, originaire de Côte d’Ivoire, vit en France depuis plusieurs années et assure n’avoir jamais obtenu d’hébergement. « On dort chez des amis à droite, à gauche, mais c’est compliqué. Sans Utopia et les hébergeurs solidaires, ça aurait été vraiment chaud pour mes enfants cet hiver. On espère que grâce à cette action on obtiendra quelque chose de positif. » Sa fille a 2 ans, son bébé 6 mois. Son mari les rejoint après une journée de travail sur un chantier. Il a raté la distribution alimentaire, mais un bénévole lui apporte de la soupe.

Lorsqu’elles ne sont pas au centre d’accueil de l’association Aurore quai d’Austerlitz, Clémence et ses filles errent en ville toute la journée. « C’est fatigant, d’ailleurs ma fille est tombée malade et tousse beaucoup. On m’a donné du Doliprane et du sirop pour elle mais ça ne passe pas », désespère-t-elle, tout en essayant de calmer son bébé qui gigote sur son dos.

À 23 heures, les coordinateurs d’Utopia 56 obtiennent une réponse des autorités : les familles hébergées jusqu’ici par le biais du 115 peuvent retourner à leur hôtel avec la promesse que leur prise en charge sera prolongée dans la durée. Les mineurs et hommes seuls doivent quant à eux attendre des bus qui les transféreront vers des gymnases en région parisienne.

Clémence quitte sa tente et récupère ses affaires, puis installe son bébé sur le dos en l’enroulant dans la couverture qui lui a été donnée plus tôt. Un bénévole d’Utopia les accompagne, elle, son mari et leurs deux enfants, jusqu’à leur hébergement dans le 19e arrondissement de Paris. La famille affiche une mine soulagée.

Assise sur un banc, sa fille âgée de 4 ans endormie, Marie-Estelle attend son accompagnateur également. Capuche sur la tête, des gros sacs pleins de ses affaires personnelles à ses pieds, cette mère isolée est ballottée d’hôtel en hôtel, au gré des SMS qu’elle reçoit du Samu social de Paris, depuis plusieurs mois.

Marie-Estelle et sa fille rejoignent leur hôtel attribué par le 115, où elles devraient pouvoir rester "dans la durée". © NB
Marie-Estelle et sa fille rejoignent leur hôtel attribué par le 115, où elles devraient pouvoir rester "dans la durée". © NB
 

Sur son smartphone, elle fait défiler les messages. Communes de la banlieue parisienne, 18e, 19e et enfin 10e arrondissements de Paris… « C’est très compliqué de bouger sans arrêt. En plus, ma fille est scolarisée dans le 15e arrondissement. Il arrive que je ne puisse même pas l’emmener à l’école car notre hôtel est trop loin », souffle-t-elle.

À minuit, un bénévole l’accompagne en van jusqu’à l’hôtel qui l’héberge rue Saint-Maur. La façade gris pâle fait peine à voir. Marie-Estelle sonne, puis se présente au réceptionniste qui lui ouvre en précisant qu’elle a reçu un SMS du 115. « Je n’ai rien reçu, moi », lui rétorque-t-il. Elle insiste, lui montre le message sur son téléphone. Il finit par lui tendre la clé de sa chambre, celle-là même où elle avait passé les dernières nuits.

« C’est bête, si j’avais su que ça allait être renouvelé, j’aurais pu laisser mes affaires ici au lieu de les porter toute la journée », dit-elle en s’engouffrant dans la chambre après avoir monté les escaliers menant au quatrième étage, en donnant du courage à sa fille contrariée d’avoir vu son sommeil interrompu. « J’espère vraiment qu’on pourra durer ici. On est fatiguées. »

Entre minuit et 2 h 30, les familles restantes, mineurs et hommes seuls ont été transférés en bus vers des hôtels et gymnases parisiens. « On restera vigilants et on vérifiera qu’ils seront bien pris en charge sur la durée », conclut Maël, le second coordinateur d’Utopia.

 

 


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