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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Médiapart - David Perrotin - 16/04/2021

Après la régularisation médiatisée d’un apprenti boulanger à Besançon, Yaya Camara, apprenti électricien, se bat lui aussi pour obtenir des papiers et pouvoir terminer sa formation. De nombreux cas similaires existent en France.

L'histoire de Laye Fodé Traoré, cet apprenti boulanger guinéen régularisé après la grève de la faim de son patron Stephane Ravacley, a été largement médiatisée. Une pétition a rassemblé des milliers de signatures. Des responsables politiques, mais aussi des artistes ou des philosophes ont publié une lettre ouverte pour exiger de l’Élysée qu’il se penche sur ce cas.

Cette histoire a aussi suscité beaucoup d’espoir chez d’autres jeunes au parcours similaire. Ceux qui, une fois majeur, perdent la protection que la France doit aux mineurs isolés et se retrouvent sans papiers craignant le risque d’être expulsés.

En janvier dernier, Yaya Camara, 19 ans, se reconnaît dans l’histoire de Laye Fodé Traoré. Comme lui, ce Guinéen réside à Besançon et souhaite obtenir des papiers pour terminer une formation.

Yaya Camara et son patron Robert Duarte. © Mediapart Yaya Camara et son patron Robert Duarte. © Mediapart
 

Depuis septembre 2019, il prépare un CAP en électricité et jongle entre le CFA de Besançon et son entreprise à Pontarlier. C’est un « bon élément », « motivé », et soutenu à la fois par son patron et par ses professeurs. Mais le couperet tombe le 6 novembre 2020 lorsque la préfecture rejette sa demande de titre de séjour et lui délivre une ordonnance de quitter le territoire (OQTF) sous 30 jours. Yaya Camara conteste sa décision devant la justice mais le tribunal administratif confirme son OQTF le 26 janvier dernier. Même s’il a fait appel, l’apprenti ne peut plus travailler pour ses patrons Robert et Maryse Duarte. Il ne peut pas non plus terminer et valider sa formation. 

De son voyage pour parvenir en France, l’apprenti ne veut pas dire grand-chose. « Je suis parti par le Mali, l’Algérie, la Libye, l’Italie, puis la France fin 2018 », explique Yaya Camara. « C’était très compliqué surtout entre la Libye et l’Algérie. C’était très violent, très dur », précise-t-il. Pris en charge par l’aide sociale à l’enfance en tant que mineur isolé, il finit par intégrer le CFA de Besançon. 

« En janvier, quand il a vu le cas de l’apprenti boulanger dans les médias et que tout le monde en parlait, il s’est mobilisé immédiatement. Mais il a commencé tout seul », se souvient Maryse Duarte, sa patronne qui l’accueillait trois semaines par mois dans son entreprise. 

Sans rien dire à personne, Yaya Camara fabrique des pancartes et se rend d’abord à la préfecture puis devant le Palais de justice. C’est là qu’une personne échange avec lui et le met en lien avec une association. « Après sa propre initiative, on a décidé de se mobiliser », confirme son formateur Raphaël Estienney, lui aussi satisfait de « cet élément méritant et bien noté ». Plusieurs professeurs et ses patrons lancent alors une pétition pour dénoncer la situation de Yaya Camara. Si Stéphane Ravacley et son apprenti boulanger ont fini par obtenir gain de cause, pourquoi pas lui, se disent-ils. 

Stéphane Ravacley, qui a monté le collectif Patrons Solidaires, entend parler de lui et trouve logique de l’accompagner et de lui donner une tribune lors d’une conférence de presse organisée pour son propre apprenti. Mi-janvier, rendez-vous est aussi pris avec plusieurs médias – « Quotidien » et France 24 notamment – pour accélérer la pression sur les pouvoirs publics et faire en sorte que « Yaya connaisse le même sort que Laye »

« Mais on a tout annulé in extremis, raconte Maryse Duarte. Lorsque la préfecture nous a envoyé un mail affirmant que Yaya n’était pas à Besançon mais qu’il avait été interpellé à Orléans le 28 janvier pour non-respect du confinement. » Une ville pourtant située à plus de 300 km de Besançon. Le comité de soutien de Yaya Camara stoppe net les interviewes, le temps « d’éclairer cette accusation absurde ». Après plusieurs échanges de courriels, la préfecture du Doubs affirme en effet que l’apprenti a menti sur sa présence à Besançon et sur le suivi de sa formation.

« Sa présence à Orléans était liée au fait qu’il travaillait comme livreur dans une pizzeria là-bas et qu’il a été interpellé par le commissariat de police d’Orléans pour non-respect des règles de confinement. Il a fait l’objet, par la préfecture du Loiret, d’une décision d’assignation à résidence à Orléans, le temps pour la préfecture de ce département d’organiser son expulsion vers la Guinée », explique le sous-préfet dans un courriel envoyé à Robert Duarte et consulté par Mediapart.

« Je vois mal, dans ces conditions, comment il pourrait poursuivre son apprentissage dans le Doubs sauf à ne pas respecter les obligations qui sont les siennes dans le Loiret et qui pourraient conduire à son incarcération dans ce cadre-là. Ce dossier étant, dorénavant, de la compétence exclusive de la préfecture du Loiret, il ne m’est pas possible d’intervenir de quelque manière que ce soit désormais sur sa situation administrative », ajoute-t-il.  

Planning de Yaya Camara le 28 janvier. L'intégralité des documents montrent qu'il était effectivement noté présent au CFA de Besançon le 28 janvier 2020. © Mediapart
Planning de Yaya Camara le 28 janvier. L'intégralité des documents montrent
qu'il était effectivement noté présent au CFA de Besançon le 28 janvier 2020. © Mediapart
 

Sauf que Yaya Camara, mais aussi ses professeurs et ses patrons, démentent catégoriquement ces accusations. « Il n’a jamais été à Orléans, et ce 28 janvier précisément, il était en cours », jure son formateur. D’après les feuilles de présence que s’est procurées Mediapart, Yaya Camara était effectivement noté « présent » ce jour-là. Trois enseignants ont d’ailleurs produit un témoignage confirmant cette information.

« Soit une autre personne porte son nom, soit elle a usurpé son identité, soit ils ont tout inventé. Ce n’est quand même pas compliqué de comparer ses empreintes avec celles de la personne interpellée, mais on ne nous donne pas de réponse », regrette Maryse Duarte. 

Plus étonnant encore, la préfecture affirme que la personne interpellée à Orléans aurait déclaré résider dans cette ville depuis plusieurs semaines et exercer le métier de livreur de pizzas. Or, les preuves montrant Yaya Camara à Besançon sur cette période ne manquent pas.

Il a ainsi été photographié sur le parvis du Palais de justice de Besançon le 21 janvier dernier. France Bleu a aussi photographié le jeune dans sa classe du CFA le 26 janvier. « J’ai aussi une photo de lui que j’ai prise le 28 janvier », ajoute Raphaël Estienney. 

© France Bleu Besançon
 

Malgré ces éléments, la préfecture du Loiret, qui n’a pas souhaité donné suite à nos sollicitations, persiste à dire que Yaya Camara était bien à Orléans et qu’il y est maintenant assigné à résidence. Et ce, même s’il ne réside pas dans cette ville.

« Aujourd’hui, Yaya ne peut plus travailler, il est caché dans un hôtel du Doubs et ne peut pas sortir car il craint d’être interpellé et enfermé dans un CRA », explique Maryse Duarte. Personne ne sait non plus quand la cour d’appel rendra son arrêt pour se prononcer sur l’obligation de quitter le territoire (OQTF) du jeune homme. « Dans quelques jours, il sera à la rue », s’inquiète Corentin Germaneau du collectif Patrons Solidaires. 

D’après nos informations, le cabinet de Marlène Schiappa, qui n’a pas non plus souhaité nous répondre, aurait « demandé au préfet du Doubs de procéder à un examen approprié de la situation de l’intéressé ». Pour l’heure, ni l’avocate de Yaya Camara ni ses soutiens n’ont obtenu d’éclaircissements sur cette situation.  

Sollicité par Mediapart, le sous-préfet du Doubs confirme sa décision d’expulsion. « Le 28 janvier, il était interpellé par la police aux frontières d’Orléans, en exhibant le récépissé qui lui avait été délivré par mes soins pendant l’instruction de sa demande de titre de séjour, document sur lequel était apposé sa photographie. Prenant en considération que l’intéressé résidait irrégulièrement en France, la préfecture d’Orléans assurait son assignation à résidence », ajoute Jean Richert. 

Alors comment expliquer les nombreux éléments montrant que Yaya Camara était bien à Besançon à la même époque ? Interrogée mercredi, la préfecture semble finalement en douter. « Depuis lors, plusieurs interventions ont mis en doute le passage de M. Camara dans le département du Loiret, reconnaît Jean Richert. Afin d’être en mesure de confirmer s’il s’agit ou non d’une tentative d’usurpation d’identité de M. Camara de la part de la personne interpellée dans le Loiret, j’ai saisi à

« Mardi, on a eu un appel de la PAF de Pontarlier pour nous dire que Yaya se serait fait voler ses papiers, et qu’ils veulent qu’il vienne faire une déclaration d’usurpation d’identité. Mais Yaya ne veut pas y aller car il a peur que ce soit un piège et qu’il termine en centre de rétention », explique Maryse Duarte.

Corentin Germaneau, lui, s’agace : « À chaque fois les papiers guinéens sont remis en question, ce n’est pas acceptable. Et cette histoire d’usurpation d’identité est incompréhensible. On demande un peu d’humanité tout simplement de la part des préfectures et que Yaya puisse finir ses études en toute tranquillité. » 

Le jeune apprenti peut en tout cas compter sur son comité de soutien. Ce dernier sait d’ailleurs que Yaya Camara est loin d’être le seul dans cette situation, comme le rappelait Libération dans une enquête publiée mardi 13 avril.

« Il y a Yaya qu’on défend pour qu’il puisse rester en France et travailler puisqu’il a déjà une promesse d’embauche, explique son enseignant. Mais il y a aussi tous les autres. Au CFA, on doit avoir 15 % de jeunes migrants et certains qui viennent d’avoir 18 ans. Si on se bat aujourd’hui, c’est aussi pour eux. Le minimum qu’on demande, c’est qu’ils puissent terminer leur formation quand ils l’ont commencée », explique Raphaël Estienney. Et de souligner : « Ils prennent la place de personne. D’autant que dans le bâtiment ou dans la boulangerie, ce sont des métiers où il y a un vrai besoin. » 

 

 


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