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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Ghalia Kadiri - 20/05/2021

Reportage : La moitié des 8 000 personnes ayant franchi illégalement, depuis lundi, la frontière qui sépare le royaume chérifien de l’enclave espagnole ont été contraintes de rebrousser chemin.

Saïd s’avance pieds nus au milieu des débris de verre parsemant le sol, les yeux rougis par les gaz et la colère. Derrière lui, des centaines de jeunes hommes, des femmes et des enfants marchent, tête baissée, laissant derrière eux la frontière grillagée qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Ceuta, au nord du royaume, et l’espoir de fuir la misère et le chômage. La moitié des 8 000 personnes ayant franchi illégalement cette frontière depuis lundi 17 mai ont été contraintes de rebrousser chemin, refoulées « à chaud », quel que soit leur âge. Elles ont réussi à pénétrer dans l’enclave avant d’être expulsées par les autorités espagnoles.

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« Tout ça pour ça !, lâche Saïd. Nous avons passé presque deux jours à Ceuta, étouffés par les gaz lacrymogènes, entassés par terre, avant d’être reconduits à la frontière. »

Prise de court par cette arrivée inédite, la préfecture de Ceuta a mobilisé des soldats antiémeute pour dissuader les candidats à l’exil. Accusé de les avoir délibérément laissés passer, sur fond de crise diplomatique avec Madrid, le Maroc a fini par renforcer son dispositif de surveillance dans la journée de mardi, alors que les tentatives de passage ont déjà fait un mort.

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Mais beaucoup ont poursuivi malgré tout, provoquant des scènes de chaos près de la frontière. Dans la nuit de mercredi à jeudi, de violents heurts ont éclaté avec la police. Plusieurs centaines de jeunes ont lancé des projectiles en direction des forces de l’ordre, fracassé des lampadaires et brûlé des panneaux publicitaires.

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« On a la haine, lance Saïd. Ici, il n’y a pas de travail, pas d’avenir, plus de place pour la dignité. » Lundi, le jeune homme de 21 ans, sans travail, originaire de la ville voisine de M’diq, s’était rendu à Fnideq, où se trouve la frontière avec Ceuta, pour tenter la traversée, muni d’un sac plastique contenant ses affaires personnelles. « C’est un policier qui m’a prévenu », assure Saïd. Il a atteint Ceuta à la nage, sous le regard passif des autorités marocaines.

Relâchement des contrôles

Comme lui, des milliers de jeunes Marocains issus principalement du nord du pays se sont rués vers le passage frontalier, marchant par dizaines sur les bas-côtés de la route, certains s’accrochant à l’arrière des voitures.

A Fnideq, le chemin menant au poste-frontière de Ceuta, d’ordinaire sous haute surveillance, était désert. La nouvelle du relâchement des contrôles s’est répandue comme une traînée de poudre, à coups de vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Une véritable marée humaine s’est alors déversée sur les plages mais aussi dans les terres, où des milliers de personnes ont progressé dans les collines verdoyantes. La plupart se sont ensuite faufilées à travers les grillages, à pied, ou ont traversé la frontière maritime à marée basse, sans être inquiétées par les forces marocaines.

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Des familles entières sont venues de tout le pays. Amina est arrivée mardi de Sidi Othmane, en périphérie de Casablanca, avec son fils d’un an et demi. « J’ai vendu mes affaires pour payer le trajet et maintenant, nous n’avons plus rien pour repartir », se désole cette femme de ménage de 26 ans, au chômage, refoulée mardi après avoir franchi la clôture grillagée, son bébé dans les bras.

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Des migrants subsahariens ont aussi profité de ce moment de confusion pour tenter le périple comme Mohamed, arrivé de Conakry (Guinée) en 2019 et installé dans un camp de fortune à Agadir. « C’est un miracle ! Il n’y a pas besoin de passeur, ni de savoir nager. Je vais enfin atteindre l’Europe ! », croyait-il savoir, mardi, après un long trajet depuis le sud du royaume. L’espoir s’est vite éteint pour le Guinéen de 30 ans, interpellé au pied du TGV, à Tanger, où la police guettait l’arrivée de migrants. Les Subsahariens qui ont réussi à atteindre la frontière ont quant à eux été embarqués de force dans « une quarantaine de bus destinés à les ramener dans leurs villes respectives », a assuré un agent des forces auxiliaires marocaines chargé d’organiser leur retour.

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« Il est possible que les autorités aient voulu éloigner les migrants subsahariens pour que l’on ne confonde pas le coup de pression du Maroc sur l’Espagne et la dimension migratoire, analyse le sociologue Mehdi Alioua, spécialiste des migrations. Des Marocains qui entrent provisoirement dans une ville voisine, c’est une chose. Mais laisser des migrants subsahariens entrer en Europe poserait de graves problèmes, y compris pour le Maroc. »

La question coloniale « n’est pas réglée »

Ce coup de pression intervient alors que le climat est particulièrement tendu entre Madrid et Rabat depuis l’hospitalisation, en Espagne, sous une fausse identité, du chef du Front Polisario, Brahim Ghali. Le ministère marocain des affaires étrangères avait alors haussé le ton et prévenu que l’Espagne devrait en assumer « toutes les conséquences », dans un communiqué le 8 mai, alors que Rabat est un allié stratégique de l’Espagne dans la lutte contre l’immigration clandestine. « Qu’attendait l’Espagne du Maroc, lorsque celui-ci a vu qu’elle hébergeait le responsable d’un groupe qui a pris les armes contre lui ? », a réagi le ministre des droits de l’homme, Mustapha Ramid, mardi, sur Facebook.

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« Au-delà de la dimension migratoire, il y a avant tout une dimension de souveraineté, de frontières européennes à l’intérieur même du territoire marocain. Je pense que c’est le message que veut faire passer Rabat : tant qu’il y a des Marocains qui passent à Ceuta, c’est qu’ils devraient être chez eux », explique l’enseignant-chercheur Mehdi Alioua, rappelant que la question coloniale liée aux deux enclaves espagnoles « n’est toujours pas réglée » et que l’identité transfrontalière reste très forte.

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La question est d’autant plus sensible que le nord du Maroc souffre depuis plus d’un an d’une crise économique et sociale sans précédent. La fermeture de la frontière avec Ceuta et Melilla pour cause de Covid-19, en mars 2020, a asphyxié toute la région, dont l’économie dépend des échanges avec les enclaves espagnoles. Les habitants se sont retrouvés privés de revenus et, pour certains, séparés de leurs proches car, avant la crise sanitaire, la carte de résident leur permettait d’entrer à Ceuta sans visa. Depuis février, ils manifestent tous les vendredis pour réclamer la réouverture des frontières, en vain. Désespérés, eux aussi tentent de passer la clôture depuis lundi.

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Conscients de l’enjeu diplomatique derrière le relâchement des contrôles, les milliers de Marocains venus tenter leur chance à Fnideq ne décolèrent pas.

« Nous avons été instrumentalisés à des fins politiques. Inciter les gens à émigrer, leur donner de l’espoir, pour finalement les jeter à la rue, voilà ce que vaut la vie au Maroc », s’indigne Mehdi, un garçon d’à peine 16 ans, refoulé de Ceuta mardi. Refusant de partir, lui et son groupe d’amis originaires de Tétouan, tous déscolarisés, dorment par terre, à quelques kilomètres de la frontière, et manifestent contre la hogra (« mépris ») du pouvoir, donnant à cette crise des airs de révolte sociale.

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