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Source : InfoMigrants - Charlotte Oberti - 28/05/2021

Plusieurs associations actives auprès des migrants dans le nord de la France, et bénéficiant de financements venus d'une organisation britannique, disent avoir reçu pour consigne de ne plus distribuer des tracts de sensibilisation aux dangers des traversées - qui incluent notamment les numéros de secours en cas de détresse en mer. Une consigne qui résulterait de "pressions" venues de Londres, selon elles.

Dans le nord de la France, le monde associatif est en effervescence. La semaine dernière, un email a atterri dans les boîtes de réception de plusieurs ONG présentes à Calais et à Grande-Synthe. Son expéditeur : une organisation britannique, qui ne souhaite pas être nommée, qui finance en partie ces associations ou leurs actions venant en aide aux migrants. Ses destinataires : l'Auberge des migrants, Calais Food Collective, The Refugee Women Center, Refugee Info Bus, Maison Sesame, entre autres.

Le message électronique contenait une demande adressée à ces associations : stopper la diffusion de tracts explicatifs parmi la population migrante de Calais et Grande-Synthe visant à sensibiliser les personnes aux risques des traversées en bateaux ou en camions vers le Royaume-Uni. Des tracts qui, redoute-t-on, pourraient être assimilés à de l'aide à la traversée illégale.

Sur ces documents figurent des numéros d'urgence, comme celui de la Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM), mais aussi des conseils pratiques. Ils permettent par exemple de savoir repérer quand une personne est en état d'hypothermie.

À (re)lire : Manche : comment s’organisent les sauvetages de migrants en pleine mer ?

Selon plusieurs associations contactées par InfoMigrants, cette requête a été faite "sur les conseils des avocats" de l'organisation britannique en question, par crainte de représailles de Londres. En plus d'une communication par email, l'organisation britannique s'est fendue d'un amendement au contrat qui encadre sa collaboration financière avec ces diverses associations. Cette nouvelle clause stipule que les tracts en question ne doivent plus être distribués par les organisations bénéficiant de financements.

"L'organisation dont on parle est sous le contrôle de la Charity Commission (organisation caritative active en Angleterre et au Pays-de-Galles, ndlr) qui, elle, est sous pression des autorités britanniques", explique François Guennoc, président de l'Auberge des Migrants.

En d'autres termes, Londres, qui affiche une fermeté toujours plus grande envers l'immigration clandestine venue de France, influerait sur les pratiques des associations venant en aide aux migrants sur le sol français. L'organisation émettrice de l'email n'a pas souhaité faire de commentaire. Contacté par InfoMigrants, le Home Office, équivalent britannique du ministère de l'Intérieur, n'a quant à lui pas répondu à nos questions sur d'éventuelles directrices adressées à la Charity Commission.

"Ces tracts, ce sont des documents qui sauvent des vies humaines"

Les tracts à l'origine des crispations circulent depuis environ un an sur ces territoires où résident plusieurs centaines de migrants en transit. Déclinés en plusieurs langues, ils alertent sur les dangers de la traversée de la Manche ainsi que sur les passages dans des camions. 

 

Le tract sur les traversées de la Manche.
Le tract sur les traversées de la Manche.

 

"Avec les autres associations, on s'était tous mis d'accord sur ces tracts. C'est légal, on s'était renseigné au préalable. Ce sont des documents qui sauvent des vies humaines", assure François Guennoc, qui se défend de toute complicité avec les réseaux de passeurs. "On accuse les ONG d'être complices des passeurs mais pas du tout : on avertit simplement des dangers et on donne des numéros de secours. Quand les exilés sont en rade en mer, ils appellent."

 

Le tract sur les traversées en camions.
Le tract sur les traversées en camions.

 

Dans les faits, ces tracts sont une ressource précieuse, estime lui aussi Arnaud Gabillat, coordinateur à Grande-Synthe d'Utopia 56, association qui n'est pas financée par ce partenaire britannique et n'est donc pas concernée par ces nouvelles directives.

"Nous, on continuera à diffuser ces documents, dit-il. Nos équipes se retrouvent parfois au téléphone avec des gens qui sont en train de couler ou qui sont dans des camions dans des états d'agonie. On a besoin que les informations sur les passages soient distribuées massivement. C'est notre devoir de citoyen."

"Si cette organisation arrête de nous aider, plein de choses risquent de s'effondrer"

Pour les associations concernées par ce changement de pratique, c'est un casse-tête. Faut-il continuer à sensibiliser les migrants aux dangers encourus ou préserver leurs relations avec une organisation qui finance largement et depuis plusieurs années les actions menées sur ce littoral ?

À (re)lire : La Manche, théâtre de plus de 9 500 passages ou tentatives de passage de migrants en 2020

La plupart des acteurs associatifs concernés disent "réfléchir" aux suites à donner à leurs actions de sensibilisation sur le terrain. Certains, à l'image de l'Auberge des Migrants, dont l'association-partenaire Human Rights Observers est financée à 50 % par les Britanniques, ont décidé de stopper temporairement la distribution de ces flyers. "On trouve ça scandaleux mais cette organisation britannique est notre partenaire et nous ne voulons pas qu'elle soit entravée dans ses actions [par le gouvernement britannique]", commente encore François Guennoc. "De plus, si elle arrête de nous aider, plein de choses risquent de s'effondrer [à Grande-Synthe et à Calais] : les distributions de tentes, de nourriture, de couvertures, de vêtements... "

"On est très, très choqués qu'une association qui soutient supposément les personnes exilées essaient de se plier à des lois en les interprétant à leur gré", affirme pour sa part Clara, membre du Refugee Women Center, qui dit réfléchir à "un plan d'action". "Selon notre compréhension de la loi, pourtant, ce type de document ne pose pas de problème."

À (re)lire : Royaume-Uni : une frontière 100% numérique d'ici 2025

Ces derniers mois, Londres a considérablement renforcé la lutte contre l'immigration illégale. Parmi diverses mesures, la ministre chargée de la stratégie d’immigration post-Brexit a présenté en mars à la Chambre des communes une réforme du système d'asile qui n’accorde plus les mêmes droits aux personnes entrées légalement ou illégalement dans le pays. Le but : décourager les migrants et freiner les arrivées sur les côtes anglaises alors que les traversées de la Manche battent des records.

"Être sur cette frontière, c'est un acte politique"

Ces récentes "pressions" dénoncées par les associations seraient donc le dernier volet de ce tournant sécuritaire amorcé par Londres. "Les autorités essaient de trouver des solutions pour tenter d'arrêter les traversées de la Manche et même, en amont, de décourager les ONG de rester près de la frontière. Ils essaient de trouver des failles", poursuit François Guennoc.

Au-delà de la distribution des flyers, c'est toute la démarche de sensibilisation des migrants, de manière écrite comme verbale, qui serait visée. Les associatifs estiment ainsi qu'un tabou est en train de se créer : "Il faudrait seulement venir donner de la nourriture et des vêtements aux migrants, mais ne surtout pas parler des passages pour ne pas leur mettre des idées en tête et ainsi être taxés de complicité avec les passeurs", résume Arnaud Gabillat, d'Utopia 56. 

À (re)lire : Calais : une centaine de migrants tentent de pénétrer dans le port en pleine nuit

Une absurdité selon le militant pour qui la présence des migrants sur les territoires de Calais et de Grande-Synthe est un indicateur clair que ces personnes prévoient de tenter le passage en Angleterre. "Les exilés ne sont pas venus à Calais et à Grande-Synthe pour le climat!", se moque-t-il. Quant au rôle des associations, qui pallient aux "manquements de l'Etat qui font que ces personnes se retrouvent dans cette situation", il ne saurait se limiter à de l'humanitaire matériel basique. "Pour les associations, être sur cette frontière, c'est indéniablement un acte politique."

 

 


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