Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - David Perrotin - 02/06/2021

La préfecture de police de Paris a refusé à un Algérien victime des attentats du 13 novembre 2015 le renouvellement de son titre de séjour. Marlène Schiappa demande le réexamen du dossier. Mais l'avocat de ce barman de 26 ans, partie civile au procès programmé en septembre, dénonce une position « scandaleuse » et un « double discours » des autorités.

Il y a des naturalisations que le gouvernement assume. Les « héros » ou certaines victimes à qui on remet fièrement des papiers d’identité. Et puis il y en a d’autres à qui on ordonne discrètement de quitter le territoire français. 

Karim*, 26 ans, de nationalité algérienne et qui préfère garder l’anonymat, a fait une demande de renouvellement pour son titre de séjour comme il le fait chaque année depuis 2016. Mais cette fois-ci, comme l’a révélé 20 Minutes, la préfecture de police de Paris l’a refusée. Elle a délivré le 27 mai dernier une ordonnance de quitter le territoire français (OQTF) avec une interdiction de revenir en France d’une durée de trente-six mois. 

Pour ce barman, en CDI depuis plus de sept ans dans le même restaurant, c’est la douche froide. « Je suis en France depuis 2013, je parle parfaitement français et je suis en CDI, je ne comprends pas leur refus », déplore-t-il auprès de Mediapart. « Je me sens français, j’ai mes quatre sœurs ici, je suis même en train de passer mon permis », ajoute-t-il. Tout ce que je demande, c’est de pouvoir poursuivre ma vie et mon travail ici. » 

Commémoration des attentats terroristes de novembre 2015 devant le Bataclan à Paris en 2019. © Nicolas Portnoi / Hans Lucas / via AFP
Commémoration des attentats terroristes de novembre 2015 devant le Bataclan à Paris en 2019. © Nicolas Portnoi / Hans Lucas / via AFP
 

En plus d’être « parfaitement intégré », Karim a aussi un dossier particulier : il est l’une des victimes des attentats du 13 novembre 2015. Le soir du drame, il  travaillait dans l’un des établissements visés par les terroristes à Paris et dont il souhaite taire le nom. « J’ai entendu des coups de feu alors que je me trouvais près du bar […]. Au début je croyais que c’étaient des pétards, je me suis retourné et j’ai vu un mec avec une arme mais je ne sais pas si c’était une kalachnikov, il portait un manteau noir », a-t-il témoigné le soir des attentats, d’après le procès-verbal de son audition consulté par Mediapart. 

Alors que l’un des terroristes tirait sur les gens installés en terrasse, le barman, comme la plupart des clients attablés à l’intérieur, est allé se réfugier dans les toilettes. « Des gens criaient et pleuraient, je suis rentré dans les toilettes, j’ai fermé la porte et je me suis mis à pleurer », peut-on lire sur ce PV, avant qu’il ne détaille le moment d’après, lorsqu’il a vu les victimes tuées, blessées ou traumatisées.  

S’il n’a pas été touché physiquement, Karim tente depuis de se reconstruire « petit à petit ». Il a d’ailleurs perçu une indemnisation de 55 000 euros du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme en 2018, qui précisait même dans un courrier : « La France a toujours tenu à être aux côtés des victimes, en particulier pour réparer le mieux possible les préjudices subis. »

Il est aussi partie civile au procès hors norme des attentats de Paris et de Saint-Denis qui doit débuter le 8 septembre prochain, devant la cour d’assises spéciale de Paris. Si elle était exécutée, cette OQTF l'empêcherait au passage d’assister au procès. 

Courrier du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme envoyé à Karim en 2018. © Mediapart Courrier du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme envoyé à Karim en 2018. © Mediapart

La préfecture de police de Paris a tout simplement décidé de ne pas tenir compte de ces éléments. Marié en 2016 avec une Française, Karim demandait jusqu’à présent un titre de séjour « vie privée-vie familiale ». « Mais en 2018, ma femme m’a quitté du jour au lendemain et la communication est difficile puisqu’elle ne souhaite pas revenir [au domicile –ndlr] pour que l’on divorce officiellement », explique le barman qui avait clairement mentionné sa situation à la préfecture. Dans sa décision, celle-ci mentionne aussi une amende de 200 euros reçue par Karim pour conduite en état d'ivresse. 

Sollicitée par Mediapart, la préfecture de police assume sa décision.  « Il avait bénéficié à deux reprises de titres de séjour en tant que conjoint de Français. Lors de sa demande de renouvellement,  il ne pouvait plus justifier d’une communauté de vie avec son épouse excluant un possible renouvellement », explique-t-on au cabinet de Didier Lallement : « Pour cette raison, les services de la préfecture lui ont alors proposé de faire un examen de situation au titre de salarié, et se sont vus opposer un refus. » 

Me Henri Braun, l’avocat de Karim, confirme avoir refusé de renouveler la demande au titre de salarié mais nuance. « Je craignais qu’avec le Covid et la fermeture des restaurants, on lui refuse plus facilement ce titre. Mais cela me paraissait aussi logique qu’il obtienne un renouvellement en tant que conjoint de Français puisqu’il l’avait déjà obtenu l’année précédente alors qu’il était déjà séparé », explique l’avocat. 

Pour MBraun, « le scandale est ailleurs » : « La préfecture connaît parfaitement la situation de mon client et décide malgré tout de l’expulser. » L’avocat avait insisté pour que la préfecture fasse preuve de discernement. « Je vous demande de prendre en compte le fait que le titre de séjour sollicité l’est au titre de la vie privée et familiale, en raison tant de la durée de séjour de Monsieur XX et de son exceptionnelle insertion dans la société française que de sa qualité de victime des attentats du 13 novembre 2015 », peut-on lire dans un courriel envoyé le 19 avril dernier. 

La préfecture a choisi d’ignorer l'argument. « Que l’intéressé se déclare victime d’attentats ne lui confère aucun droit au regard de la législation en vigueur », justifie l’institution dans son OQTF. « Quand on lit ça, on se dit qu’on va vers  le pire », dénonce Me Henri Braun qui demande aujourd’hui que Karim soit naturalisé. Il souhaite aussi qu’une enquête administrative soit ouverte pour « comprendre comment cela a pu arriver » et pour savoir « si Karim est un cas isolé ». « Je trouve ça absolument scandaleux. Il y a un double discours au niveau des responsables politiques. D’un côté, on explique qu’on veut aider les victimes, et de l’autre, on se permet d’en expulser certaines. »

En effet, le gouvernement a pu dans le passé se montrer bien moins rigide. Après avoir été retenu en otage le 13 novembre 2015 au Bataclan, David, un Chilien de 25 ans, avait été naturalisé. Il avait même participé à une cérémonie d’accueil organisée au Panthéon. 

Sollicité par Mediapart, le cabinet du ministre de l’intérieur a refusé de s’exprimer. La ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, a indiqué, elle, après avoir été sollicitée par le site de 20 Minutes,  qu’elle souhaitait qu’une « solution soit trouvée » et sa situation « réexaminée ». Elle n’a rien dit en revanche sur la position de la préfecture : celle de tranquillement assumer et justifier l’expulsion d’une victime d’attentats. 

 

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter