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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Juliette Bénézit - 02/06/2021

Selon les associations, les autorités s’appuient sur des éléments parfois peu tangibles pour conclure à la dangerosité d’un individu, sur fond de lutte contre le terrorisme et de soupçons de radicalisation.

Quand la police a débarqué chez lui à l’aube, mercredi 26 mai, Anzor (le prénom a été modifié) n’a « rien compris ». Avec sa femme, il s’est retrouvé menotté dans la chambre, devant les enfants. « Les forces de l’ordre venaient chercher le fils de ma concubine », explique ce ressortissant tchétchène de 38 ans, en France depuis dix-sept ans, et qui vit dans le Bas-Rhin. Ce jour-là, quatre jeunes âgés de 16 à 18 ans ont été interpellés dans ce département et placés en garde à vue pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, soupçonnés d’avoir « préparé un projet d’action violente ». Ils seront finalement relâchés trois jours plus tard, sans poursuites.

Sur Anzor aussi, des soupçons pèsent. Les autorités veulent l’expulser en Russie, estimant qu’il représente une « menace pour l’ordre et la sûreté publique ». Réfugié politique en France après avoir fui la Tchétchénie, il s’est vu retirer son statut. Il n’a jamais fait l’objet de poursuites judiciaires, mais des « notes blanches » émises par les services de renseignement estiment qu’il fréquenterait des personnes radicalisées. Lui conteste : « Il n’y a aucune preuve contre moi. Mon pays, celui de mes enfants, c’est la France. » La commission d’expulsion du Bas-Rhin a donné un avis défavorable à son renvoi, le 27 avril. La préfecture doit encore décider de son sort.

Lire notre enquête : « Jusqu’à récemment, on arrivait à se fondre dans la masse » : le désarroi des Tchétchènes

Sur fond de lutte contre le terrorisme et de soupçons de radicalisation, les Tchétchènes de France – quelques dizaines de milliers de personnes au total – font face à une pression accrue des autorités ces derniers mois. Dans la foulée de l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, le 16 octobre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), par un jeune réfugié tchétchène, Gérald Darmanin a annoncé son intention d’intensifier les renvois des personnes originaires de cette république du Caucase dirigée par le dictateur Ramzan Kadyrov. Mi-novembre 2020, le ministère de l’intérieur s’est d’ailleurs rendu à Moscou pour discuter de la question avec ses homologues russes.

Darmanin a durci le ton

Depuis, Amnesty International, la Ligue des droits de l’homme et le Comité Tchétchénie ont dénombré au moins une dizaine d’expulsions. Celle de Magomed Gadaïev, le 13 avril, a créé l’émoi au sein de la communauté. Ce Tchétchène de 36 ans, soupçonné de radicalisation islamiste par le ministère de l’intérieur, est connu pour être un opposant au régime de Kadyrov et être en danger de mort. « Nous n’avons, à ma connaissance, plus aucune nouvelle de lui depuis le 24 avril », rapporte son avocat, Me Arnaud Toulouse. Dès son arrivée en Russie, M. Gadaïev a été détenu par le FSB, les services de sécurité russes, puis transféré en Tchétchénie. Le Conseil d’Etat, saisi par ses avocats, a rejeté, mi-mai, l’annulation de son expulsion.

Lire aussi Un Tchétchène expulsé par la France est enlevé en Russie par les agents de Ramzan Kadyrov

Dans un entretien au Figaro, publié le 6 mai, Gérald Darmanin a encore durci le ton, cette fois sur la question du retrait du statut de réfugié aux personnes condamnées pénalement ou soupçonnées de radicalisation, une procédure qui ouvre ensuite la voie à une expulsion. « Ces trois derniers mois, 147 décisions de retrait de protection ont été prises. C’est sans précédent », a insisté le ministre. Parmi elles, « la part des ressortissants russes est significative, mais les nationalités concernées sont très diverses », tient à préciser Julien Boucher, directeur de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’organisme chargé de la délivrance et du retrait du statut. En 2020, 23,1 % des 312 retraits (tous motifs confondus) concernaient des ressortissants russes, majoritairement tchétchènes.

« Il y a une grande inquiétude actuellement au sein de la communauté, on se sent piégé », résume Chamil Albakov, porte-parole de l’Assemblée des Tchétchènes d’Europe. C’est ce que raconte Adlan (le prénom a été modifié), 33 ans, arrivé en France il y a dix-neuf ans. Le 17 novembre 2020, vers midi, il a été arrêté par des policiers, officiellement pour non-port du masque. Une fois au poste, sa situation administrative est vérifiée : Adlan n’est pas en règle, il n’a pas fait renouveler son titre de séjour depuis 2015. Un arrêté d’expulsion est pris à son encontre dans la foulée. Son avocat, Me Franck Chouman, multiplie les recours et finit par comprendre que son client, suivi par les services de renseignement, est soupçonné de radicalisation. Adlan lui, s’en défend. Il dit qu’il était « présent pour l’hommage à Samuel Paty organisé à Nice » et qu’il a peur de retourner en Russie, car il s’est « toujours exprimé librement sur la Tchétchénie depuis la France ». En attendant l’issue de son recours, il vit « sans sortir », « sans pouvoir travailler », de crainte d’être expulsé.

Débat à la fois juridique et symbolique

Du côté des associations, on accuse la France de faire feu de tout bois et de s’appuyer sur des éléments parfois peu tangibles pour conclure à la dangerosité d’un individu. D’après les éléments consultés par Le Monde, en plus de ses fréquentations, Anzor s’est vu reprocher de faire du « airsoft », une activité qui mobilise des armes à feu factices propulsant de petites billes. Là encore, la commission d’expulsion a jugé que « cette pratique n’était pas à elle seule une manifestation d’un comportement portant atteinte à l’intégrité de l’Etat ». « On agrège plein de petites choses qui, mises bout à bout, donnent l’impression qu’une personne est dangereuse sans que cela soit réellement démontré », déplore son conseil, Anaïs Rommelaere.

« Pour établir la menace grave à la sûreté de l’Etat, les autorités se basent sur des notes venant des services de renseignement qui sont sérieusement contestables, qui ne sont souvent pas actuelles et où il y a parfois des éléments faux », abonde Lucie Simon, avocate chargée d’une quinzaine de dossiers de ressortissants tchétchènes menacés de se voir retirer leur statut de réfugié et/ou d’être expulsés. « Les expulsions de Tchétchènes ont concerné des individus dont la dangerosité était avérée. Leur protection internationale a été levée, et les mesures contrôlées par le juge », plaide-t-on place Beauvau.

Le débat, à la fois juridique et symbolique, porte également sur des situations plus délicates encore : le cas des personnes qui encourent un danger réel dans leur pays d’origine mais qui constituent une menace potentielle en France. D’après les textes internationaux et la jurisprudence européenne, les Etats peuvent déroger au principe de non-refoulement si l’individu représente un danger pour leur société. Une exception, néanmoins, est prévue, lorsque la personne risque d’être victime d’actes de torture, de peines ou traitements inhumains et dégradants dans son pays d’origine.

Dans un arrêt du 15 avril 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a donc demandé à la France d’apprécier de façon « précise et sérieuse » les risques qu’un réfugié dit encourir en cas de retour. L’affaire portait en l’espèce sur le cas d’un Tchétchène condamné en France pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste, qui a toujours la qualité de réfugié en ce qu’il est menacé en Russie. Il conteste son expulsion.

 

 


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