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Source : InfoMigrants - Julia Dumont - 04/08/2021

Le 28 juillet dernier, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de visa de Fatima A., une jeune Afghane de 28 ans, qui a été employée par l’armée française en Afghanistan entre 2011 et 2012. Menacée dans son pays, la jeune femme avait déjà demandé une protection au ministère des Armées en 2019.

Fatima A. a toujours été victime de menaces depuis qu’elle a travaillé comme caissière pour l’armée française, entre 2011 et 2012. Mais ces derniers mois, avec l’avancée des Taliban, la jeune femme se sent plus en danger que jamais.

"J’ai trop peur ces jours-ci. Pour aller travailler, je me cache le visage et je mets des lunettes. J’ai peur d’être agressée dans la rue. Quand un inconnu me regarde fixement, j’ai l’impression qu’il va m’assassiner. Je ne dors plus", a-t-elle confié à InfoMigrants. "Il y a peu de temps ma mère a entendu dire que mon oncle avait menacé de me tuer sans hésitation si les Taliban prenaient le pouvoir. C’est un ancien Taliban qui habite près de chez moi."

Malgré ces menaces et les craintes de Fatima pour sa vie, le 28 juillet, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de visa de la jeune femme de 28 ans, estimant que les éléments produits par l’ancienne auxiliaire de l’armée française "ne permettent pas d'attester la réalité des craintes qu'elle invoque". Fatima A. avait déposé devant le tribunal administratif un référé contre le refus de visa que lui avait déjà opposé le ministère des Armées en 2020.

"Ils me disaient d’arrêter de travailler pour les infidèles"

Employée entre 2011 et 2012 comme caissière dans le magasin d’un camp militaire français de Kaboul, Fatima A. avait subi des menaces dès le début de son contrat et demandé une protection en 2019 au ministère des Armées.

"Quand je travaillais dans le magasin du camp militaire, j’ai reçu des menaces de la part d’inconnus qui m’appelaient. Ils me disaient d’arrêter de travailler pour les infidèles, que si je n’arrêtais pas, ils allaient me trouver et me tuer. J’en ai parlé à plusieurs reprises au responsable du camp, mais il m’a dit qu’il n’y pouvait rien", raconte la jeune femme.

À cette époque, les menaces que subit Fatima A. ne s’arrêtent pas à elle. Sa famille aussi en fait les frais. "Les voisins ne voulaient plus nous fréquenter. Personne ne voulait m’épouser ou épouser mes sœurs. Les gens disaient que je n’étais pas musulmane", se souvient l’ancienne caissière.

Dès 2013, Fatima A. trouve finalement un autre emploi dans une entreprise et finit par reprendre des études de sage-femme. Mais l’année qu’elle a passée en tant qu'employée de l’armée française la poursuit et la met d’autant plus en danger que les armées occidentales se désengagent d’Afghanistan et que les Taliban élargissent à toute vitesse leur emprise sur le territoire afghan.

Massacres de civils

Cette avancée s’accompagne de violences envers la population civile. Les ambassades américaine et britannique à Kaboul ont accusé, le 2 août, les Taliban d'avoir "massacré des dizaines de civils" à titre de représailles dans le district de Spin Boldak, dans le sud de l'Afghanistan, dont ils se sont emparés le 14 juillet.

"Ces meurtres sont susceptibles de constituer des crimes de guerre ; ils doivent faire l'objet d'enquêtes et les combattants ou chefs Taliban responsables doivent rendre des comptes", indiquent les deux ambassades en termes similaires sur leurs comptes Twitter respectifs, renvoyant à un rapport de la Commission afghane indépendante des droits de l'Homme (AIHRC).

Dans cette tentative de conquête du pouvoir par les insurgés Taliban, les anciens auxiliaires et interprètes des armées occidentales sont particulièrement visés. En juin dernier, Abdul Basir, un ancien auxiliaire de l’armée française de 34 ans a été retrouvé abattu d’une balle, le visage tuméfié, dans la province de Wardak. L’ambassade de France à Kaboul avait rejeté par trois fois ses demandes de visa.

Plus récemment, c’est un ancien interprète de l’armée britannique qui a été assassiné à Kaboul par des hommes armés fin juillet. "L’Afghanistan est en train de s’effondrer et les personnes qui ont été associées aux forces occidentales sont des cibles toutes désignées", soulignait le 28 juillet Sara de Jong, chercheuse sur les questions migratoires à l’université de York (Royaume-Uni) et engagée pour la protection des interprètes afghans, interrogée par la BBC.

Des menaces personnelles, actuelles et réelles 

Si la France persiste dans le refus d’accorder une protection et un visa à Fatima A., c’est que le Conseil d’État exige, depuis une jurisprudence de juillet 2019, des auxiliaires afghans qu’ils démontrent que les menaces qui les visent sont personnelles, actuelles, réelles et directement liées à leurs anciennes fonctions.

Un niveau de preuves impossible à atteindre, selon Antoine Ory, avocat de Fatima A. "Même dans un pays qui n’est pas en guerre comme la France, c’est compliqué d’apporter la preuve des menaces qu’on a reçues. Alors, imaginez en Afghanistan…", souligne-t-il, dénonçant le "juridisme derrière lequel se réfugie le ministère des Armées."

Fatima A. l’admet sans détour : elle n’a pas porté plainte pour les menaces qu’elle a reçues car, selon elle, cela la mettrait encore plus en danger. "Les policiers afghans sont corrompus. Vous ne pouvez pas vous fier à eux, surtout quand vous êtes une femme", déplore-t-elle.

L'avis de la France sur les menaces qui pèsent sur les auxiliaires "va à l'encontre de ce que disent les rapports des ONG et des observateurs internationaux", dénonce Antoine Ory. "Même le Bureau européen de l’asile dit clairement que ces personnes sont menacées parce qu’elles ont collaboré avec l’armée française".

Évacuations vers les États-Unis

Pour l'avocat, la position française est d’autant plus incompréhensible que "le risque politique d’accueillir ces personnes est très faible". "C’est un combat qui réunit des gens de droite comme de gauche", affirme-t-il.

Les États-Unis, qui doivent finaliser d’ici le 31 août le retrait de leurs troupes d’Afghanistan après 20 ans de présence dans le pays ont, eux, commencé à rapatrier plusieurs centaines d'Afghans ayant collaboré avec l’armée américaine.

Au total, 2 500 Afghans ayant travaillé pour les États-Unis – notamment comme interprètes – ont jusqu'ici franchi toutes les étapes en vue de l'obtention d'un visa d'immigration spécial (SIV). Mais selon certaines estimations, environ 20 000 Afghans sont susceptibles de pouvoir bénéficier de ce visa, ce qui pourrait porter le nombre d'Afghans à évacuer du pays à 100 000, familles incluses.

Le nombre d’Afghans ayant travaillé avec l’armée française est bien moins important. Environ 800 personnes ont été employées par l’armée française en tant qu’interprètes, mais aussi chauffeurs, cuisiniers, caissiers etc.

Face aux refus de Paris d’entendre ses craintes, l’état de santé de Fatima se dégrade. La jeune femme vit aujourd’hui sous antidépresseurs et chaque jour les nouvelles des avancées des Taliban renforcent sa peur. "Je me dis que si un jour les Taliban arrivent à Kaboul, je me suicide avant d’être tuée ou réduite en esclavage, assure-t-elle, désespérée. Les femmes comme moi, pour eux, ce ne sont que des esclaves sexuelles."

 

 


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