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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Mediapart - Rémi Yang et Sébastien Calvet (photos) - 20/08/2021

Sous le pont du canal de l’Ourcq, entre Paris et Pantin, environ 70 exilés afghans se réunissent dans l’espoir d’être mis à l’abri. Ils témoignent de conditions d’accueil déplorables, alors que la France s’est engagée à accueillir les personnes « qui sont le plus menacées » tout en mettant en garde contre les « flux migratoires irréguliers ».

Éclairés par la lumière des quelques réverbères qui parsèment l’endroit, quatre jeunes Afghans se passent un ballon de foot légèrement dégonflé au pied. Il fait nuit, ce mercredi à 22 heures, quand du monde commence à rappliquer sous le pont du canal de l’Ourcq, entre Paris et Pantin. Quelques associatifs d’Utopia 56 et de Solidarité migrants Wilson se réunissent ce soir pour une maraude de nuit dans ce spot où se sont regroupés environ 70 exilés, en grande majorité afghans, d’après Camille, de Solidarité migrants Wilson. Dans la pénombre, plusieurs dizaines d’entre eux sont recroquevillés dans un renfoncement, sous le pont. Quelques-uns sont enveloppés dans des couvertures. Le temps est pourtant doux. 

Assis au bord du canal, Jameel Jaan est en visioconférence avec plusieurs amis qu’il a rencontrés en France. Des Afghans, comme lui. Casquette motif camouflage sur la tête, le jeune homme de 20 ans est bavard, malgré les cernes qui marquent son visage. « Je dors sous le pont depuis deux mois, raconte-t-il. Je suis très fatigué, déprimé, en stress… » À l’autre bout du fil, ses amis ont bonne mine. « Ils ont une bonne vie ici. Ils travaillent et dorment dans un hébergement donné par le gouvernement. Moi, j’ai trop de problèmes ici. Ma vie, c’est la rue. Depuis juin, je dors dans la rue. »

Jameel Jaan, sur les bords du canal de l’Ourcq, le 18 août 2021. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Comme Jameel Jaan, tous les exilés présents sous le pont de l’Ourcq dorment à la rue. Certains depuis plus longtemps que d’autres. Zarwali, par exemple, est arrivé en France « il y a six ans, en 2014 ». Il n’a jamais eu accès à un hébergement. Alors, il a alterné entre des périodes passées à la rue et des squats, chez des amis à qui il payait un loyer. « Mais c’est fini. Je suis à nouveau à la rue depuis un mois. Donc j’attends que la préfecture vienne ici pour nous mettre à l’abri », espère celui qui travaille actuellement dans un Chicken Spot. 

Si la communauté afghane se donne rendez-vous ici pour dormir depuis plusieurs jours, c’est dans l’espoir d’une mise à l’abri par la préfecture. Une stratégie qui s’est avérée plusieurs fois payante, retrace Nikolaï d’Utopia 56. L’association a l’habitude de ce type de situation. « On rassemble les personnes pour éviter qu’elles soient invisibilisées, pour leur redonner de la voix et qu’elles soient prises en charge. » Nikolaï évoque par exemple l’action réalisée le mois dernier, place des Vosges (lire notre article ici). D’ailleurs, certains exilés présents ce soir font partie des quelque 150 personnes qui avaient été laissées sur le carreau lors de cette mise à l’abri.

Avant, les Afghans se donnaient rendez-vous sous le pont de la Villette. Un emplacement « très bien », selon Nikolaï. « Les personnes y sont protégées du vent, à proximité des douches et des distributions de nourriture… À chaque fois, à partir d’un certain nombre de personnes, la préfecture organisait des mises à l’abri. » Mais depuis novembre 2020, rembobine-t-il, le préfet « Didier Lallement a fait comprendre qu’il n’y aurait plus de campement à Paris. À partir de cette période-là, on a eu le droit à une politique de harcèlement des policiers pour éviter que les personnes ne se retrouvent ensemble ».

Zarwali à Pantin, le 18 août 2021. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

La nuit dernière, et trois jours avant, Utopia 56 a publié des vidéos montrant des policiers, gazeuse à la main, demander en pleine nuit aux migrants dormant sous le pont de se disperser. « Depuis une semaine, ils subissent des répressions policières non-stop, dénonce Camille, de Solidarité migrants Wilson. En pleine nuit comme au petit matin, ils sont gazés à même le sol. C’est humiliant. » 

La « maraude de surveillance » mise en place par les deux associations intervient dans ce contexte. En plus de l’habituelle distribution de nourriture, deux personnes prévoient de rester toute la nuit sous le pont, avec les exilés afghans, pour s’assurer que tout se passe bien en cas d’intervention policière. 

Camille se rappelle par exemple la soirée de la veille. « Il y a eu une distribution de l’association, et quand tous les associatifs et les journalistes sont partis, les policiers sont arrivés matraque et gazeuse à la main, raconte celle que les Afghans sous le pont appellent « le chat », en pachto. Les CRS m’ont dit qu’il y avait un arrêté, qu’ils n’avaient pas le droit de dormir là. Ils nous ont demandé de quitter Paris, d’aller nous installer 50 mètres plus loin, à Pantin. Donc on est partis. Les Afghans qui sont là ne comprennent pas pourquoi il y a autant d’acharnement envers eux. Il faut savoir que certains ont traversé dix pays avant de venir là, qu’ils ont subi des répressions policières... »

Abdul Latif, qui est arrivé en France après être passé par la Grèce, puis l’Italie, raconte avoir eu « plusieurs problèmes avec la police lorsqu[’il] passai[t] les frontières. On [l]’a attrapé et battu plusieurs fois ». Ce grand gaillard de 26 ans est l’un des rares à parler anglais sur le camp. Il occupe donc le rôle d’interprète lorsque d’autres exilés souhaitent partager leur parcours, comme Jameel Jaan.

« Je suis passé par le Pakistan, l’Iran, la Turquie, la Grèce, la Roumanie, l’Autriche et l’Italie avant d’arriver en France, énumère Jameel Jaan. J’ai tout fait à pied, c’était très dur. » Le jeune homme raconte avoir été emprisonné en République tchèque pendant quatre mois. À sa sortie, il s’est caché dans un camion pour rejoindre l’Autriche. 

De par leur parcours de migration, la plupart de ces demandeurs d’asile sont en procédure Dublin, qui prévoit de renvoyer les migrants dans le premier pays où ils ont mis le pied en Europe. C’est le cas de Jameel Jaan, qui espère malgré tout « rester en France, apprendre le français, aller à l’école… j’ai besoin d’une vie normale, je veux la paix ».

« Mon père travaillait avec le gouvernement. Les talibans l’ont tué pour ça »

Dans ce camp entre Pantin et Paris, où les exilés n’ont pas le droit d’installer de tente et doivent dormir à même le sol, les discussions autour de la situation en Afghanistan sont sur toutes les lèvres. Sur son smartphone, Zain, un des quelques anglophones du coin, parcourt des vidéos sur Facebook. L’une d’elles montre une femme grimper à un mât pour y accrocher un drapeau afghan. « Les talibans ont dit qu’ils allaient remplacer le drapeau du pays, mais il y a encore des gens qui résistent, contextualise le jeune homme de 23 ans. Cette femme est très courageuse. »  

Zain, sur les bords du canal de l’Ourcq, le 18 août 2021. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Originaire de la province du Logar, Zain n’envisage pas une seule seconde retourner dans son pays, où il étudiait l’anglais, depuis qu’il a été repris par les talibans. « Je me sens vraiment mal pour l’Afghanistan. C’est vraiment devenu très dangereux à cause du changement de régime. Avant, il y avait encore quelques endroits sous le contrôle du gouvernement où l’on pouvait vivre en sécurité... » Il scrolle à nouveau sur son téléphone, jusqu’à tomber sur une vidéo où les talibans libèrent les détenus d’une prison afghane. « Ils ont libéré tout le monde ! », s’étrangle Zain, alors que l’un des anciens prisonniers embrasse la main d’un taliban. « 20 000 personnes étaient détenues ici ! C’est n’importe quoi. »

Abdul Latif, arrivé en France il y a deux mois, a aussi quitté son pays à cause des talibans. « Mon père travaillait avec le gouvernement, en plus d’être professeur. Les talibans l’ont tué pour ça, relate-t-il. On veut juste la paix ici. Il n’y a rien de bien dans mon pays, il n’y a que des problèmes avec la prise de pouvoir des talibans et la fuite du gouvernement. » 

Pantin, le 18 août 2021. Zain montre sur son téléphone une vidéo où les talibans libèrent les détenus d’une prison afghane. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Tous décrivent une vie « très dure » en Afghanistan, qu’ils ont quitté par crainte des talibans. « Si les exilés afghans viennent en France, c’est qu’ils n’ont pas d'autre choix que de fuir leur pays, commente Camille, de Solidarité migrants Wilson, avant de déplorer leurs conditions d’accueil en France. Quand on sait que des demandeurs d’asile de longue date ne sont toujours pas accueillis dans une structure stable et pérenne avec un suivi convenable… »

« Quand les personnes arrivent en Île-de-France, elles n’ont pas de solution d’hébergement, il n’y a pas de premier accueil ici. Elles doivent donc dormir à la rue », complète Nikola, d’Utopia 56. Une difficulté qui décourage les personnes à déposer leur demande d’asile en Europe, analyse le coordinateur. « On va mettre en place les conditions les plus difficiles pour ne pas accueillir les exilés, pour créer un contre-appel d’air en dépit des valeurs fondamentales et des lois. En revanche, une fois qu’on est reconnu réfugié, il y a plein de gens pour qui ça fonctionne. »

 

 


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