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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Rémi Yang - 28/08/2021

Soixante-dix Soudanais vivent dans un campement de fortune installé le long du canal de Caen. Le syndicat mixte des ports normands, qui revendique la propriété du terrain, cherche à les expulser alors que les associations se mobilisent pour leur venir en aide.

Au bord du canal de Caen, quelques bâches bleues cachées par un petit bois sont visibles le long du chemin de halage. Des chaises ont été posées le long de cette « voie verte ». Une légère odeur de bois brûlé est perceptible depuis la piste cyclable.

Dans ce coin de nature anciennement « envahi par les ronces », à une dizaine de minutes à pied du centre-ville de Ouistreham, entre 60 et 70 exilés Soudanais ont planté leurs tentes. La moitié d’entre eux sont demandeurs d’asile. Ils ont investi la parcelle après le démantèlement de la jungle de Calais, en 2017. Certains en sont partis, mais ils ont rapidement été remplacés par d’autres. Un ballet incessant. « À une période, ils étaient même entre 200 et 250 », se rappelle Alain*, militant local de longue date. 

Mais l’endroit pourrait bientôt être évacué. Le syndicat mixte des ports normands, qui revendique la propriété du terrain sur lequel est bâti le campement, a saisi le Conseil d’État pour réclamer l’expulsion des migrants – après avoir été débouté par le tribunal administratif de Caen, le 25 juin. La procédure est soutenue par le préfet du Calvados, qui considère que l’occupation de la parcelle constitue « une situation de trouble à l’ordre public », peut-on lire dans le compte-rendu du jugement du tribunal administratif. « Ça fait des années que les gars sont installés ici et qu’ils ne posent de problème à personne, rembobine Alain. Que va-t-il advenir du terrain après qu’on les aura expulsés ? Ils vont ajouter des barrières pour que plus personne ne puisse y entrer ? »

Entre soixante et soixante-dix exilés Soudanais vivent dans ces tentes, au bord de canal de Caen, à Ouistreham. © Photo Rémi Yang / Mediapart Entre soixante et soixante-dix exilés Soudanais vivent dans ces tentes, au bord de canal de Caen, à Ouistreham. © Photo Rémi Yang / Mediapart
 

Sur cette parcelle boisée, que « personne n’a jamais fréquentée », à en croire Alain, les Soudanais survivent dans des conditions spartiates. Ils se chauffent et cuisinent au feu de bois, n’ont pas d’accès direct à l’eau potable et dépendent des associations pour se ravitailler en nourriture. « À un moment, le Carrefour Market ne les laissait même plus rentrer », se désole Cécile, membre du collectif Citoyen/ne/s Ouistreham. Les conditions de vie se sont légèrement améliorées après le passage de militants bretons, qui les ont aidés à construire une cuve d’eau et une yourte. 

Un groupe de Caennais leur a fait don d’une vingtaine de vélos pour assurer leurs déplacements. « Certains ne savaient même pas comment pédaler, se rappelle en riant Nina, une bénévole que tout le monde connaît sur le camp. Du coup, les militants de Caen ont dû leur apprendre, explique-t-elle, alors qu’un des jeunes drifte devant elle. Ils réparent leurs vélos, aussi. » 

Sur le parking qui sépare le chemin de halage du quai Charcot, où sont amarrés des bateaux de pêche, la Croix-Rouge maraude tous les mardis en fin d’après-midi, depuis 2018. En plus de la nourriture, la camionnette de l’association est remplie de jeux de société. L’activité connaît un franc succès auprès des jeunes migrants. « Ils sont vachement demandeurs, ça leur change les idées, leur fait une petite distraction », commente une bénévole de la Croix-Rouge. 

Surtout, l’association a ramené des cages de foot pliantes et un ballon. En quelques minutes à peine, le bout de bitume se transforme en terrain de foot. Balle au pied, les Soudanais enchaînent les dribbles, sous les encouragements de leurs camarades et le regard amusé des associatifs. « Ce sont des gars calmes et plein de vie, décrit Alain, qui salue d’une poignée de main tous les Soudanais qu’il voit passer. Quand tu viens ici, tu repars avec le sourire. » 

Destination l’Angleterre

Si la commune portuaire de Ouistreham est prisée par la communauté soudanaise, ce n’est pas pour sa plage, ses marchands de glaces ou ses monuments en hommage au débarquement de 1944. La petite ville de 9 000 habitants est un point de passage vers le Royaume-Uni. « La plupart des gens ici veulent aller en Angleterre parce que la vie ici n’est pas bonne », soutient Ali, 25 ans. Il est arrivé en France il y a quatre mois et s’est tout de suite dirigé vers Ouistreham. « On m’a dit qu’il y avait une communauté de Soudanais ici. C’est mieux de ne pas être seul. » 

Avant d’investir complètement le petit bois en 2020 – il n’y avait que « sept, huit tentes » avant, d’après Alain –, les Soudanais avaient installé leur campement sur le rond-point des Pommiers, à quelques centaines de mètres. « Ils ne le savaient pas, mais c’était en bas de la maison du maire », en rigole Alain. Le choix était surtout stratégique : beaucoup de camions qui se rendent en Angleterre y passent. Pour les Soudanais, ces poids lourds représentent une porte d’entrée pour traverser la Manche. Au risque de créer, parfois, des tensions avec les routiers. 

Dans le camp, Abdou Salah se prépare un kiwi. Les exilés dépendent des distributions des associations pour se nourrir. © Photo Rémi Yang /Mediapart Dans le camp, Abdou Salah se prépare un kiwi. Les exilés dépendent des distributions des associations pour se nourrir. © Photo Rémi Yang /Mediapart
 

« La vie en France est difficile, elle est stupide, témoigne Momo* en faisant référence aux difficultés administratives qu’il rencontre. Je veux aller en Angleterre. Là-bas, ça sera mieux, je pense. » Maillot des Bulls sur le dos, le jeune homme de 23 ans a débarqué ici il y a trois mois, après avoir quitté son pays en 2018. Il a traversé la Libye, Malte et l’Italie, avant de finir à Ouistreham. « J’habitais dans le sud du Soudan, mais c’était trop dangereux. Il n’y avait même plus de police. » 

D’autres, contrairement à Momo, se verraient bien s’installer ici. « En France, je n’ai pas de toit, je ne peux pas travailler… Il y a trop de rendez-vous administratifs, ça prend trop de temps pour avoir des papiers, énumère Ali. Mais je veux rester en France, être régularisé, apprendre le français, travailler… » Ali a voyagé jusqu’en Libye, d’où il a rejoint l’Italie à bord d’une embarcation de fortune, avant de franchir la frontière alpine à pied. « C’était dur », se souvient-il succinctement. À Ouistreham, il regrette de ne « rien faire » de ses journées. « On tourne en rond. Le seul truc qui me sort un peu, c’est quand on joue au foot le mardi. »

« Je pense que la vie en Angleterre sera meilleure pour moi », estime Taha, 22 ans. Ce Soudanais en France depuis deux mois a déjà essayé de passer la frontière caché dans un camion. Un échec. « J’ai fait sa demande d’asile il y a un mois. Si on m’aide pour les papiers, j’aimerais rester en France. »

L’année dernière, alors que les exilés étaient confinés par la préfecture dans un centre de vacances à Tailleville, « le maire de Ouistreham a aménagé le rond-point des Pommiers de sorte que les exilés ne puissent plus installer leurs tentes », se souvient Cécile. En passant devant en voiture, l’institutrice montre du doigt les grosses pierres qui ont été posées sur l’infrastructure, non sans rappeler les aménagements anti-SDF. « Le coût total de l’installation a été chiffré à 25 000 euros », se désole Alain. 

Journée vaccination

Il est quatre heures du matin à Ranville quand des militants ouvrent les portes de deux maisons, à 15 minutes en vélo du campement de Ouistreham. Dimanche 2 mai 2020, sous la caméra de France 3 Normandie, Alain et d’autres activistes réquisitionnent ces habitations abandonnées pour les exilés du camp. Une opération éclair. En quinze minutes à peine, ils investissent les pavillons, qui « sentent le renfermé, mais sont sains et spacieux »

Ces demeures et leur jardin, « abandonnés depuis une dizaine d’années », servent aujourd’hui de point de repos aux habitants du campement. Ils s’y douchent, ont un accès à l’eau potable, à l’électricité, de quoi coucher quelques nuits, et peuvent cuisiner. « Ils adorent ça, sourit Nina, alors que les hommes s’affairent aux fourneaux. Ce sont de formidables cuisiniers, et surtout, ça leur permet de retrouver de la dignité. »

Aujourd’hui, Nina et Cécile ont organisé une journée vaccination au squat, avec l’équipe de vaccination de Caen. Dans le jardin, où une vingtaine de Soudanais discutent autour d’une table basse, beaucoup ne sont pas rassurés par la piqûre. « Je ne veux pas me faire vacciner, je n’ai pas confiance », explique Momo. — « Non mais toi t’as eu le coronavirus, c’est sûr ! », chambre l’un d’entre eux. — « Ça doit faire super mal en plus », embraye un autre. 

« Je les travaille depuis des jours et des jours, rembobine Nina, qui essaie de les rassurer dans un mélange d’anglais, de français et d’arabe. Ils ont super peur du vaccin. » Malgré les réticences, 13 habitants du camp se font piquer le bras, sur les 14 doses apportées. 

Hasard des choses, le terrain sur lequel se trouve le squat appartient aussi aux ports de Normandie. Ils seront expulsables à partir du 28 août. « C’est la dernière semaine où on peut rester dans cet endroit, regrette Taha. On est censés retourner dans le camp après. Mais en hiver, il y fait très froid. C’est vraiment dur. »

 

 


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