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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Hélène Sallon - 07/09/202

Détentions arbitraires, torture, viols, disparitions… L’ONG Amnesty International dénonce dans un rapport les persécutions dont sont victimes les exilés qui reviennent dans le pays.

A l’été 2019, la Syrie ne vivait plus au rythme soutenu des combats, après la reconquête des deux tiers du pays par le régime de Bachar Al-Assad. Au Liban, la vie était déjà misérable et le climat délétère pour les réfugiés syriens. Alors, Noor (le prénom a été changé) a décidé de rentrer dans son pays avec son fils et sa fille, sans penser qu’elle s’exposerait de nouveau aux horreurs de la guerre. A son arrivée au poste-frontière d’Al-Baqia-Tall Kalakh, au nord du Liban, l’officier syrien lui assène pourtant : « Pourquoi as-tu quitté la Syrie ? Parce que tu n’aimes pas Bachar Al-Assad et que tu n’aimes pas la Syrie ? Tu es une terroriste… La Syrie n’est pas un hôtel que tu quittes et réintègres quand tu le désires. » Après l’avoir accusée d’envoyer des armes en Syrie et de se prostituer, il l’a violée, ainsi que sa fille de 5 ans, puis les a prises en photo, nues.

La guerre, la violence et la répression du régime Assad ont déplacé 13,3 millions de Syriens depuis 2011, dont 6,6 millions ont trouvé refuge dans les pays limitrophes, et certains en Europe. Elles ont rattrapé ceux qui, de gré ou de force, ont pris le chemin du retour. Détentions arbitraires, torture, viols et violences sexuelles, disparitions forcées : dans un rapport publié mardi 7 septembre, l’organisation Amnesty International a documenté 66 cas de violations graves des droits de l’homme commises par les autorités syriennes entre mi-2017 et le printemps 2021, à l’encontre de réfugiés revenus dans leur pays, dont 13 enfants et 15 femmes, comme Noor et sa fille.

« Les cas concernent des zones géographiques différentes et s’inscrivent dans une tendance d’abus observés depuis le début du conflit en Syrie. On en conclut qu’il y a un risque réel de persécution des réfugiés qui rentrent en Syrie, lié à la perception de ce groupe par les autorités. Ce risque est le critère qui qualifie les réfugiés à la protection dans le cadre de la convention de Genève de 1951, au titre de l’obligation internationale de non-refoulement », commente Marie Forestier, coordinatrice du rapport. Ce constat corrobore les alertes répétées d’organisations syriennes sur la poursuite de violations flagrantes des droits humains par les autorités. Selon le Centre de documentation des violations en Syrie, en 2020 et 2021, 82 013 civils ont été détenus, 3 363 enlevés et 3 585 ont disparu.

« Ne rentrez pas »

L’enquête menée par Amnesty International révèle que les autorités de Damas nourrissent une suspicion, voire un désir de vengeance, envers ceux qui ont quitté le pays, vus comme des « terroristes », au même titre que les membres de l’opposition. La torture et les mauvais traitements – dont le viol et les violences sexuelles documentés dans 14 cas − sont un moyen d’humilier et de punir. Les détentions arbitraires ont lieu dans la foulée du retour ou sur convocation, jusqu’à dix mois plus tard. Plus de 25 personnes ont ainsi été arrêtées pour « terrorisme », soit parce qu’elles étaient originaires de zones sous contrôle de l’opposition, soit parce que leurs proches étaient suspectés. Certaines ont été détenues plusieurs mois hors de toute procédure légale. Dix-sept personnes ne sont pas réapparues depuis leur disparition forcée.

« Dites aux gens de ne pas revenir en Syrie. Ne rentrez pas. Je suis rentrée et je le regrette. La réconciliation est un énorme mensonge », témoigne Aya (le prénom a été modifié), qui a été violée à son retour de Turquie, en 2017, et n’a plus revu son fils depuis, victime de disparition forcée. La peur d’une nouvelle détention a entraîné l’exil de nouveau de 23 des 66 cas étudiés. En mars, le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies a lui-même estimé que « les conditions restent peu propices pour organiser de larges opérations de rapatriement sécurisées, dignes et durables ». Alors que 280 000 Syriens sont officiellement rentrés entre 2016 et mai 2021, selon les estimations de l’ONU, l’enquête du HCR a révélé que seuls 2,4 % des réfugiés ont l’intention de rentrer dans l’année à venir, bien que 70 % d’entre eux espèrent le faire un jour.

Lire aussi ce reportage (12 août) : Dans le camp d’Al-Hol au nord-est de la Syrie, « on ne dort pas, on a tous peur des assassinats »

Ce constat va à l’encontre des gages que dit vouloir donner le régime syrien – et son allié russe – pour permettre le retour des réfugiés. Ce discours, destiné à normaliser sa reconquête du pays et à obtenir le soutien des bailleurs de fonds internationaux pour la reconstruction, trouve un écho dans certains pays. Le Liban, où vivent 1,5 million de réfugiés syriens dans une grande pauvreté et sans accès aux services de base, a ainsi renvoyé plus de 6 000 Syriens entrés illégalement dans le pays, entre avril 2019 et fin 2020. Et, même dans le cadre des procédures de retour organisées depuis le Liban, ou depuis le camp de Rukban, à la frontière jordanienne, certains ont été détenus au retour, après avoir pourtant fait l’objet de contrôles de sécurité en amont par les autorités syriennes.

Durcissement en Europe

Malgré cette situation, au sein de l’Union européenne (UE), Copenhague et Stockholm ont commencé à revoir le régime de protection accordé aux réfugiés syriens. Le Danemark, qui accueille 20 000 réfugiés syriens, est devenu le premier pays membre de l’UE à restreindre ainsi l’accès au permis de résidence des demandeurs d’asile venant de régions considérées comme sécurisées, comme Damas et sa région. Entre janvier et juin, 402 permis de résidence ont été retirés ou non renouvelés. La commission d’appel pour les réfugiés a confirmé, à ce stade, la position de retour pour 48 d’entre eux.

Lire aussi Des réfugiés syriens privés de permis de séjour au Danemark

Amnesty International observe aussi un durcissement des conditions d’accès au statut de réfugié dans d’autres pays membres de l’UE, dont la France. « Les dirigeants européens considèrent que, les hostilités allant en se réduisant, la guerre est finie. Mais les opérations militaires ne sont pas le seul risque encouru par les Syriens, souligne Marie Forestier. Le gouvernement, qui est responsable d’un grand nombre de violations des droits de l’homme et de crimes de guerre depuis le début du conflit, est toujours en place. Le respect des droits de l’homme doit être un critère considéré par les gouvernements européens pour accorder ou maintenir le statut de réfugié aux gens qui ont fui. »

Cet article est le premier d’Hélène Sallon en tant que correspondante à Beyrouth.

 

 


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