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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Julia Dumont - 09/09/2021

"Il n’y aura plus de Moria", avaient déclaré les autorités grecques et européennes après l’incendie du camp surpeuplé, dans la nuit du 8 au 9 septembre 2020. L’accueil des demandeurs d’asile devait être "plus humain" et plus sûr. Un an plus tard, les conditions de vie des demandeurs d’asile sur l’île sont toujours désastreuses et le gouvernement grec multiplie les lois restreignant l’accès aux protections internationales.

Il n’y a pas de trottoir le long de la route qui relie le camp de Kara Tepe à Mytilène, sur l'île grecque de Lesbos. Sur la portion de bitume qui mène de l’entrée du camp à l’arrêt de bus et, un petit peu plus loin, au supermarché, des femmes partent faire quelques courses, un homme va – dossier administratif sous le bras – demander conseil auprès d’une ONG à Mytilène, des couples poussent des poussettes fatiguées.

Parmi ces piétons, Duduma et Alex détonnent sur leur vélo. Ces deux Congolais de 28 ans sont arrivés à Lesbos il y a deux ans. Ils ont vécu à Moria et se souviennent, bien sûr, de l’incendie qui a détruit le camp où vivaient 12 000 personnes. Depuis un an, ils habitent dans le nouveau camp de Kara Tepe et assurent que "rien n’a changé".

À (re)lire : Grèce : quatre Afghans condamnés à 10 ans de prison pour l’incendie du camp de Moria

 

Il faut marcher le long de la route pour rejoindre l'arrêt de bus depuis le camp de Kara Tepe. Crédit : InfoMigrants
Il faut marcher le long de la route pour rejoindre l'arrêt de bus depuis le camp de Kara Tepe. Crédit : InfoMigrants

 

"Nous vivons dans des conditions inhumaines. Nous sommes huit dans une petite tente. La mienne est en face des toilettes donc l’odeur est insupportable. Nous n’avons que quelques heures d’électricité par jour et la nourriture que l’on nous donne est pourrie, tout est expiré", décrit Duduma.

"À Moria, il y avait une insécurité totale donc pour la sécurité, ici, c’est un petit peu mieux", nuance Alex, un bonnet bleu marine sur le crâne malgré la chaleur.

Centre "temporaire"

En un an, ce nouveau camp, présenté au départ comme "temporaire", a doublé de taille et ne cesse de s’agrandir. À Lesbos, plus personne ne parle aujourd’hui de centre provisoire. Le lieu, qui abrite quelque 3 500 personnes, est devenu le camp de Kara Tepe ou de Mavrovouni, selon que l’on veut nommer en turc ou en grec la montagne noire où il a été construit. Certains l'appellent aussi Moria 2.0.

À (re)lire : Reportage : À Lesbos, dans le nouveau camp, des migrants se plaignent de "vivre comme des animaux"

 

Le camp de Kara Tepe, le 7 septembre 2021. Crédit : InfoMigrants
Le camp de Kara Tepe, le 7 septembre 2021. Crédit : InfoMigrants

 

En septembre 2020, les autorités grecques avaient annoncé la construction, d’ici "l’été 2021", d’un nouveau camp fermé où des conditions de vie "décentes" seraient garanties. Mais les travaux d’édification de cette nouvelle structure n’ont toujours pas débuté.

"Même s’ils commençaient les travaux maintenant, le camp ne serait pas près d’être fini. À Samos [où un camp fermé similaire doit être inauguré le 18 septembre, ndlr], la construction du camp a pris quatre ans", souligne Babis Petsikos, membre de l’association Solidarity Lesbos. Les autorités grecques parlent, elles, d'une ouverture durant l'année 2022.

À (re)lire : Îles grecques : l'UE va allouer 276 millions d'euros pour les camps de migrants

De toute façon, pour lui, comme pour la plupart des ONG qui viennent en aide aux migrants sur l’île, ce projet de camp fermé n’a rien de satisfaisant. La nouvelle structure est censée voir le jour près de Kalloni, à environ 40 km de Mytilène, tout près d’une décharge d’ordures. "Voilà l’image que l’Union européenne se fait de l’accueil des réfugiés", s’indigne Babis Petsikos. "C’est au milieu d’une forêt de pins. Il n’y a rien là-bas, même pas une vraie route pour y accéder. Comment les gens vont pouvoir recevoir de l’aide ?"

"Les femmes et les enfants arrêtent de boire à 18h pour ne pas devoir aller aux toilettes la nuit "

Le camp de Kara Tepe, lui, n’est situé qu’à 2,5km de Mytilène. Mais un monde sépare les deux lieux. En ce début septembre, la capitale de l’île semble vouloir prolonger l’été. En soirée, les terrasses sont encore animées et les derniers touristes de la saison se promènent sur le port.

 

Un navire des garde-côtes grecs dans le port de Mytilène, le 6 septembre 2021. Crédit : InfoMigrants
Un navire des garde-côtes grecs dans le port de Mytilène, le 6 septembre 2021. Crédit : InfoMigrants

 

À Kara Tepe, chaque sortie ne peut se faire qu’à condition de subir un test antigénique et un couvre-feu est imposé aux résidents du camp. En soirée, l’écrasante chaleur qui s’est accumulée la journée dans les tentes et containers ne se dissipe que pour laisser place au vent froid de la nuit.

"Les conditions de vie sont épouvantables dans le camp. Les gens sont les uns sur les autres. Ils sont pris en étau entre, d’un côté la mer et, de l’autre, des barbelés et la police", dénonce Laure Joachim, responsable des activités médicales de la clinique de santé mentale de Médecins sans frontières (MSF), à Mytilène.

Les sanitaires sont trop peu nombreux, très sales et trop éloignés des tentes, décrit cette pédiatre de formation. "Les femmes et les enfants arrêtent de boire à 18 heures pour ne pas à avoir à aller aux toilettes la nuit parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité", s’alarme-t-elle.

Traumatismes

Ces conditions de vie, associées au stress des procédures administratives ont un fort impact sur la santé mentale des demandeurs d’asile. "Cela s’est vraiment détérioré", souligne Babis Petsikos, rappelant que, pendant plusieurs mois, "sous prétexte de covid, les personnes se sont retrouvées enfermées dans le camp et ne pouvait sortir qu’une fois par semaine."

Au sein des deux cliniques de MSF, en face du camp et en centre-ville de Mytilène, les soignants font le même constat. "Les gens arrivent avec un bagage traumatique et ici, ils subissent un nouveau traumatisme", explique Laure Joachim.

Les enfants sont particulièrement exposés aux risques de troubles psychologiques liés à leurs conditions de vie. "On voit des enfants qui ne deviennent jamais propres ou bien qui refont pipi au lit plus tard, cela peut même arriver chez des adolescents de 16 ans. C’est un symptôme de stress classique chez les enfants", signale la pédiatre.

Deux structures – le camp de Pikpa et celui de Kara Tepe 1 - existaient auparavant à Lesbos pour héberger les personnes vulnérables telles que les handicapés, les femmes enceintes ou les personnes gravement malades mais elles ont été fermées en octobre 2020 et avril 2021 par les autorités grecques.

Elles auraient permis à Delruba, enceinte de neuf mois, de ne pas avoir à vivre sous une tente. Cette jeune Tadjike de 25 ans rencontrée sur la route qui mène au camp dit s’inquiéter pour la santé de son bébé. "Je suis stressée, je ne mange pas bien, je ne dors pas bien", décrit-elle, un œil sur son aîné de cinq ans qui s’agite autour d’elle.

 

Delruba est enceinte de neuf mois, elle s'inquiète pour la santé de son bébé : "Je suis stressée et je mange mal". Crédit : InfoMigrants
Delruba est enceinte de neuf mois, elle s'inquiète pour la santé de son bébé : "Je suis stressée et je mange mal". Crédit : InfoMigrants

 

La Turquie, pays tiers sûr

Depuis le 6 juin, le renvoi vers la Turquie s’est ajouté à la longue liste des inquiétudes des exilés. Au nom de la "lutte contre les flux migratoires illégaux”, le gouvernement grec a décidé de reconnaître la Turquie comme pays tiers sûr pour les Syriens, les Afghans, les Somaliens, les Pakistanais et les Bangladais.

Comme 1 178 personnes en 2021, selon le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), les demandeurs d'asile de ces nationalités sont passés par la Turquie avant d'arriver à Lesbos. Dès lors, "les Afghans et les Syriens, par exemple, lors de leur entretien de demande l’asile, on ne leur pose que des questions sur la Turquie. Donc ça dure 15 minutes", s’indigne Marion Bouchetel, du Legal Centre Lesbos, une ONG qui aide juridiquement les demandeurs d’asile.

Plusieurs lois ont également été votées en 2020 pour accélérer la procédure de demande d’asile, créant une situation ubuesque : des demandeurs d’asile arrivés à Lesbos en août reçoivent la réponse à leur demande avant ceux arrivés en 2019.

C’est le cas de Jean*. Ce Camerounais est arrivé sur l’île le 19 août, raconte-t-il en attendant le bus pour Mytilène. Son entretien pour sa demande d’asile a eu lieu le 2 septembre et le 6 le rejet de son dossier lui a été notifié. Désemparé, il affirme avoir pourtant "montré les preuves qu’[il a] été torturé" dans son pays.

En comparaison, Duduma et Alex, arrivés en 2019, ont dû chacun attendre plus d’un an avant leur entretien, puis encore des mois pour obtenir une réponse. Rejetés tous les deux, ils ont fait appel. Alex a reçu mercredi une réponse négative à son appel, plus de deux ans après son arrivée à Lesbos. Duduma attend encore la réponse de son recours.

"Les gens se font rejeter à la chaîne", dénonce Marion Bouchetel. "La présence d’un avocat n’est pas obligatoire en première instance, seulement en appel, précise-t-elle. Mais les avocats désignés sont souvent à Athènes, les demandeurs d’asile ne les voient jamais."

*Le prénom a été modifié à la demande de la personne.

Julia Dumont, envoyée spéciale à Lesbos.

 

 


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