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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 15/09/2021

Depuis plusieurs semaines, les exilés sont plus nombreux à tenter la traversée de la Manche depuis les environs de Calais. En réponse, le gouvernement britannique a annoncé vouloir refouler les embarcations s’approchant du sud de l’Angleterre.

En matière de migrations, le Royaume-Uni ne manque pas d’imagination. Après avoir envisagé des vagues artificielles générées en mer pour repousser les migrants ou le placement de ces derniers à bord de ferries hors d’usage au large, le temps d’examiner leur situation, le gouvernement britannique a exprimé, la semaine dernière, sa volonté de refouler les embarcations approchant du sud de l’Angleterre « dans certaines conditions », constatant une hausse du nombre de traversées de la Manche au cours des dernières semaines. Et tant pis si la technique dite du « push back » (ou refoulement) est interdite par le droit maritime international ou la convention de Genève relative aux réfugiés.

Selon la presse britannique, la police des frontières anglaise s’entraînerait d’ores et déjà à refouler les embarcations de migrants en mer. Deux bénévoles de l’ONG Channel Rescue affirment avoir assisté à ce type d’entraînements lundi 13 septembre, évoquant des « canots pleins d’agents de la police aux frontières [servant de figurants – ndlr], vêtus de gilets de sauvetage, refoulés par deux ou trois jet-skis utilisant des techniques visant à leur tourner autour et à les repousser ».

« Aujourd’hui, nous avons été témoins des exercices de refoulement de la police aux frontières dans la Manche. Nous sommes horrifiés. C’est cruel, inhumain et illégal », déplore l’équipe de l’ONG dans une vidéo publiée sur Twitter. Selon le Financial Times, la ministre de l’intérieur britannique, Priti Patel, a déjà proposé que le Royaume-Uni réinterprète en ce sens le droit maritime international.

© Channel Rescue
 

« C’est totalement illégal au sens de la convention de Genève de 1951 dont le Royaume-Uni est signataire. Il s’agit d’une pure manœuvre politique : Priti Patel convoite le poste de premier ministre et se rêve en nouvelle Margaret Thatcher, avec le besoin de satisfaire les partisans du Brexit qui ont voté pour retrouver le contrôle de leurs frontières », analyse le chercheur François Gemenne, spécialiste des migrations.

Et il ajoute : « Il y a quelque chose de paradoxal à ce que l’Angleterre se propose d’accepter les réfugiés afghans qui fuient Kaboul et refoule par ailleurs les migrants en mer. Il y a là une sorte de sélection où l’on choisit ceux à qui l’on va accorder l’asile, en faisant la distinction entre les classes privilégiées et les autres, considérés comme de vulgaires migrants économiques. »

Dans un tweet, Gérald Darmanin a réagi, au lendemain d’une entrevue avec son homologue britannique à Londres mercredi 8 septembre, à ces annonces : « La France n’acceptera aucune pratique contraire au droit de la mer, ni aucun chantage financier. L’engagement de la Grande-Bretagne doit être tenu », a-t-il lâché en référence aux menaces de Priti Patel de ne pas verser l’aide financière de 62,7 millions d’euros promise pour financer le renforcement des forces de l’ordre françaises sur les côtes.

Le ministre de l’intérieur français lui a par ailleurs adressé un courrier dans lequel il souligne que le refoulement de migrants en mer « risquerait d’avoir un impact négatif sur [leur] coopération ». « En mer, la sauvegarde de la vie humaine prime sur des considérations de nationalité, de statut et de politique migratoire », a-t-il écrit, selon l’AFP.

© Gérald Darmanin
« La France pratique déjà elle-même le refoulement »

« Le refoulement des personnes en mer est une horrible manière d’envisager la migration. Nous condamnons fermement ces politiques et nous nous battrons contre », affirme Marguerite Combes, coordinatrice de l’association d'aide aux exilés Utopia 56 à Calais, qui se dit « pour une fois d’accord avec Gérald Darmanin » mais en profite malgré tout pour souligner les contradictions de l’État français : « La France pratique déjà elle-même le refoulement à la frontière franco-italienne... »

« Que Gérald Darmanin réagisse à ce sujet est la moindre des choses. Mais le problème en France, c’est la discordance profonde entre les discours et les actes. Les refoulements sont quasi systématiques à Vintimille, la France n’est pas vraiment en position de donner des leçons à qui que ce soit en matière de respect des conventions internationales et des droits humains », tacle François Gemenne.

Au cours des deux dernières semaines, plusieurs centaines de migrants ont réussi à traverser la Manche à bord de « small boats », profitant de conditions météorologiques favorables. D’après le Home Office (ministère de l’intérieur britannique), plus de 13 500 personnes ont réussi à gagner le Royaume-Uni par ce biais depuis le début de l’année, dont 1 000 en seulement deux jours en début de semaine dernière.

« L’explication à court terme est très simple, commente Marguerite Combes. Comme il y a eu du mauvais temps tout l’été, plein de personnes sont reses bloquées. Elles ont eu la possibilité de passer depuis deux semaines, car il y a des fenêtres météo, et donc le nombre de traversées explose. »

À long terme, poursuit-elle, ce sont les politiques de militarisation des frontières, mêlant forte présence policière, murs barbelés, renforcement des contrôles des camions et de l’Eurostar, qui ont conduit les exilés « à se replier sur d’autres moyens pour passer », comme le bateau. « C’est assez nouveau, les gens ont vu qu’ils arrivaient à passer avec ça l’an dernier et ça s’est démocratisé. »

Selon le chercheur François Gemenne, un autre élément explique aussi la « recrudescence » des départs au cours des dernières semaines : « Tout cela est très lié aux annonces de Priti Patel qui marquent sa volonté de durcir la politique migratoire britannique. Cela incite les gens à partir avant que les mesures ne soient mises en place », observe-t-il, pointant du doigt un effet contreproductif.

Face à cette hausse du nombre de départs, depuis plusieurs semaines, les forces de l’ordre françaises multiplient les patrouilles sur les plages et dans les dunes de la Côte d’Opale, éloignant chaque jour un peu plus les exilés des alentours de Calais, de Wimereux à Ambleteuse (au nord de Boulogne-sur-Mer), en passant par Leffrinckoucke (à l’est de Calais).

« On part de nuit et on marche durant des heures pour tenter de rejoindre les points de départ. C'est toujours très loin et très difficile », nous avait confié Adam, un jeune Soudanais, il y a un an (lire ici notre reportage)« Avant, les gens partaient de Sangatte, soit à 30 kilomètres des côtes anglaises. Aujourd’hui, ils tentent la traversée depuis Boulogne-sur-Mer, donc d’encore plus loin », précise Marguerite Combes, qui dit avoir peur « de l’après » et insiste sur la nécessité de créer un « pont humanitaire » entre la France et le Royaume-Uni.

« La police s’est mise à patrouiller ailleurs sur le littoral. Si les exilés ne peuvent plus partir de Boulogne, est-ce qu’ils tenteront de partir lorsqu’il ne fera pas beau ? Les personnes qui sont là sont déterminées à passer pour différentes raisons. Certaines ont été déboutées de l’asile ailleurs en Europe, ont vu leur titre de séjour non renouvelé du jour au lendemain, ont des attaches communautaires et familiales en Angleterre ou des facilités linguistiques. Donc, si ça devient trop compliqué, il y aura juste plus de naufrages », insiste-t-elle.

Mi-août, le naufrage d’une embarcation avait causé la mort d’un Érythréen. Quatre membres d’une même famille kurde iranienne avaient également perdu la vie en octobre 2020, et le corps du petit dernier, Artin, âgé de seulement 15 mois, avait été retrouvé deux mois plus tard aux abords des côtes norvégiennes, rapportait en juin dernier la presse britannique.

« La ministre de l’intérieur peut continuer à dépenser de l’argent public, rien ne changera à moins qu’elle ne soit prête à changer ses politiques inefficaces et inapplicables. Les gens ont parfaitement le droit de demander l’asile au Royaume-Uni, et s’ils font des voyages dangereux et dépendent des passeurs, c’est parce qu’il n’y a pas d’alternatives sûres à leur disposition », dénonce Steve Valdez-Symonds, responsable du programme pour les droits des réfugiés et des migrants d’Amnesty International au Royaume-Uni.

L’été dernier déjà, le chercheur François Gemenne expliquait, dans un entretien accordé à Mediapart, en quoi fermer les routes migratoires était « absurde et dangereux », plaidant pour la mise en place de voies d’accès « sûres et légales » à court terme, et d’une vraie politique européenne à moyen terme.

 

 


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