Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : libération - Elsa de La Roche Saint-André - 01/10/2021

Lundi 27 septembre, la préfecture a procédé au transfert vers la Bulgarie de quatre réfugiés afghans. Si elle y était autorisée en vertu des règles européennes, une procédure en cours l’obligeait à attendre une audience d’appel.

Question posée par Antoine, le 29 septembre.

Vous nous avez interrogés sur le renvoi, par la préfecture du Bas-Rhin, de quatre réfugiés afghans vers la Bulgarie. Une décision qui a été vivement contestée par la bâtonnière du barreau de Strasbourg, qui s’est insurgée dans un communiqué contre une mesure exécutée «en dépit des risques bien connus et dénoncés auxquels ces ressortissants sont exposés», mais aussi «dans la précipitation et au mépris d’une décision de justice».

Dimanche 26 septembre, un juge des libertés et de la détention (JLD) de Strasbourg a ordonné la remise en liberté de quatre ressortissants afghans, préalablement placés au centre de rétention administrative (CRA) de Geispolsheim (Bas-Rhin). Le parquet a fait appel dans la foulée. Une audience à la Cour d’appel de Colmar était prévue lundi 27, dans l’après-midi.

Sauf que sans attendre l’appel, les services de la préfecture du Bas-Rhin «ont contraint lundi matin à l’aube les retenus afghans à prendre l’avion à destination de la Bulgarie», rapporte le communiqué rédigé par Christina Kruger, bâtonnière de l’Ordre des avocats de Strasbourg.

Préfecture hors-la-loi

Contactée par CheckNews, Me Kruger dénonce une atteinte à l’Etat de droit, qui suppose d’«attendre que le juge aille au bout de son œuvre». «Là, les services de la préfecture n’ont même pas attendu qu’il se prononce, alors que c’était l’affaire de vingt-quatre heures», regrette-t-elle. De son côté, la préfecture du Bas-Rhin a refusé de répondre aux questions envoyées par CheckNews. Auprès de nos confrères de France Bleu Alsace, elle a estimé avoir agi dans son bon droit : «L’appel du parquet est suspensif, ce qui permet, en toute légalité, de mener à bien cette opération de réadmission vers un Etat membre de l’Union européenne qui s’est reconnu responsable de la demande d’asile de ces personnes.»

Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dispose que, par défaut, l’appel n’est pas suspensif, explique l’avocat en droit des étrangers Patrick Berdugo. Autrement dit, l’appel ne suspend pas la mise en œuvre de la décision du JLD, et les quatre Afghans auraient dû être immédiatement libérés. Toutefois, le parquet, et lui seul, est autorisé à demander à la cour d’accorder à son recours le caractère suspensif. Or, cette demande est «quasi systématiquement» effectuée, selon Me Berdugo.

 

Mais que l’appel ait été ou non déclaré suspensif, cela n’autorisait pas leur renvoi vers la Bulgarie. Les quatre demandeurs d’asile auraient dû, en vertu du CESEDA, être maintenus à disposition de la justice française, jusqu’à ce que la décision d’appel soit rendue. En plaçant quatre réfugiés afghans dans un avion vers la Bulgarie lundi à l’aube, sans attendre l’audience d’appel, la préfecture du Bas-Rhin s’est donc rendue hors-la-loi.

Pour Patrick Berdugo, également vice-président de l’Association pour le droit des étrangers (ADDE), l’affaire illustre les travers du système français en matière d’immigration et d’asile. Pour lui, le préfet avait un intérêt à renvoyer les quatre hommes en Bulgarie : celui de gonfler ses statistiques d’éloignement. «Même si la loi ne lui permettait pas d’éloigner à ce moment-là, il a profité de les avoir sous la main, pose l’avocat. Alors qu’une fois les personnes libérées, il faut d’abord réussir à les interpeller.» Le conseil pointe également des sanctions peu dissuasives. Le seul recours possible étant une action en responsabilité de l’Etat, qui ne peut aboutir qu’à une condamnation pécuniaire, et non au retour sur le sol français des étrangers éloignés.

Craintes de renvoi vers l’Afghanistan

Au delà de cette entorse à la procédure, le renvoi a également suscité une vive émotion au regard du basculement récent de l’Afghanistan aux mains de talibans. Le communiqué de presse de la bâtonnière pointe ainsi une possible expulsion, depuis la Bulgarie, vers l’Afghanistan. Interrogée par CheckNews, Christina Kruger pointe ainsi une mesure «complètement incohérente» au vu de la politique affichée, et l’accueil à Strasbourg, fin août, d’une centaine d’Afghans rapatriés par les autorités françaises. Les quatre hommes renvoyés lundi «n’étaient pas des personnes arrivées par ce biais, mais c’est contradictoire de traiter ainsi leurs dossiers. C’est une façon d’appliquer la loi qui, à mon sens, manque totalement d’humanité.» A l’occasion de l’arrivée à Strasbourg des 110 migrants ayant fui l’Afghanistan et le régime des talibans, la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, avait évoqué une prise en charge s’inscrivant «pleinement dans la tradition d’accueil de notre pays, ainsi que dans le respect de nos lois et règlements».

Si la préfecture s’appuie sur le règlement de Dublin, qui veut que la Bulgarie, premier Etat de l’espace Schengen à avoir enregistré les quatre demandeurs, soit responsable de leur demande d’asile, Elodie Journeau, avocate en droit international et européen des droits de l’homme, pointe le fait que «la Bulgarie n’a pas, pour le moment, mis en œuvre l’arrêt des expulsions comme il avait été préconisé par le Haut commissariat des nations unies aux réfugiés. Ces individus sont donc susceptibles d’être renvoyés en Afghanistan extrêmement rapidement.» Par conséquent, résume Tania Racho, docteure en droit européen spécialiste des droits fondamentaux, «ce n’est pas juridiquement une expulsion, c’est un transfert d’un pays à l’autre dans le cadre d’une réglementation européenne, même si dans les faits, les deux risquent de se rejoindre.»

 

Cette crainte figurait d’ailleurs parmi les motivations du juge des libertés et de la détention. Les ordonnances rendues dimanche au Tribunal judiciaire de Strasbourg, que CheckNews a pu consulter, mentionnent des arrêtés portant transfert aux autorités bulgares qui datent des mois de mai et juillet. Or, note le juge, «force est de constater que [ces arrêtés sont antérieurs] à la prise de pouvoir des talibans et de la nécessaire suspension, selon le ministère de l’Intérieur français, des éloignements qui en découlent au départ de l’Europe des demandeurs d’asile afghans déboutés de leur demande Plus loin, il relève également que la Bulgarie «n’a pas à ce jour […] annoncé une telle suspension de ses éloignements vers l’Afghanistan» et que «l’impossibilité matérielle d’avoir des vols commerciaux vers l’Afghanistan, qui est mise en avant par la préfecture, n’est pas suffisante.»

Le JLD fait, de plus, référence à la Convention européenne des droits de l’homme, et notamment à son article 3 qui interdit les traitements inhumains et dégradants. Et il insiste sur la situation de grande détresse psychique et physique des demandeurs d’asile concernés, dont l’un assure avoir subi des violences en Bulgarie. Un autre a même tenté de se suicider par pendaison dans sa cellule du CRA de Geispolsheim.

Les dangers inhérents au renvoi de demandeurs d’asile afghans vers la Bulgarie ont été au cœur d’une autre décision récente. Lors d’une audience qui s’est déroulée le 24 septembre dernier, la cour administrative d’appel de Paris était ainsi saisie du cas d’un autre réfugié afghan qui devait être remis aux autorités bulgares, et dont l’arrêté de transfert venait d’être annulé par le tribunal administratif. Dans son arrêt, le juge d’appel revient sur cette annulation car il considère que «le système européen commun d’asile a été conçu de telle sorte qu’il est permis de supposer que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux». Y compris la Bulgarie, donc. «L’arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l’intéressé en Bulgarie et non dans son pays d’origine», renchérit la cour, et il n’est, d’après elle, pas établi «que les autorités bulgares n’évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement [du demandeur d’asile], les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan.»

 

 

 

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter