Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin - 22/10/2021

Plusieurs milliers d’Afghans ont été évacués dans les Balkans. En Albanie, au Kosovo et en Macédoine du Nord, ils attendent leur transfert aux États-Unis ou dans un pays occidental, mais leur sort demeure très incertain.

Pristina (Kosovo) et Skopje (Macédoine du Nord).– Entouré de barbelés, le camp se dresse à la sortie de la ville de Ferizaj, sur la route qui conduit à la base américaine du camp Bondsteel, entre une station-service et des entrepôts. Des camions passent en soulevant des jets d’eau : nul n’a souvenir au Kosovo d’un automne aussi pluvieux que celui-ci.

« Les Afghans sont là, mais ils ne sortent jamais, on ne les voit jamais », lance Agon, dont l’atelier de menuiserie fait face à l’entrée du camp, où sont stationnées des jeeps de la Kfor, la force de l’Otan déployée depuis 1999. Parfois, un ballon de foot vole par-dessus les barbelés.

Les baraquements qui abritent les évacués de Kaboul ont été élevés dans les années 2000 pour héberger les travailleurs du consortium Bechtel-Enka, qui construisaient « l’autoroute nationale » reliant le Kosovo à l’Albanie. D’autres évacués, moins nombreux, sont installés à l’intérieur de la base de Bondsteel.

Pristina, Kosovo, le 29 août 2021. Des réfugiés afghans, ayant fuit Kaboul, à leurs arrivée à bord d’un avion de l'armée de l'air américaine. Le Kosovo a proposé d'accueillir temporairement des milliers de réfugiés afghans évacués par les forces américaines de Kaboul jusqu'à leur les demandes d'asile sont traitées. © Photo Armend Nimani / AFP
Pristina, Kosovo, le 29 août 2021. Des réfugiés afghans, ayant fuit Kaboul, à leurs arrivée à bord d’un avion de l'armée de l'air américaine. Le Kosovo a proposé d'accueillir temporairement des milliers de réfugiés afghans évacués par les forces américaines de Kaboul jusqu'à leur les demandes d'asile sont traitées. © Photo Armend Nimani / AFP
Une gestion confuse

En Macédoine du Nord, les conditions d’hébergement sont meilleures, mais le huis clos est tout aussi sévèrement gardé. Surplombant l’autoroute, dans les zones industrielles qui jouxtent l’aéroport de Skopje, l’hôtel Bellevue est un bâtiment de béton, entouré de jardins et de bassins où s’ébattent des canards. Des enfants jouent devant la réception, mais des policiers en civil interdisent tout accès au site.

Le propriétaire du Bellevue a fait une bonne affaire en louant l’hôtel pour abriter des Afghans, car l’établissement ne se remplit qu’au début et à la fin de l’été, quand les émigrés turcs en Allemagne qui regagnent le pays font étape en Macédoine.

En Macédoine du Nord, les 151 premiers évacués sont arrivés dans la nuit du 30 au 31 août. La plupart travaillaient pour des ONG. La secrétaire de la Croix-Rouge macédonienne, Suzana Panovska, reconnaît que la gestion des évacués est confuse. « Nous avons obtenu que nos équipes les accueillent à l’aéroport, mais ensuite, leur sort dépend de plusieurs organisations. » 

Au Kosovo, les Afghans dépendent de deux régimes distincts, celui des « US Affiliated Afghans », pris en charge par l’armée américaine et logés dans la base de Bondsteel, et celui des « Nato Affiliated Afghans », qui travaillaient pour l’Alliance ou des agences d’autres pays, logés dans le camp Bechtel-Enka.

Ces derniers sont plus nombreux – 161 dans le premier cas et 818 dans le second, selon les chiffres de la mi-octobre auxquels nous avons pu avoir accès – et leur gestion se révèle complexe. L’Otan a créé une task force pilotée depuis le Joint Forces Command de Naples et qui emploierait 300 personnes, la Kfor étant chargée du « real life support ».

En réalité, pour assurer la nourriture et les autres besoins des évacués, la Kfor sous-traite à des entreprises locales qui emploient parfois des Albanais ayant eux-mêmes travaillé dans des bases américaines en Afghanistan.

Une cohabitation tendue

À partir de 2003, beaucoup de Kosovars de la région de Ferizaj ont profité de l’opportunité de ces bons salaires – certains, du reste, sont ensuite passés dans les rangs de l’État islamique, comme le tristement célèbre Lavdrim Muhaxheri, le chef des volontaires albanais tué en Syrie en 2017… « Leurs conditions de vie sont acceptables, les baraquements sont chauffés, mais aucune activité ne leur est proposée et l’incertitude de leur sort les ronge », explique l’un des employés de la base, sous couvert d’un strict anonymat.

S’il est impossible de communiquer directement avec les exilés, ceux-ci disposent d’Internet, et des informations filtrent donc : en Macédoine du Nord, certains ont contacté des organisations locales, expliquant qu’à l’hôtel Bellevue, une seule chambre était prévue par famille, même quand celle-ci comptent des enfants.

La cohabitation serait aussi tendue entre les différentes communautés, mais aussi entre sunnites et chiites ainsi qu’entre pratiquants et non-pratiquants de l’islam. Les autorités n’ont pas répondu à la demande de certains réfugiés de pouvoir se rendre à la mosquée pour la prière du vendredi. Il en va de même dans le camp de Bechtel-Enka, tandis qu’un imam se rend, deux vendredis sur trois, dans la base américaine de Bondsteel.

Celui-ci, Labinot Maliqi, 32 ans, reçoit dans son bureau d’une mosquée de Pristina, près du centre hospitalier universitaire, décoré d’un drapeau américain. L’homme, qui anime un forum pour la paix, a été invité deux fois à la Maison Blanche et se flatte de recevoir régulièrement la visite de l’ambassadeur américain à Pristina. Il explique lire un prêche en anglais, traduit en pachtoune pour les exilés.

Craintes sur la sécurité

En Macédoine du Nord, les évacués ont occasionnellement le droit d’aller faire quelques courses, accompagnés de la police et sans que tous les membres d’une même famille ne puissent sortir en même temps.

À deux ou trois reprises, des « sorties de groupe » ont été organisées, sous escorte – « ce qui est la meilleure manière de les désigner comme des cibles », note avec ironie un activiste d’une ONG locale. En effet, deux types de danger les menaceraient en Macédoine du Nord, selon les autorités : une action de réseaux islamistes et l’hostilité de la population macédonienne orthodoxe.

Ce même activiste, qui tient à rester anonyme, souligne qu’il suffirait pour écarter ces dangers de laisser les réfugiés sortir seuls : « Les Afghans parlent l’anglais. S’ils se promenaient librement, personne ne les remarquerait. Une partie de la population de Skopje est musulmane, beaucoup de femmes portent le voile, et il y a aussi des Turcs qui visitent la ville… Comment les reconnaître ? »

Le fait est que la droite macédonienne a lancé un tir de barrage contre la décision du gouvernement social-démocrate du premier ministre, Zoran Zaev, d’accueillir ces exilés, diffusant des rumeurs sur leur nombre et sur la durée supposée de leur séjour, ou prétendant qu’il ne s’agirait que d’hommes en âge de combattre, alors que la plupart sont en famille, et en relayant des théories des milieux de l’alt-right américaine, comme les élucubrations du journaliste Glenn Beck, qui anime le site complotiste Blaze Media.

Fox News a aussi expliqué, en citant les « confidences » de hauts fonctionnaires américains anonymes, que la base de Bondsteel, au Kosovo, aurait pour vocation d’accueillir des Afghans qui n’obtiendraient pas l’asile car ils seraient signalés pour leurs liens « criminels ou terroristes ».

Manifestation dans un camp

Les Afghans sont arrivés en Macédoine du Nord avec un visa de tourisme de trois mois, garantissant leur droit à la libre circulation qui se trouve donc violé. Et, selon toutes les ONG, il est impossible que les évacués obtiennent tous un asile définitif dans un pays tiers en un si court délai. Certaines sont déjà en train de renégocier leur budget pour accompagner les évacués en vue d’un séjour d’un an et, comme un visa de tourisme ne peut légalement pas être prolongé, le gouvernement devra accorder l’asile ou un statut ad hoc à ces derniers.

Cas exceptionnel, l’ancien maire de la ville afghane de Ghazni, Hakimullah Ghazniwal, et sa famille ont été évacués le 14 octobre vers la France. Ils faisaient partie du dernier groupe d’Afghans arrivés en Macédoine en provenance de Tbilissi, le 7 octobre.

Au Kosovo, on a prévu plus large, avec un statut d’accueil provisoire – formellement, on ne parle pas d’asile – d’un an, qui devrait être suffisant pour transférer ceux qui se verront accorder l’asile dans un pays tiers. D’après les prévisions de l’Otan, 150 des « Nato Affiliated Afghans » devraient être accueillis au Canada, autant au Royaume-Uni, 91 au Danemark, 80 en Norvège, 50 en Pologne, 43 aux Pays-Bas, 30 en Lituanie et en Lettonie, etc. 117 évacués ont déjà été transférés le 16 septembre au Royaume-Uni.

La France ne figure pas sur cette liste, alors que s’y trouvent certains pays non membres de l’Alliance atlantique, comme la Finlande ou l’Islande. Les destinations ne rencontrent pas toujours l’approbation des intéressés : ainsi, les trente évacués qui auraient dû être admis au Portugal ont refusé d’y partir. Le 8 octobre, les Afghans ont organisé une manifestation à l’intérieur du camp Bechtel-Enka, pour obtenir plus d’informations sur leur sort et pouvoir s’installer dans les pays de leur choix, le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni étant plébiscités.

L’accueil des Afghans a été décidé sans concertation politique et aucune information ne circule.
Visar Ymeri, directeur d’un think tank du Kosovo

Mais qu’adviendra-t-il de ceux qui ne passeront pas le screening ? La question taraude les diplomates occidentaux, nombreux à penser que, dans la cohue de l’aéroport de Kaboul, les États-Unis ont évacué des personnes sans vérifier leur identité. Tout renvoi en Afghanistan étant exclu, il ne restera que deux solutions : maintenir de force ces personnes dans les Balkans, ce qui supposerait un accord des autorités locales mais violerait les droits fondamentaux des intéressés, ou bien se résigner à les voir rejoindre les cohortes d’Afghans qui n’ont pas bénéficié d’une évacuation et qui tentent de rejoindre l’Europe occidentale par la « route des Balkans ». « Les évacués ne savent pas ce qui va leur arriver et nous ne le savons pas non plus », reconnaît Arben Gudaçi, de l’ONG Myla.

Responsable de l’ONG macédonienne Legis, engagée depuis 2014 dans l’accueil des réfugiés, Jasmin Rexhepi ne note pas d’augmentation significative des flux arrivant dans le pays. Selon lui, une cinquantaine de personnes passeraient chaque jour en Macédoine du Nord, alors que 150 à 200 seraient quotidiennement refoulés vers la Grèce. Aussi bien les ONG que les polices des pays des Balkans sont néanmoins en alerte, craignant des arrivées massives qui viendraient se heurter aux barrières dont se couvrent les frontières de la région.

L’hypothèse d’une assignation à résidence extra-légale de certains des Afghans évacués par les Américains ne peut pas être écartée. Les pays des Balkans, notamment la Macédoine du Nord, ont déjà servi de relais aux « prisons secrètes » de la CIA, permettant le transfert de personnes soupçonnées de terrorisme vers le camp de Guantánamo.

L’Albanie, pour sa part, accueille depuis 2014 des moudjahidine du peuple d’Iran, évacués par les États-Unis de leurs bases d’Irak. « L’accueil des Afghans a été décidé sans concertation politique et aucune information ne circule, déplore Visar Ymeri, le directeur de l’Institut Musine Kokalari, un think tank du Kosovo. Mais il est certain que notre gouvernement n’est pas en mesure de refuser grand-chose aux États-Unis. »

 

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter