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Source : Médiapart - Helene Bienvenu - 25/10/2021

Des milliers de ressortissants du Moyen-Orient, d’Asie centrale ou d’Afrique de l’Ouest errent dans les forêts entre la Biélorussie et la Pologne où les refoulements côté polonais sont légion. Bénévoles et médecins demandent le déploiement d’une aide humanitaire.

Michałowo (Pologne). – À quelques kilomètres de Michałowo, sur la route de Narewka, dans l’est de la Pologne, on ne compte plus les convois de l’armée et les voitures de police qui filent dans la nuit. Puis, soudain, comme sortie de la forêt, une silhouette se détache au bord de la route. Sa démarche est hésitante. Après trois jours et trois nuits dans la forêt, à se nourrir de feuilles et à boire une eau non potable, Masod - le prénom a été modifié - est arrivé en Podlachie.

À vrai dire, du haut de ses 18 ans, il ne sait pas très bien où il est. Son passeur, qui devait le conduire de Moscou jusqu’en Allemagne, a fini par le lâcher à la frontière polono-biélorusse. « J’ai perdu mon chemin dans la forêt. Mon téléphone n’avait plus de batterie et je n’ai pas pu utiliser mon GPS », explique le jeune Afghan, qui parle parfaitement anglais.

Masod tremble de froid et accepte volontiers barres céréalières et bouteilles d’eau. « Nous étions douze à partir de l’autre côté de la frontière, en Biélorussie. Les autres ont été retenus par des gardes-frontières, moi j’ai réussi à m’enfoncer dans la forêt, en courant. » Masod aimerait rejoindre un cousin de sa mère, dans le nord de l’Allemagne, et entamer des études de médecine. « Mon père a travaillé six ans pour l’armée américaine. Aujourd’hui, toute ma famille vit cachée, terrorisée par les représailles des talibans. »

Le jeune homme hésite entre demander l’asile en Pologne ou tenter de trouver un passeur pour continuer sa route. Il ne sait pas encore qu’en vertu de plusieurs amendements passés depuis le 20 août, l’État polonais pratique des refoulements quasi systématiques jusqu’à la frontière biélorusse. En tant qu’homme seul, majeur et en bonne santé, sa demande d’asile, même formulée clairement auprès des gardes-frontières, n’a quasiment aucune chance d’aboutir. En cas d’interception par les gardes-frontières, il sera sans doute aussitôt reconduit à la frontière biélorusse, pour être à nouveau lâché dans la forêt.

Les bénévoles de Grupa Granica, un regroupement de plusieurs ONG venant au secours des candidats à l’asile dans les forêts polonaises, sont unanimes : il n’est pas rare de retrouver les mêmes personnes, y compris femmes et enfants, refoulées plusieurs fois, exténuées après des jours de périple dans la forêt et parfois gravement malades.

Des migrants et réfugiés qui avaient juste passé quelques heures à l’hôpital ont été refoulés, même s’ils étaient à peine convalescents et souhaitaient l’asile…
Iwo Łoś, bénévole au sein de Grupa Granica

Cette route migratoire ouverte cet été, et alimentée par le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko, vient en réponse aux sanctions adoptées par l’Union européenne vis-à-vis du régime biélorusse, qui a redoublé de violence depuis les élections présidentielles de 2020. Mais Lituanie, Lettonie et surtout Pologne ont répondu par la méthode forte à l’afflux de demandeurs d’asile du Moyen-Orient, d’Asie centrale ou d’Afrique de l’Ouest qui atterrissent en Biélorussie et se rendent – souvent de manière organisée - à ses frontières occidentales.

Leur argument, partagé par Bruxelles, consiste à refuser le « chantage » de Loukachenko. La Lituanie et la Pologne ont même déjà commencé à construire des clôtures frontalières de plusieurs dizaines de kilomètres. Pour autant, c’est vers la Pologne, pays frontalier de l’Allemagne, que la pression migratoire se fait le plus ressentir actuellement, avec près de 13 000 franchissements irréguliers de la frontière relevés du 1 au 24 octobre.

Et la réponse de la droite conservatrice polonaise au pouvoir est intransigeante. En plus d’avoir modifié sa législation, la Pologne a mis en place un état d’urgence tout le long de la frontière biélorusse depuis le 2 septembre.

Epuisé, un jeune libanais de 24 ans marche couvert d’une couverture de la Croix-Rouge polonaise et escorté par la police des frontières. La députée polonaise Daria Gosek-Popiolek tente de le réconforter. © Wojtek Radwanski / AFP Epuisé, un jeune libanais de 24 ans marche couvert d’une couverture de la Croix-Rouge polonaise et escorté par la police des frontières. La députée polonaise Daria Gosek-Popiolek tente de le réconforter. © Wojtek Radwanski / AFP
 

L’accès est ainsi défendu aux non-résidents ainsi qu’à la presse dans 183 communes. De quoi rendre le travail des ONG particulièrement ardu, comme en témoigne Iwo Łoś, bénévole au sein de Grupa Granica. « C’est important de reconnaître qu’on a affaire à une crise humanitaire afin que l’aide humanitaire professionnelle soit autorisée à entrer, notamment dans la zone d’état d’urgence, car l’aide des riverains et des bénévoles ne suffit pas. » Le trentenaire poursuit : « Les refoulements doivent également être arrêtés. Condamner à l’errance ces personnes assoiffées, affamées, qui tremblent de froid, c’est comme légaliser la torture. »

La présence des ambulances accompagnées des forces de l’ordre polonaises ne signifie en rien une procédure d’asile facilitée. « Certains migrants et réfugiés ont été refoulés après quelques heures à l’hôpital, même s’ils étaient à peine convalescents et souhaitaient l’asile… », ajoute Iwo Łoś.

Désormais au courant des maigres chances qu’il aurait d’obtenir l’asile, Masod décide de rester une nuit de plus dans la forêt. Les bénévoles de la fondation Ocalenie lui apportent sac de couchage, soupe chaude, polaire, thermos, sac à dos, victuailles et une batterie d’appoint, de quoi affronter des températures proches de zéro. L’une d’entre elle fait signer à Masod une procuration pour sa demande d’asile. Celle-ci n’empêchera pas son refoulement, mais permettra au moins d’espérer pouvoir demander des comptes aux gardes-frontières. Car la « machine » à refoulement mise en place par l’État polonais ces dernières semaines est souvent implacable. Rares sont celles et ceux qui, une fois appréhendés en territoire polonais, ont pu y échapper.

À moins d’être une famille avec enfants, de compter une personne handicapée, enceinte ou âgée. Les velléités de violations de la Convention de Genève peuvent être de surcroît empêchées grâce à l’intervention de député·e·s, du défenseur des droits polonais ou du HCR auprès des gardes-frontières. Souvent, même la présence renforcée de caméras, d’appareil photo et de micros - lors des interventions des gardes-frontières sur place - n’y fait rien.

Comme en ce 19 octobre aux alentours de Budy, à la sortie de la forêt, alors que la messagerie sécurisée de Grupa Granica lance un appel aux médias : trois Irakiens qui aimeraient demander l’asile sont entre les mains de la police. Sur le parking d’un centre d’information forestier, les forces de l’ordre refusent de baisser la vitre teintée et de communiquer avec la vingtaine de journalistes et d’activistes sur place.

Cheveux blonds, mi-longs, Maciej se tient droit devant le camion de la police, bloqué par derrière par une voiture stationnée. Cet activiste est engagé pour la première fois de sa vie dans une action de désobéissance civique : il s’oppose au refoulement des Irakiens. Le camion de police tente désespérément de s’extirper, sirènes à l’appui, mais il devra attendre des renforts, notamment un camion de gardes-frontières qui embarqueront les trois jeunes Irakiens. Les deux voitures de police bloquant l’entrée du parking empêcheront alors tout curieux de suivre la camionnette des gardes-frontières, filant sans doute vers la forêt…

Kalina, une bénévole qui a mis son travail entre parenthèses ces jours-ci pour s’impliquer auprès de Grupa Granica, est effondrée. « On essaie d’aider ces gens et ça ne sert à rien : ils sont renvoyés en Biélorussie… » Elle redoute comme tout le monde ici que les denses forêts de Poldlachie se transforment en cimetières. Neuf personnes y ont déjà perdu la vie côté polonais, à la suite d’hypothermie, ou encore de noyade.

Krystyna Jakimik-Jarosz, capitaine des gardes-frontières de Podlachie, assure de son côté que « dans la plupart des cas, quand les étrangers apprennent que s’ils candidatent à la protection de la Pologne, ils ne seront pas en mesure de voyager dans d’autres pays de l’UE, alors ils y renoncent », ce qui leur vaut d’être raccompagnés à la ligne frontalière.

Jakub Sieczko, membre de Medycy na Granicy (médecins à la frontière), - un groupe d’une quarantaine de médecins bénévoles déployés sur place et dont les déplacements sont financés grâce à une cagnotte citoyenne, dénonce le « drame humanitaire qui se déroule à la frontière ». Le médecin implore le ministère de l’intérieur polonais d’octroyer à son collectif le droit d’agir dans la zone d’état d’urgence, un accord pour le moment refusé pour raison de sécurité. « Cette région, qui fait face à une crise migratoire et une vague de coronavirus, a besoin de renfort, nous sommes prêts à offrir notre aide », insistait Jakub Sieczko lors d’une conférence de presse à Varsovie, le 21 octobre.

 

 

 


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