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Source : InfoMigrants - Charlotte Boitiaux Mohammad Arif Ullah - 27/10/2021

Depuis le début de l'année, de nombreux Bangladais se plaignent d’avoir été déboutés de leur demande d'asile sans même avoir été convoqués en audience à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pour raconter leur histoire. Ces rejets automatiques, pris par ordonnances, ne sont pas rares, au contraire. Ils se banalisent, s’inquiètent certains avocats de la Cour.

"Si j’avais eu la chance d’aller en audience à la CNDA, je suis sûr que j’aurais pu convaincre le juge [de m’accorder l’asile]. J’ai avec moi des documents sur mes engagements politiques et des documents qui prouvent que le parti au pouvoir cherche à me nuire". Mujakkir a 27 ans. De nationalité bangladaise, ce père de famille est arrivé en France en septembre 2020 avec sa femme, alors enceinte.

Au printemps 2021, après son entretien à l'Ofpra pour demander l’asile, la protection lui est refusée. La faute à l’interprète qui est présent, explique-t-il. "Il ne comprenait pas l’accent de [ma femme] et son vocabulaire". Mujakkir ne baisse pas les bras. Comme le prévoit la législation, il se tourne, en appel, vers la CNDA, la Cour national du droit d’asile, pour plaider une dernière fois sa cause. Il est sûr de pouvoir convaincre le juge de la gravité de sa situation.

Mais cette audience tant attendue, il ne l’aura jamais. "J’ai reçu un rejet automatique", dit-il. Il y a quelques jours, à la mi-octobre, la CNDA a rendu une décision par ordonnance à l'encontre de Mujakkir. Autrement dit, un juge n’a pas estimé nécessaire d’entendre le demandeur d'asile bangladais. Son dossier d’asile a donc été une nouvelle fois rejeté.

Être débouté sans convocation devant le juge, je ne savais pas que ça pouvait exister

"Être débouté sans convocation devant le juge, je ne savais pas que ça pouvait exister, déplore-t-il. Je voulais parler au juge, lui expliquer pourquoi je suis là. J’étais optimiste..."

Le cas de Mujakkir n’est pas une anomalie juridique, encore moins une exception. Depuis le début de l’année, plusieurs avocats s’inquiètent de la hausse des dossiers rejetés par ordonnance. La démarche est légale au regard du droit français et, souvent, les rejets sans audience concernent les dossiers venant de pays dits "sûrs". Mais le Bangladesh ne figure pas sur cette liste.

"C'est simple, en 20 ans d'exercice, je n'avais jamais reçu d'ordonnance pour un Bangladais. Maintenant, elles arrivent par vagues successives"

La CNDA explique aussi que le recours aux ordonnances intervient dans un cas précis : lorsqu’un dossier "ne présente aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de [l’Ofpra, en première instance]".

Une explication insuffisante pour les avocats. "On voit bien qu'à travers cette définition très large, tous les abus sont permis", répond Me Souhila Nador. "Le principe même de juger sans entendre la personne est choquant car on prive cette personne d'un procès équitable et on porte ainsi atteinte aux droits de la défense".

Plusieurs avocats s’inquiètent surtout de la hausse des ordonnances ciblant les Bangladais. "C'est simple, en 20 ans d'exercice auprès de la CNDA, je n'avais jamais reçu une seule ordonnance pour un Bangladais. Depuis le début de l'année 2021, [d’autres avocats et moi] avons tous reçu des ordonnances de Bangladais par vagues successives." Alors que l’année n’est pas finie, "on estime que le chiffre des rejets de dossiers de Bangladais grimpe à plus de 1400", avance encore Me Nador qui dénonce un "détournement" de la loi "pour faire du chiffre". "[Les décisions par ordonnance] compensent les périodes où les grèves d'avocats, la période de confinement Covid et post-Covid n'ont pas permis à la cour de fonctionner à plein régime."

Au cabinet de Me Aude Rimailho, la colère est identique. "Avant, à mon cabinet, je ne recevais quasiment jamais d’ordonnances", explique cette avocate spécialiste du droit des étrangers. "Cet été, j’en ai eu beaucoup. Désormais, j’en ai trois ou quatre par mois, c’est énorme !", continue-t-elle. "Avant, il n’y avait jamais d’ordonnance pour les Bangladais, maintenant elles concernent des dizaines et des dizaines de personnes. Il y en a à foison". 

"Aucun ciblage volontaire des Bangladais", se défend la CNDA

Isabelle Dely, la vice-présidente de la CNDA, se montre sceptique quant aux chiffres avancés. "Nous n’avons pas encore les dernières données de cette année", explique-t-elle. "Mais le nombre d'ordonnances par rapport au total des décisions rendues par la Cour s'élevait à 34 % en 2018, à 33,5 % en 2019 et à 32 % en 2020. Depuis le début de l'année 2021, il s'établit à 30 %". Il serait donc en légère baisse cette année.

Je ne sais même pas quelles sont mes fautes. Pourquoi le juge n’a pas voulu me voir ?

La CNDA a-t-elle donné des instructions aux juges concernant les Bangladais ? Absolument pas, affirme Isabelle Dely. Il n’y a aucun "ciblage volontaire" des demandeurs d’asile bangladais. Comment expliquer le chiffre des avocats alors ? "Peut-être un regard plus attentif [des juges] qu’il ne l’était par le passé".

Rifah*, un autre Bangladais de 26 ans, est terrassé par son rejet automatique. Il a contacté, comme beaucoup d’autres, la rédaction d’InfoMigrants. "Ce mois-ci, j’ai appris que le juge avait rejeté mon dossier d’asile. J’étais très choqué : j’ai reçu le courrier dans le CADA [Centre d'accueil pour demandeurs d'asile, ndlr] où je réside actuellement. Ils ont écrit dans la lettre qu’il n’y avait pas d’éléments sérieux dans mon dossier", raconte le jeune homme de 26 ans. "C’est très bizarre parce que le régime m’a envoyé en prison pendant un mois. J’ai été ciblé. Je peux le prouver, j’ai des documents. Je n’ai pas eu la chance d'expliquer mes problèmes. Je ne sais même pas quelles sont mes fautes. Pourquoi le juge n’a pas voulu me voir ?"

"Pouvoir parler à un juge de la CNDA est essentiel pour un demandeur d’asile."

La CNDA précise qu’aucun des dossiers qu’elle reçoit n’est rejeté automatiquement. "Les recours sont tous analysés par un rapporteur de la Cour et ensuite étudiés par l’un des présidents permanents. Il y a donc toujours un regard et une appréciation portée par un juge." Là encore, Me Rimailho estime que l’explication n’est pas convaincante. "C’est inadmissible. Pouvoir parler à un juge de la CNDA est essentiel pour un demandeur d’asile."

Pourquoi ? "Parce qu'à l’Ofpra, en première instance, il peut y avoir des ratés, des demandeurs d’asile qui ne savent pas comment parler. Il peut y avoir des interprètes pas toujours fiables, pas toujours performants", énumère-t-elle. "Tous ces exemples tendent à prouver qu’une audition à la CNDA est primordiale". 

Pour Rifah, Mujakkir et les autres déboutés bangladais, l’avenir s’assombrit à l’approche de l’hiver. Une fois les recours épuisés, les CADA demandent généralement aux occupants de quitter les lieux. "Je dois quitter mon hébergement avant le 17 novembre", s’inquiète Rifah. C’est-à-dire un mois après avoir reçu le courrier de la CNDA. "Je ne sais pas ce que je vais faire".

Mujakkir, lui, a déjà quitté son CADA. "La vie devient très compliquée. Je suis en Ile-de-France maintenant, dans l'appartement de quelqu’un que je connais depuis 5 mois. Mais je ne peux pas rester longtemps. Je vais commencer à appeler le 115 pour avoir un toit. Ma fille a neuf mois. Ça va être très difficile de rester dehors maintenant."

*Le prénom a été changé.

 

 


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