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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 16/11/2021

Dans un rapport rendu public mardi 16 novembre, la commission d’enquête de l’Assemblée sur les migrations dénonce la politique menée par le gouvernement et les défaillances de l’État et de l’Europe quant aux conditions d’accueil et aux difficultés d’accès aux droits pour les migrants.

’immigration est au cœur des débats à quelques mois de la présidentielle. Instrumentalisé à tout-va, le sujet n’est présenté que comme un « problème » à résoudre, un « phénomène » conjoncturel à maîtriser et à réduire pour les uns, à stopper définitivement pour les autres. Pourtant, les mouvements migratoires ont existé, existent et existeront toujours. C’est ce que rappelle la commission d’enquête parlementaire sur les migrations, dans son rapport rendu public ce mardi, au terme de sept mois de recherches, de déplacements sur le terrain et d’auditions à l'Assemblée nationale.

Les parlementaires, notamment membres du parti présidentiel LREM, voulaient comprendre dans quelles conditions de vie évoluent les migrants sur le sol français, et dans quelle mesure leur accès aux droits, au logement, à la santé ou à l’éducation est respectée.

Le constat est alarmant. La promesse de la République est « insuffisamment tenue » quant à l’accès des personnes migrantes aux droits sur le territoire français, pointe le rapport, accompagné de trente recommandations venant fortement remettre en cause la politique migratoire du gouvernement français. Le caractère « excessivement complexe » du droit des étrangers produit des « conséquences délétères » à la fois pour les personnes étrangères et le reste des acteurs concernés, comme l’administration, les agents publics et les juridictions, ces dernières étant souvent saisies par les associations d’aide aux étrangers dans le cadre de contentieux lorsque le droit n’est pas appliqué.

Une file d'attente d'usagers étrangers devant la préfecture de Seine-Saint-Denis, au petit matin (2020). © NB.
Une file d'attente d'usagers étrangers devant la préfecture de Seine-Saint-Denis, au petit matin (2020). © NB.
 

La dématérialisation des démarches, comme l’a déjà documenté Mediapart (lire ici ou ), « porte trop souvent atteinte, dans sa mise en œuvre, à l’effectivité de l’accès aux droits », estime la rapporteuse de la commission. Sonia Krimi, députée LREM de la Manche, invite ainsi à proposer une alternative systématique à la prise de rendez-vous en ligne, devenue mission quasi impossible – faisant tomber des personnes en situation régulière dans l’irrégularité –, et à augmenter le budget alloué aux moyens humains en préfecture.

L’accès aux soins est lui aussi entravé, notamment depuis une série de décrets venue durcir la possibilité d’être soigné pour les demandeurs d’asile et sans-papiers sous le quinquennat d’Emmanuel Macron (lire ici notre article), fin 2019, dans l’objectif affiché de lutter contre « le tourisme médical » et la fraude présumée rabâchée d’année en année par l’extrême droite, avant d’être récupérée par la droite et la majorité. Là encore, le rapport de la commission d’enquête vient contredire la ligne affichée par le gouvernement.

À propos de l’aide médicale d’État (AME), c’est davantage l’insuffisant recours au dispositif qui pose question, « plutôt que celui de son usage abusif ». Les caisses primaires d’assurance-maladie réclament, de manière abusive, des pièces supplémentaires venant compliquer le parcours de soins des personnes en situation irrégulière. Le délai de carence s’appliquant aux personnes en situation irrégulière, pouvant bénéficier de l’AME, doit être réduit ; celui s’appliquant aux demandeurs d’asile, pouvant bénéficier de la protection universelle maladie (PUMa), supprimé. Autrement dit, les récents décrets pris par le gouvernement fin 2019 pour introduire ces délais supplémentaires sont remis en cause.

De Calais à Briançon, les parlementaires de la commission font également état des défaillances en matière d’accès à l’hébergement, pointant un « sous-dimensionnement des solutions d’hébergement particulièrement criant ». Et souligne le rôle crucial joué par les associations, comme le Refuge solidaire de Briançon, qui, depuis le 24 octobre dernier, a dû fermer temporairement ses portes faute de places nécessaires, avec l’idée d’interpeller les autorités sur la nécessité de proposer des solutions d’hébergement aux exilés. La préfète des Hautes-Alpes est restée jusqu’à présent silencieuse face au cri d’alarme des bénévoles associatifs.

À Calais, où deux citoyens sont en grève de la faim depuis plus d’un mois pour réclamer la fin des « traitements inhumains et dégradants » visant les migrants sur le littoral et l’arrêt des expulsions des lieux de vie durant la trêve hivernale, les parlementaires demandent la fin de la politique « zéro point de fixation », qui explique les démantèlements de camps en rafale sur le littoral. « Le coût de notre politique à Calais et sur le littoral s’élève à 129 millions d’euros, s’époumone Sonia Krimi auprès de Mediapart. Vous imaginez ce que l’on pourrait mettre en place en termes d’accompagnement avec cette somme ? » 

Le ministère de l’intérieur fait de la sécurité. Il ne va pas faire de la solidarité ou de l’intégration par le travail.
Sonia Krimi, rapporteuse de la commission d’enquête

L’une des recommandations phares avancées par la rapporteuse concerne justement l’intégration des personnes migrantes via l’apprentissage du français, la formation, l’éducation civique et le travail, à l’heure où un rapport d’inspection pointe les lacunes de la politique d’intégration pourtant tant vantée par l’exécutif en parallèle de la loi « asile et immigration » de 2018 (lire notre article ici).

« On a aujourd’hui des syndicats et des patrons qui nous disent avoir du mal à recruter dans les métiers en tension. Regardons la réalité en face dans ce pays ! », s’agace la rapporteuse, qui propose de lever les obstacles à l’emploi pour les demandeurs d’asile afin de leur permettre d’avoir un accès au marché du travail « plus tôt », dès l’introduction de leur demande d’asile, plutôt que de les conduire, indirectement, à travailler au noir.

Un « manque de vision globale »

Une autre recommandation de la commission d’enquête consiste à ne plus confier la compétence « immigration » au seul ministère de l’intérieur, qui se retrouve, explique Sonia Krimi, « à gérer à la fois le logement, la santé, le travail et les services de l’État en préfecture... ». « Le ministère de l’intérieur fait de la sécurité. Il ne va pas faire de la solidarité ou de l’intégration par le travail. Que l’Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides – ndlr] soit sous la tutelle de ce ministère est incompréhensible », dénonce celle qui y voit le « manque d’une vision globale, sur le long terme, davantage interministérielle et structurelle ».

« Plus d’interministériel, pourquoi pas, mais la question est de savoir qui pilote, nuance Sébastien Nadot, président de la commission d’enquête et député ex-LREM. Tant qu’il n’y a pas un pilotage clair du ministère des affaires étrangères, l’interministériel consiste à habiller ce qui est déjà existant. C’est du LREM tout craché. »

 

Une demandeuse d'asile afghane et sa fille de 3 ans, survivant dans une tente à Paris faute de solution d'hébergement (2019). © NB.
Une demandeuse d'asile afghane et sa fille de 3 ans, survivant dans une tente à Paris faute de solution d'hébergement (2019). © NB.
 

Enfin, à l’échelle européenne, la commission propose de mettre fin au règlement Dublin, qui impose aux exilés de déposer leur demande d’asile dans le premier pays par lequel ils sont entrés dans l’Union européenne. Un texte qui « ne tient pas compte du parcours ou des intentions du demandeur d’asile » et génère par ailleurs « des comportements non coopératifs de la part de l’ensemble des États de l’Union, chacun essayant de minimiser le nombre des demandeurs chez lui ».

Afin de « réduire le pouvoir des mafias de passeurs », elle invite par ailleurs à l’ouverture de « voies de migration légale pour fluidifier les déplacements », à l’instar de certains chercheurs spécialistes des migrations. Pour la rapporteuse, la présidence française de l’Union européenne en 2022 devrait permettre d’insuffler la création d’une « agence de l’asile européen » (déjà prévue par le pacte migratoire européen), même si nombre d’observateurs estiment au contraire qu’Emmanuel Macron pourrait contribuer à restreindre les migrations en Europe à cette occasion.

Tout être humain a des droits fondamentaux. Si on envoie valser cela, on fait exploser la Constitution [...].
Sébastien Nadot, président de la commission d’enquête

Moins enthousiaste sur ce volet, Sébastien Nadot (Libertés et territoires) estime que la notion de « responsabilité » présente dans le pacte englobe « surtout des questions de contrôle et d’enfermement ». « Sur 80 milliards dédiés à l’action extérieure de l’Union européenne, 12 sont dévolus aux questions migratoires, ce qui arrange bien les fabricants de drones et autres dispositifs de sécurité. Il n’y a aucun accord sur la notion de solidarité, mais on trouvera des compromis sur les murs et les barbelés. La France va prendre la présidence de l’Union européenne et va laisser couler. »

Pour le député de Haute-Garonne, à l’origine de cette commission d’enquête, le rapport (une première sur ce sujet) reste malgré tout un point d’appui important pour « mettre en lumière un autre discours politique en face de celui de la droite et de l’extrême droite ».

« Les constats sur la situation des migrants sont inacceptables du point de vue de la dignité. Il y a des manquements à tous les étages, sur la santé, le logement, l’hébergement, l’éducation… Tout être humain a des droits fondamentaux. Si on envoie valser cela, on fait exploser la Constitution avec les conséquences qui en découlent », assène le président de la commission d’enquête, bien content d’avoir contraint la majorité à produire ce rapport. « C’est elle qui dit que le compte n’y est pas et que la promesse républicaine n’est pas tenue, c’est donc d’autant plus puissant. Cela vient démonter cinq ans de discours de la majorité sur ces questions. »

En résumé, le rapport est un camouflet pour le gouvernement et sa politique migratoire. Reste à savoir ce qu’en fera le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à quelques mois d’une présidentielle déjà entachée par les saillies racistes et xénophobes, à droite comme à l’extrême droite – et parfois plus à gauche, comme lorsque Arnaud Montebourg propose d’interdire les transferts d’argent des immigrés vers les pays refusant de reprendre leurs ressortissants sous le joug d’une procédure d’éloignement en France (lire notre article ici).

« Ce qui est sûr, c’est que l’on va déposer le rapport au ministre de l’intérieur, de même qu’à Emmanuel Macron, qui doit proposer des choses sur l’immigration en 2022. On passe notre temps à vouloir repousser les migrations plutôt qu’à les intégrer de manière structurelle pour le bien-être de tous. Je suis dans la majorité, j’ai proposé des solutions équilibrées. Je ferai tout pour qu’il s’en saisisse », affirme Sonia Krimi, dont le soutien au chef de l’État ne faiblit pas malgré le constat alarmant livré dans son rapport.

 

 


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