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Source : Le monde - Philippe Bernard - 20/11/2021

A l’heure où Calais est devenue une frontière extérieure de l’Union, la France serait fondée à dénoncer des accords qui en font l’otage des choix politiques du Royaume-Uni et maintiennent des milliers de migrants dans des conditions indignes, analyse Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

Chronique. Par temps clair, les falaises de Douvres s’observent toujours à l’œil nu depuis le cap Gris-Nez. Pourtant, cette partie de la carte de l’Europe politique a changé : le Brexit a transformé la Côte d’Opale en frontière extérieure de l’Union européenne (UE). Pour les voyageurs comme pour les marchandises, la Manche n’est plus cette frontière franchie presque sans formalités entre deux pays européens. Pour les migrants, le Pas-de-Calais n’est plus seulement la porte d’entrée incertaine, vaine, voire mortelle vers le Royaume-Uni ; c’est un détroit cadenassé entre deux pays désormais agités par une mésentente cordiale permanente attisée par le Brexit.

Une configuration nouvelle, inédite depuis 1945, qui favorise ce que Paris comme Londres dénoncent en d’autres points de la planète : l’instrumentalisation des migrants pour installer un rapport de force. Les Iraniens, Irakiens, Soudanais ou Syriens… qui tentent de traverser la Manche au péril de leur vie sont devenus des pions dans les négociations sur les multiples contentieux (pêche, commerce, Irlande du Nord) nés du Brexit. Des querelles qui ne seront pas vidées tant que Boris Johnson entretiendra un conflit avec les Européens pour soutenir sa popularité déclinante. Parce que le Channel sépare désormais l’UE du reste du monde, la question des migrations qui s’y déploient n’est plus seulement franco-britannique mais européenne.

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Le sujet est d’autant plus crucial que les passages, longtemps peu visibles car concentrés aux abords de l’entrée du tunnel sous la Manche, s’effectuent depuis le début de 2021 en majorité par voie maritime, sur de frêles bateaux gonflables affrétés par des gangs de passeurs. Le verrouillage des abords du tunnel sous la Manche conduit les migrants à s’entasser sur ces « small boats » de plus en plus loin du Pas-de-Calais, et donc pour une traversée de plus en plus périlleuse. Certains sont interceptés par la gendarmerie française ou les gardes-côtes britanniques. Mais la moitié parviennent à destination.

« Bras policier »

Au total, 24 500 personnes ont atteint l’Angleterre de cette façon depuis le début de l’année, contre 8 400 en 2020. Plus de 1 000 passages sont enregistrés certains jours. Un affront aux extravagants accords de Sangatte (2000) et du Touquet (2003), qui font des forces de l’ordre françaises les gardiennes des frontières ferroviaire et maritime du Royaume-Uni.

Pour une partie des Britanniques, la France du pro-européen Emmanuel Macron ferme les yeux sur les traversées de migrants afin de les « punir » d’avoir quitté l’UE. Une rhétorique que Boris Johnson et sa ministre de l’intérieur, Priti Patel, alimentent sans cesse, menaçant de repousser par la force les esquifs des migrants vers les eaux françaises. N’ont-ils pas remporté le référendum sur le Brexit en promettant de « reprendre le contrôle des frontières » ?

Dans l’europhobe Telegraph, des lecteurs demandent au premier ministre d’envoyer la Royal Navy ; d’autres comparent le président français au dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko. Tandis que Mme Patel accuse la France de « céder [sa] souveraineté territoriale à des trafiquants criminels », son homologue Gérald Darmanin rétorque que la France « n’a pas de leçons à recevoir des Britanniques » et n’est « ni [leur] collaborateur ni [leur] supplétif ».

Pourtant, en délocalisant en France le contrôle des entrées sur le territoire britannique, c’est bien ce que prévoient les accords du Touquet. Dès 2015, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) les a accusés de « faire de la France le bras policier de la politique migratoire britannique ».

Emmanuel Macron, qui menaçait de les dénoncer lorsqu’il était ministre de l’économie, n’en a rien fait depuis qu’il est à l’Elysée. « Ce serait déclarer la guerre à l’Angleterre. On ne peut pas faire ça », justifie un proche du pouvoir. Londres contribue financièrement au bouclage de la frontière mais ses versements ne couvrent que 20 % de son coût total (120 millions d’euros par an), sans compter les dégâts humains et politiques de l’abcès de fixation de Calais. Pour les partisans du statu quo, la France provoquerait un « appel d’air » et des mesures de rétorsions commerciales si elle laissait passer les migrants.

Paradoxe

En réalité, les accords du Touquet permettent surtout aux Britanniques de se soustraire à leur obligation : examiner les demandes d’asile à la frontière. Ils pouvaient se justifier du temps que, avant le Brexit, le Royaume-Uni était soumis au règlement européen de Dublin qui oblige les demandeurs d’asile à s’adresser au premier pays d’Europe où ils ont séjourné. Mais le Brexit a rendu obsolète l’arrangement franco-britannique de 2003 qui, de fait, perpétue l’inégale répartition des migrants : tandis que 83 000 demandes d’asile ont été déposées en France depuis un an, seules 31 000 l’ont été au Royaume-Uni. En 2020, ce pays a enregistré 5,78 demandeurs d’asile et réfugiés pour 10 000 habitants contre 16,93 pour la France, 19,52 pour l’Allemagne et 60,57 pour la Grèce.

Dès lors, on ne voit pas ce qui empêcherait Paris de dénoncer des accords qui enveniment en permanence le débat sur l’immigration, maintiennent des milliers de migrants dans des conditions indignes et font de la France l’otage des choix politiques d’un partenaire non européen. Une renégociation soutenue à l’échelle européenne pourrait, comme l’a suggéré la CNCDH en février, mettre sur pied une procédure de demande d’asile au Royaume-Uni formulée à la frontière et définir des critères de partage de la demande d’asile entre les deux pays.

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Calais est désormais une frontière extérieure de l’UE. N’est-il pas paradoxal de voir l’Union, accusée de se muer en forteresse sur ses flancs est et sud, perpétuer dans le nord de la France une impasse mortifère en continuant d’empêcher des migrants de la quitter ?

 

 


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